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Métier enseignant et Nouveau Management Public : jobs dating et expérimentation à Marseille (Le Café)

2 juin 2022

Les Job Datings et Marseille
Alors qu’Emmanuel Macron arrive à Marseille pour accélérer le nouveau management du système éducatif, il n’est pas inutile de réfléchir au nouveau phénomène des job datings. Paul Devin le fait et il voit dans ces "job datings" une évolution du métier enseignant en promouvant le modèle de l’enseignant contractuel de passage dans ce métier. Ces jobs datings sont l’évolution normale du Nouveau Management Public comme le Café pédagogique l’annonçait dès 2017. Partout où il a triomphé on assiste aux mêmes tensions sur le recrutement et au final au recrutement à la baisse des enseignants. Une réalité à rappeler ce 2 juin.

Une évolution du métier...

" Les jobs dating organisés pour recruter des enseignants ne sont pas seulement des aberrations en terme de recrutement... Ce sont aussi les instruments d’une transformation en profondeur de la profession enseignante et des finalités de l’école", estime Paul Devin sur son blog. " Ils contribuent à la transformation en profondeur du métier enseignant : contractuel précaire, exerçant ce métier comme un épisode de sa vie avant de trouver un emploi davantage rémunérateur et moins épuisant, il se consacrera au bien-être de ses élèves, capable ainsi de contribuer à produire « la confiance » dont Yan Algan nous explique qu’elle est la clé de la croissance. Quant à l’enjeu culturel de l’école, celui des savoirs et des compétences pédagogiques et didactiques nécessaires à leur transmission, ne concernera-t-il à terme qu’une élite enseignante ?"

Nouveau management et pénurie d’enseignants

Les job datings participent bien d’une évolution du métier. Celle ci a été bien repérée dès 2017 par des chercheurs et le Café pédagogique en avait témoigné. En février 2017, Florence Lefresne et Robert Rakocevic analysaient les conséquences du nouveau management public (NPM) sur le métier enseignant.

Ce qu’ils observent c’est d’abord le développement de la pénurie d’enseignants dans les 3 pays étudiés : la Suède, les Pays Bas et l’Angleterre. Ainsi 71% des enseignants hollandais travaillent dans des établissements dont le chef d’établissement déclare manquer d’enseignants qualifiés et 22% des enseignants de maths déclarent ne pas avoir été formés à cet enseignement. En Angleterre c’est respectivement 46 et 6%. En France, où le système dominant était encore traditionnel début 2017 c’est 32% et 4%. La proportion d’enseignants qui abandonnent le métier augmente aussi fortement en lien avec des salaires qui sont inférieurs aux salaires moyens du privé à diplome égal. Le sentiment de dévalorisation des enseignants est fort : dans les trois pays moins de 40% des enseignants s’estiment valorisés dans la société. En Suède on est en dessous de 10%.

On observe en même temps une baisse du niveau des enseignants. En effet, face à la pénurie du recrutement des enseignants, les trois pays ont du mettre en place des stratégies parallèles. En Suède on a largement eu recours à des enseignants immigrés et à des professeurs du secondaire pour enseigner au primaire. En Angleterre on a cherché à attirer des étudiants en leur donnant des primes importantes par exemple en maths. Autrement dit la promesse d’enseignants mieux formés n’a pas pu être tenue.

Un "modèle" accéléré à Marseille

Au final l’élévation de la performance n’est pas rendez vous. " En Angleterre, des inquiétudes sur l’incapacité des élèves de 15 ans à dépasser la moyenne des résultats au test PISA rencontrent un large écho médiatique. En Suède, les résultats des élèves à PISA, en baisse sensible, sont cités dans l’argumentaire de plusieurs réformes récentes. Aux Pays-Bas, les résultats à PISA restent parmi les meilleurs en Europe : le débat porte ici davantage sur la proportion relativement faible d’élèves parmi ceux qui arrivent en tête du peloton international", écrivent les deux chercheurs.

Un quinquennat plus tard, les travaux de ces chercheurs résonnent dans l’actualité. Les salaires enseignants réels ne cessent de baisser. Les démissions explosent sans encore atteindre les taux très élevés de l’Angleterre. Le recrutement ne se fait plus et on compense par des contractuels.

Pourtant le président vient à Marseille pour faire un pas en avant dans le NMP. Il promeut une privatisation de l’intérieur des écoles avec des directeurs managers recrutant leurs enseignants et développant un projet pédagogique dérogatoire dans leur école. C’est le modèle du NMP. L’exemple de la Suède, des Pays Bas et de l’Angleterre n’en font pas un modèle à suivre...

François Jarraud

Paul Devin

Florence Lefresne et Robert Rakocevic

Extrait de cafepedagogique.net du 02.06.22

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