Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
Pierre Merle : Le « choc des savoirs » de G. Attal : une politique contraire au bilan PISA
Pierre Merle, sociologue, nous dresse le bilan de la politique Macron, portée par Attal, en matière d’éducation. Selon le chercheur spécialiste des politiques éducatives, « la politique éducative ségrégative de G. Attal ne peut que fracturer encore davantage les parcours scolaires proposés aux collégiens et, in fine, la société française. Le discours sur la nécessaire unité de la nation demeurera toujours une illusion tant que, en même temps, la politique éducative ne fait que favoriser le développement d’une école à deux vitesses déjà à l’œuvre avec, dans les meilleures classes, les professeurs les plus diplômés et les plus expérimentés et, dans les autres, plus fréquemment des professeurs débutants et contractuels ».
En expert de la communication politique, le ministre Attal a présenté son « choc des savoirs » au moment de la publication du bilan PISA 2022. Cette façon de procéder lui a permis, au nom de l’urgence, de réduire a minima consultations et réflexions. Jean-Michel Blanquer avait utilisé cette méthode désastreuse. Ses réformes du lycée, du baccalauréat et de parcoursup ont été conçues dans une telle précipitation que chacune a dû faire l’objet de modifications quasi annuelles sans jamais apporter des solutions pertinentes aux problèmes qu’elles étaient censées résoudre. Mieux vaut commencer par un bilan.
Les deux enseignements de PISA 2022
Les médias ont commenté d’une façon quasi unanime et simpliste le bilan PISA. Pour le Figaro « le niveau des élèves français dégringole ». Fidèle à ses thématiques, le quotidien précise que cet « effondrement historique » ne peut être compris sans aborder la question de l’immigration « Ce tabou dans l’effondrement du niveau scolaire en France ». Valeurs Actuelles caricaturent encore plus : « La France porte le bonnet d’âne ». Il n’est pas utile de multiplier les exemples.
Le discours catastrophiste, spécifiquement sur l’école, est fondé sur la suppression de toute précaution méthodologique et références statistiques pertinentes. Pour le France, les données PISA 2022 sont élaborées à partir des réponses de seulement 6770 élèves. Avec un échantillon si réduit, en l’occurrence moins de 1 % des élèves âgés de 15 ans, la marge d’erreur sur la performance moyenne des élèves en mathématique est de 10 points. Le score des élèves français n’est donc pas de 474 points, « en dessous de la moyenne de l’OCDE » selon Public Sénat, mais de 469-479 points. En introduisant cette marge d’erreur, les élèves français se situent dans un groupe médian de l’OCDE, au même niveau que la Hongrie, l’Espagne, l’Allemagne, la Lituanie, la Nouvelle-Zélande, le Portugal et l’Italie.
Certains pays européens se situent certes au-dessus. Il en est ainsi du Royaume-Uni (489 pts.), de la Belgique (490) et des Pays-Bas (493). Les pays asiatiques, en tout premier lieu le Japon (536), caracolent en tête. Mais les performances des Américains âgés de 15 ans sont plus basses (465 points). Quant à « l’effondrement historique » des élèves français en mathématiques, il est comparable à celui constaté dans les autres pays en raison de l’interruption des scolarités liées à la Covid 19. La performance des élèves français a certes baissé de 21 points depuis 2018, contre moins 15 points en moyenne dans l’OCDE. Mais des pays tels que l’Allemagne, la Finlande, la Norvège, la Pologne, les Pays-Bas se caractérisent par une chute supérieure de la culture mathématique de leurs élèves. La « catastrophe » est une construction médiatique au service d’une stratégie du choc. Elle est dans la désinformation, non dans les faits.
Le deuxième enseignement de PISA 2022 porte sur un indicateur quasiment ignoré des médias : l’écart d’équité. Cet écart correspond à la différence de compétences entre le quart des élèves les plus défavorisés et le quart des élèves les plus favorisés. Au niveau de l’Union Européenne, en mathématique, cet écart d’équité est de 97,7 points et correspond, compte tenu qu’une année de scolarité apporte une progression moyenne de compétences de 30 points, à 3,2 années d’écart de compétences mathématiques entre le quart des élèves le plus défavorisé et le quart des élèves le plus favorisé (note d’information, n°48, 2023).
Dans le classement des pays les plus inégalitaires, l’école française, avec un écart d’équité de 112,5 points, soit 3,75 années d’apprentissage, se situe dans le peloton de tête des mauvais élèves, derrière la Roumanie (131,8 pts.), la Hongrie (121,1 pts.) et la Belgique (116,9 pts.). En matière d’égalité, les bons élèves de l’Europe sont l’Espagne (86,3 pts.), l’Italie (85,1 pts.) et le Danemark (73,9 pts.). Parmi les grandes puissances économiques européennes, l’école française porte sans aucun doute le bonnet d’âne en matière d’inégalités bien que l’Allemagne (111,6 pts), dont le système éducatif est aussi très ségrégatif, soit de peu distancée.
Limiter le bilan PISA 2022 à deux enseignements est évidemment réducteur. Un certain nombre de commentateurs ont par exemple mentionné que 21,9 % des élèves enquêtés avaient déclaré « du bruit et de l’agitation à chaque cours » de mathématiques. Cette proportion, le double de la moyenne européenne, est un indicateur des difficultés de l’école française. Penser qu’il suffit, selon la novlangue conservatrice, de « restaurer l’autorité du professeur » et de sanctionner davantage pour supprimer ce problème d’agitation est une façon de ne pas aborder des solutions pertinentes… Nous y reviendrons.
Le « choc des savoirs » : des mesures inadaptées
Dans le cadre d’un « choc des savoirs », le ministre Attal a présenté des « mesures fortes », principalement l’instauration de groupes de niveaux, le recours au redoublement et l’instauration de « prépas lycées ». Ces mesures sont à la fois inadaptées et déconnectées des résultats PISA 2022.
L’instauration de groupes de niveaux
Le projet de G. Attal est, en mathématiques et en français, dans les classes de sixième et cinquième, de créer trois groupes de niveaux : faible, moyen et fort. La justification de tels groupes tient au fait qu’il faudrait mettre fin au collège « uniforme ». Ce collège uniforme est un véritable fantasme. Contrairement au ministre Attal, les parents d’élèves et les professeurs savent tous que les collèges ne se ressemblent pas ! Les stratégies d’évitement des collèges populaires et les demandes de mutation des professeurs le montrent avec constance depuis plusieurs décennies. La statistique scolaire confirme cette grande diversité des collèges. En 2022, les collèges publics scolarisent près de 40 % d’élèves défavorisés. Les collèges privés en scolarisent moins de 16 %. Encore ne s’agit-il que de moyenne ! Dans les Réseaux d’Education Prioritaire (REP et REP+), la proportion d’élèves d’origine populaire dépasse parfois les 70 % alors qu’elle est souvent inférieure à 10 %, voire 5%, dans les collèges privés du centre-ville des capitales régionales. À cette ségrégation sociale inter-établissement, à laquelle correspond des différences considérables de compétences des élèves, s’ajoute une ségrégation intra-établissement d’une importance équivalente en raison de la multiplication des sections bilangues et européennes, des classes à horaires aménagés, des langues rares… particulièrement recherchées par les parents d’origine aisée.
Vouloir créer des groupes de niveaux (faible, moyen, fort) dans des classes déjà globalement homogènes est une triple erreur. D’abord, l’idée bienvenue de réduire à 15 le nombre de collégiens dans les groupes de niveaux d’élèves faibles profitera à des élèves moyens, voire bons, scolarisés dans les collèges très favorisés au détriment des élèves réellement faibles scolarisés en REP. Au lieu de concentrer les aides sur les élèves les plus en difficulté, G. Attal éparpille des moyens qui seront également alloués aux bons élèves alors même que la réduction du nombre d’élèves par classe bénéficie surtout aux élèves les plus faibles.
Ensuite, l’objectif louable de ne pas assigner en permanence un élève dans tel ou tel groupe de niveau nécessitera des évaluations incessantes. Elles seront une source permanente de stress et de perte de temps pour les élèves et les professeurs. Outre un effet d’étiquetage des plus faibles, ces groupes de niveaux vont créer une compétition permanente entre les élèves : les moins forts des groupes forts vont craindre d’être relégués dans les groupes de moyens qui craindront une relégation dans le groupe des faibles. L’anxiété scolaire des parents et des élèves, déjà trop présente et source de pressions sur les enseignants, sera accentuée. De surcroît, les élèves les plus forts ne seront pas forcément toujours gagnants. Dupont et Lafontaine (2016) on montré que si « les élèves fréquentant les écoles, les filières ou les classes les plus performantes en tirent d’incontestables bénéfices sur le plan de leurs apprentissages (…) les avantages apparaissent nettement moindres, voire se changent en désavantages, sur le plan de la motivation et plus particulièrement du concept de soi académique ».
Enfin, en 2019, une synthèse des recherches a montré un effet bénéfique de la mixité sociale et scolaire sur les progressions des élèves faibles sans effet négatif sur les meilleurs. Séparer encore davantage les élèves faibles des élèves moyens et forts ne fera qu’accentuer leurs difficultés d’apprentissage. L’évaluation des expériences de mixité sociale réalisées en France montre aussi un accroissement du bien-être de l’ensemble des élèves, y compris celui des élèves favorisés. La mixité sociale favorise également le développement des capacités socio-émotionnelles, réduit la prévalence des stéréotypes raciaux et sociaux et, pour les élèves socialement défavorisés, améliore leur insertion professionnelle (Note IPP, 2023). Autant d’effets bénéfiques à tous les élèves et à la société tout entière. L’établissement scolaire et la classe sont des petites sociétés. Il faut créer de l’unité, non des groupes de niveaux.
Le recours plus fréquent au redoublement et l’instauration d’une « prépa lycée »
Dans son « choc des savoirs », G. Attal accrédite l’idée d’un redoublement favorable aux élèves en difficulté. Un large consensus scientifique a montré qu’une telle politique débouche sur un résultat inverse. Le redoublement produit des effets négatifs en termes d’estime de soi, de motivation et d’apprentissages ultérieurs. Les seules exceptions concernent, outre la classe terminale, les classes de troisième et seconde dans lesquelles les élèves faibles, en cas de redoublement, sont motivés pour éviter une orientation non choisie. Les recherches ont suffisamment montré l’inefficacité du redoublement pour que la quasi-totalité des systèmes éducatifs en ait réduit sensiblement la pratique. Certains pays, tels que le Japon, ont recours au passage automatique sauf situations exceptionnelles (maladie grave, problèmes familiaux…).
Dans le bilan PISA 2022, 64,2 % des élèves français enquêtés sont scolarisés en classe de seconde générale et technologique avec un score de 507 points (largement au-dessus de la moyenne européenne !), et 12,4 % des élèves sont scolarisés en troisième avec une année de retard. Leur score est de 384 points (NI, 48, 2023, fig. 2.1). Si le redoublement avait la vertu de « remettre les élèves au niveau », ces redoublants n’auraient pas 123 points de compétences de moins que leurs anciens camarades de 15 ans scolarisés en classe de seconde, soit plus de quatre années de retard d’apprentissage. Ces élèves redoublants, en grande difficulté scolaire, contribuent fortement à la baisse du résultat moyen des élèves français. Il faut en réduire impérativement le nombre. Paradoxalement, le ministre fait le choix inverse.
Outre son inefficacité, le redoublement, en allongeant d’un an la scolarité d’un élève, constitue un coût supplémentaire qui a été estimé à 2 milliards d’euros en 2015. Les économies réalisées par la forte baisse du recours au redoublement en France auraient dû être utilisées à mettre en œuvre une réduction du nombre d’élèves par classe dans les établissements scolarisant le plus d’élèves en difficulté scolaire. Cette politique a été mise en œuvre par Jean-Michel Blanquer dans une partie des classes de primaire du réseau d’éducation prioritaire mais de façon trop parcimonieuse pour être efficace. Moins de 15 % des élèves en difficulté ont profité de cette politique. Plutôt que de favoriser le redoublement, mieux vaudrait supprimer les raisons susceptibles de le motiver. Bref, faire le choix d’aider les élèves en difficulté dès le début de l’année scolaire plutôt que de les sanctionner à la fin de celle-ci. Mis en place par le ministre Peillon le dispositif « plus de maîtres que de classes » poursuivait un tel objectif. Il a été supprimé sans avoir été évalué.
L’instauration d’une « prépa lycée » pour les élèves de troisième n’ayant pas obtenu leur brevet est une embrouille sémantique. Le terme prépa a une connotation élogieuse. Ce nouveau sigle a pour objet de déguiser une décision de redoublement. Outre que l’échec au brevet est une mesure relativement aléatoire de la compétence scolaire d’un élève (les pratiques de notation sont variables selon les professeurs et un élève malade pendant les épreuves du brevet serait injustement condamné à refaire sa classe de troisième), la création d’une « prépa lycée » revient tout simplement à constituer une classe de redoublants. Cette mise à l’écart est la pire des pratiques.
Le regroupement de tous les élèves faibles maximise les effets de stigmatisation sociale et scolaire. Les attentes des professeurs sont moins fortes et les progressions scolaires réduites. Dans le quotidien des collèges, la « prépa lycée » risque fort d’être renommée par certains élèves la « prépa des nuls ». Privées d’élèves bons et moyens sources d’effet de pairs positifs, les prépas lycées seront des classes dans lesquelles les dynamiques d’apprentissage risquent d’être difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre. Le risque d’agitation scolaire n’en sera que plus fréquent.
Comme pour la création des groupes de niveaux, la création d’une prépa lycée nécessitera la création de postes supplémentaires alors même que le nombre de postes mis au concours sont déjà loin d’être tous pourvus, notamment en français et en mathématiques, disciplines dans lesquelles des groupes de niveaux devraient être créés. Le ministère ne dispose pas des moyens de sa politique. Actuellement, plus de 10 % des élèves n’obtiennent pas leur brevet, soit environ 85 000. Pour scolariser ceux-ci dans des prépas lycées, il faudrait créer 3400 postes (85000/25).
Qu’il s’agisse des groupes de niveaux, du redoublement ou des prépas lycées, cette politique ne fera qu’accentuer – caractéristique centrale de l’école française dans le bilan PISA 2022 – l’écart de compétences considérable entre le quart des élèves les plus défavorisés et le quart des élèves les plus favorisés.
Les choix de Gabriel Attal : ségrégation et autoritarisme
L’école française se caractérise déjà par une forte ségrégation inter-établissements, notamment entre les collèges publics et privés, et une ségrégation intra-établissements, avec des différences considérables de compétence scolaire entre les classes de relégation (Segpa), les « bonnes classes » (sections européennes, etc.) et les autres. Les prépas lycées vont accentuer cette ségrégation intra-établissements. La création des groupes de niveaux va instituer un troisième niveau ségrégatif : une ségrégation intra-classe.
Au lycée, avec l’invention des spécialités dès la classe de première, Jean-Michel Blanquer a largement contribué à fracturer le groupe classe, lieu majeur de sociabilité adolescente. La création des groupes de niveaux va exercer le même effet déstructurant au niveau collège. Ces mécanismes d’individualisation forcés isolent et fragilisent les élèves. Leurs univers de sociabilité vont se restreindre encore davantage et se déliter dans les étiquetages scolaires. Un élève ne sera plus seulement en classe de sixième, mais un sixième groupe faible. Pour les élèves en difficulté, la transition déjà difficile entre le primaire et le collège ne sera que plus périlleuse.
À titre de comparaison, les élèves danois sont parmi les meilleurs élèves européens (489 pts), l’inégalité selon l’origine sociale est particulièrement réduite (73,9 pts.), les groupes de niveaux n’existent pas, la recherche de bien-être des élèves est centrale et ceux-ci ne sont pas notés avant l’âge de 14 ans… Les recherches le montrent, noter et classer les élèves ne les fait pas progresser. Pour que l’école soit un lieu d’apprentissage efficace, il faut évier que les élèves faibles soient placés dans des situations de « comparaisons sociales forcées » ascendantes (être constamment comparé à meilleurs que soi) dont les effets sont progressivement délétères en termes d’estime de soi (Mugny, 2003).
La politique éducative ségrégative de G. Attal ne peut que fracturer encore davantage les parcours scolaires proposés aux collégiens et, in fine, la société française. Le discours sur la nécessaire unité de la nation demeurera toujours une illusion tant que, en même temps, la politique éducative ne fait que favoriser le développement d’une école à deux vitesses déjà à l’œuvre avec, dans les meilleures classes, les professeurs les plus diplômés et les plus expérimentés et, dans les autres, plus fréquemment des professeurs débutants et contractuels.
Décidées par G. Attal, la réforme des programmes et une labellisation des manuels scolaires, non pas en référence avec les cycles actuels de trois ans, mais avec des « objectifs annuels » voire « semi annuels » ne peut que produire davantage de difficultés d’apprentissage dès l’école primaire puisque le ministre veut imposer un rythme de progression identique à tous les élèves alors même que, dès deux ans, les inégalités socio-économiques différencient sensiblement leurs compétences lexicales, grammaticales et syntaxiques. Il est particulièrement paradoxal de dénoncer un collège « uniforme » et d’instituer une école primaire où chaque élève devrait progresser au même rythme !
Il est tout aussi paradoxal de vouloir « renforcer l’autorité des professeurs » et, dans le même temps, réduire leur liberté pédagogique. Il en est de même de la réforme des programmes scolaires sans évaluer les programmes récents de Jean-Michel Blanquer et sans consulter les professeurs, premiers experts des difficultés des élèves. Cet autoritarisme ministériel est encore présent dans la volonté de favoriser le port de l’uniforme tout en dénonçant l’uniformité ! Contrairement à des affirmations fantaisistes, le port de l’uniforme n’exerce pas d’effet sur les problèmes de comportement intériorisés (tels que l’anxiété et le retrait social), les problèmes de comportement extériorisés (tels que l’agression ou la destruction de biens), le sentiment d’appartenance à l’établissement et les aptitudes sociales.
Le port de l’uniforme et la labellisation des manuels ne sont pas des nouveautés dans l’histoire de l’école. L’uniforme a été imposé dans les lycées impériaux fondés par Napoléon et la labellisation des manuels par la monarchie de juillet. La IIIe République a redonné aux professeurs leur liberté pédagogique. Le ministre de l’Education, pourtant si prompt à évoquer les lois de la République, est manifestement inspiré par les régimes autoritaires qui ont précédé celle-ci. La référence récurrente à l’école de la république est une histoire manipulée. Elle occulte une dérive autoritaire.
Conclusion
Groupes de niveaux, recours facilité au redoublement, création d’une prépa lycée, labellisation des manuels, suppression des cycles d’apprentissage institués en 1989… sont les mantras de la pensée conservatrice. Aucune recherche n’a jamais montré leur efficacité et l’OCDE n’a jamais préconisé de telles réformes. Par contre, aucune des mesures dont l’efficacité est prouvée n’est envisagée. Il n’est pas question de réduire le nombre d’élèves par classe qui se situe, en collège, 20 % au-dessus de la moyenne européenne (25,5 versus 20,9) ! Revenir à la moyenne européenne permettrait pourtant de retrouver un climat de classe plus studieux et d’améliorer les apprentissages des élèves.
Revenir sur la désastreuse réforme de la formation des professeurs de Jean-Michel Blanquer est impératif. Elle est pourtant toujours en vigueur alors même qu’elle a contribué à réduire encore davantage le vivier des candidats professeurs. La situation actuelle nécessite de recourir de plus en plus à des professeurs contractuels non formés, choix incompatible avec l’élévation du niveau scolaire des élèves. La formation continue des professeurs demeure aussi notoirement insuffisante. L’OCDE a régulièrement préconisé d’amplifier celle-ci sans que les réformes nécessaires soient engagées.
La question de la mixité sociale est toujours aussi taboue. Ses effets bénéfiques sur les apprentissages et le climat scolaire ont pourtant été montrés. Dans ce domaine, G. Attal, tout comme Jean-Michel Blanquer, a fait le choix de maintenir la ségrégation de l’école française et même de l’accentuer. Cette séparation des scolarités selon le milieu social a toujours été l’apanage des régimes et partis conservateurs.
La rémunération des professeurs, largement en dessous de la moyenne européenne, fait toujours l’objet de discours trompeurs et de promesses non tenues. Finalement, les mesures proposées par G. Attal ne répondent en rien à la crise de l’école française. Résultent-elles de l’ignorance scientifique du ministre et de ses conseillers ? Ou bien, électoralistes et populistes, ces mesures ont-elles pour objet de servir l’ambition présidentielle de l’actuel ministre de l’éducation ? Que la politique du « choc des savoirs » résulte de l’ignorance et/ou de l’ambition, elle se réalisera au détriment des élèves les plus faibles, des professeurs et de la Nation.
Pierre Merle
Professeur émérite de sociologie
Dernier ouvrage : “Parlons d’école en 30 questions“, paru aux éditions La documentation française