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B* Après évaluations nationales, un dispositif de remédiation pour les "petits lecteurs" du collège REP+ Alain-Fournier, Le Mans

22 septembre 2022

[cap lecture pour Maya
dispositif de remédiation pour les "petits lecteurs" du collège REP+ Alain-Fournier, Le Mans]

En septembre 2022, Maya a fait sa rentrée en 6ème au collège Alain-Fournier, REP+ du quartier des Sablons au Mans. Comme tous les autres élèves, elle a participé aux évaluations nationales de début de sixième en français et en mathématiques. Elle fait partie des 23% d’élèves de sixième de l’établissement qui lisent moins de 90 mots en une minute. -

5 juillet 2022
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En septembre 2022, Maya a fait sa rentrée en 6ème au collège Alain-Fournier, REP+ du quartier des Sablons au Mans. Comme tous les autres élèves, elle a participé aux évaluations nationales de début de sixième en français et en mathématiques. Elle fait partie des 23% d’élèves de sixième de l’établissement qui lisent moins de 90 mots en une minute.

Cette année, les professeurs de français de l’établissement ont reçu une formation (1) visant à soutenir leur projet de proposer un dispositif de remédiation à leurs élèves « petits lecteurs » (2). Ainsi, fin octobre, Maya a été invitée à rejoindre avec trois autres de ses camarades de classe un groupe « Cap lecture » (3).

Un matin, donc, elle a passé à nouveau des tests : elle a lu des mots, des pseudo-mots (4), un texte. Elle a écrit elle-même des mots sous la dictée de son professeur. Elle a échangé avec son enseignante : se sent-elle à l’aise pour lire à voix haute ? dans sa tête ? lit-elle à la maison ? Elle explique ce jour-là qu’elle éprouve des difficultés pour lire suffisamment rapidement et que certains « grands mots » ou mots inconnus la bloquent. Elle confie qu’elle se sent découragée pour lire et que cela ne lui donne pas envie de lire à la maison. Quand son professeur lui explique comment se déroulent les séances de Cap lecture, elle ouvre de grands yeux et sourit. Oui, elle veut bien y participer, oui, elle a très envie de progresser.
[exemple de fiche qui recueille les scores aux différents tests de fluence lien de téléchargement d’un fichier ; voir lien sur l’article original]

Pendant 8 semaines, deux heures par semaine sont consacrées à ce dispositif. Maya quitte sa classe avec trois autres élèves pour rejoindre les séances animées par son professeur de français ou l’assistante pédagogique du collège, formée également en septembre.
programmation des séances lien de téléchargement d’un fichier

Au début, elle travaille avec un logiciel intitulé « Les clés du code » (5) qui lui permet d’associer de plus en plus rapidement des lettres ou groupes de lettres à un dessin représentant le mot dans lequel on retrouve la lettre ou groupe de lettres en question. Son enseignante insiste bien pour qu’elle mette un casque car elle entend ainsi les mots prononcés. Pour cette activité, chacun va à son rythme et reporte ses scores sur une fiche de suivi. Maya est très assidue, elle s’entraîne même à la maison car le professeur a inscrit l’adresse internet sur son carnet et elle peut accéder au logiciel en autonomie. Très vite, elle réussit à automatiser des graphèmes plus complexes comme « oeu », « et » ou « ette ».

Elle pratique également différents jeux avec ses camarades pour distinguer les voyelles des consonnes et pour mémoriser les mots irréguliers. Ainsi, elle retient qu’on ne prononce pas le « p » final de « galop » mais qu’on peut se souvenir de l’écrire en pensant au verbe de la même famille « galoper ».

Une grande part de la séance va ensuite être consacrée à un entraînement à la fluence. D’abord, le professeur lit le texte et puis on en discute : qu’a-t-on compris ? qui sont les personnages ? que leur arrive-t-il ? Lors des premières séances, Maya n’ose pas s’exprimer. Cependant, l’enseignante veille à ce que ce soit les élèves qui construisent le sens. Ainsi, elle répète les bribes de réponses des élèves et les incitent à se positionner : « êtes-vous d’accord ou pas d’accord avec ce que dit votre camarade ? comment le sais-tu ? » Peu à peu, Maya entre dans le débat. « Je suis d’accord pour dire que c’est l’hiver parce que c’est écrit qu’il y a de la neige et que le lac est gelé en entier », explique-t-elle. Ensuite, chaque élève lit pendant une minute. Quand ce n’est pas son tour, Maya écoute très attentivement. Elle repère les mots qui posent problème à celui qui a lu. Elle participe là encore aux recherches menées autour des erreurs. « Pourquoi prononce-t-on [s] et non [z] à cet endroit-ci ? Qu’est-ce qu’un silence ouaté ? D’où vient cet adjectif ? Que signifie-t-il ? Y a-t-il une différence entre « je tournai » et « je retournai » ? » Quand Maya lit, elle se concentre et cherche à intégrer toutes les informations précédentes. Comme on lui donne l’occasion de faire plusieurs essais, elle observe en temps réel ses progrès : elle évite certaines erreurs commises précédemment, elle augmente le nombre de mots lus, elle s’approprie le sens du texte lu et là encore gagne en aisance. Chaque texte sert de support pour deux séances. Ce que Maya apprécie également, c’est que les textes proposés pour cette activité sont des textes qu’elle va retrouver en classe en histoire-géographie, en sciences ou en français (6). Elle développe avec eux une forme de familiarité qui la mettra en confiance quand il s’agira de travailler à partir de ces textes.

Une partie des séances « Cap lecture » est consacrée à une étude plus spécifique de certaines lettres : le « s », le « g » et le « c ». Là encore, le débat entre élèves est sollicité. Maya, qui a pris ses marques dans ce petit groupe, n’hésite plus à donner son point de vue. Il s’agit, par exemple, de trier des étiquettes-mots en s’intéressant à la manière dont est prononcé le « g ». Elle prend l’habitude de réfléchir sur la langue ; elle rectifie le tri proposé par sa camarade tout en argumentant : « ici, le « g » se prononce [g] car il est suivi d’un « a ». L’argumentation est encore de mise lorsqu’il est question d’institutionnaliser le savoir construit. Des entraînements sont ensuite proposés tant en lecture qu’en écriture. À force de réfléchir à la manière dont se prononcent et s’écrivent ces mots, Maya en mémorise l’orthographe : cygne, curieux…

Une fois les 8 semaines passées, Maya se soumet aux mêmes tests qu’en début de dispositif. Des progrès sont notés : davantage de mots lus en une minute, moins d’erreurs sur la lecture des lettres « s », « g » et « c ». Lors de l’entretien final, Maya explique qu’elle se sent plus en confiance. Elle affirme : « J’ai plus envie de lire car je comprends plus de mots ». Elle dit aussi qu’elle a pris l’habitude d’emprunter des livres au CDI pour les lire chez elle.

D’autres élèves ayant participé à ce dispositif ont obtenu des résultats semblables à ceux de Maya, d’autres encore n’ont pas encore suffisamment automatisé les savoirs construits lors de ces séances. Malgré tout, ce dispositif a nettement permis de remettre en confiance l’ensemble des élèves avec leurs capacités de lecteur. Ils ont également identifié des stratégies pour interroger le code ou le vocabulaire.
En guise de conclusion, notons que ce dispositif n’est pas nécessairement porté par des enseignants de français. Tout enseignant volontaire peut être accompagné par les formateurs académiques pour l’Éducation Prioritaire afin de s’approprier ces séances de remédiation. Cela apporte, en outre, une compréhension fine de ce qui peut freiner l’entrée dans la lecture de certains de nos élèves.

Sophie Chevalier-Molinier @
Professeure de lettres modernes au collège Alain-Fournier
Formatrice Académique pour l’Éducation Prioritaire


(1) Formation inter-degrés du réseau dispensée pour les professeurs des écoles du cycle 3, les assistants pédagogiques, le professeur documentaliste et les professeurs de lettres du collège.
(2) Les élèves ayant obtenu moins de 90 au test de fluence.
(3) 5 groupes de 4 élèves ont été constitués.
(4) Les pseudo-mots sont des « faux mots » qui respectent les séquences de lettres ou de phonèmes habituelles de la langue : ils ressemblent à des mots mais, n’existant pas dans la langue, ils n’appartiennent pas au répertoire du lecteur. De ce fait, puisque l’élève ne peut les deviner ni les reconnaitre, ils font travailler spécifiquement sur les correspondances graphèmes-phonèmes.
(5) http://www.lesclesducode.fr/
(6) On peut utiliser le site suivant pour étalonner les textes : https://micetf.fr/fluence/

Extrait de pédagogie.ac-nantes.fr de juillet 2022

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