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Rapport Tirole Blanchard sur "Les Grands Défis économiques : le chapitre sur la politique d’éducation recommande d’investir davantage dans les "zones et établissements difficiles ou défavorisés"

25 juin 2021

Les Grands Défis économiques
COMMISSION INTERNATIONALE
Olivier Blanchard-Jean Tirole 282 JUIN 2021

 

EXTRAIT (pages 277-286]

Politique d’éducation

  • Introduction
    La politique d’éducation est de première importance pour favoriser la mobilité sociale : un système d’éducation bien conçu qui scolarise dès le plus jeune âge permet de réduire latransmission intergénérationnelle des inégalités. À cet égard, malgré une inégalité de revenus inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE, la France connaît une mobilité sociale relativement faible (L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale, OCDE, 2018)1.
    La formation initiale demeure essentielle pour réussir sur le marché du travail, ce qui
    souligne la nécessité de poursuivre les efforts visant à permettre l’accès à un enseignement de qualité pour tous les enfants en France. Le chômage des jeunes y est élevé, comme dans d’autres pays. Ainsi, un diplôme universitaire de premier cycle va de pair avec de meilleures perspectives même si ce n’est pas le seul gage de réussite.
    En France, 75 % des 25-34 ans diplômés de l’enseignement secondaire et 87 % des
    diplômés du premier cycle du supérieur ont un emploi (contre respectivement 78 % et 85 % pour la moyenne OCDE). Un diplôme universitaire de premier cycle confère également un avantage salarial qui s’élève à 46 % pour les 25-34 ans diplômés du premier cycle du supérieur (contre 54 % pour la moyenne OCDE). Une licence ou un diplôme équivalent permet un avantage salarial de 36 % (moyenne OCDE : 43 %) alors qu’il est de 84 % pour un master (moyenne OCDE : 89 %), d’après le rapport de l’OCDE Regards sur l’éducation 2020.

Dans notre enquête, près de 70 % des personnes composant notre échantillon pensent que l’inégalité des chances est un enjeu majeur et que les enfants issus de milieux modestes reçoivent un enseignement de qualité bien inférieure à celui dont bénéficient les enfants issus de milieux favorisés et que de ce fait, ces derniers ont de bien meilleures chances de décrocher un emploi de qualité même à des niveaux d’études comparables.
Le paysage éducatif français conjugue à la fois l’excellence et des aspects moins reluisants. La France affiche un taux de scolarisation formelle très élevé, ce qui est une grande réussite. Le système est parfaitement adapté à certains élèves, qui obtiennent de très bons résultats et apportent par la suite des contributions importantes à la science, à l’économie et à la société mais il est aussi profondément inégalitaire. La réussite scolaire est encore trop souvent intimement liée au milieu familial et l’inégalité des chances

1 France Stratégie (2020e), « La mobilité sociale en France : que sait-on vraiment ? », montre que malgré l’absence de la France dans le classement des pays les plus performants en matière de mobilité sociale, il n’existe pas aujourd’hui de consensus sur sa position internationale.

perdure. Par exemple, alors que les élèves français de 15 ans obtiennent au PISA un score moyen légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE, ceux de milieux socioéconomiques défavorisés sont cinq fois plus nombreux à ne pas atteindre le niveau minimal de lecture. Ils sont également surreprésentés dans les filières d’enseignement et formation professionnelle par rapport aux filières d’enseignement général du secondaire :
87 % des jeunes qui suivent ces filières ont des parents qui n’ont pas fait d’études
supérieures, contre seulement 51 % pour les filières générales (Perspectives des
politiques de l’éducation, OCDE, 2020). L’influence du milieu socioéconomique familial sur le niveau de formation tel que mesuré par les scores PISA semble très nette en France (voir graphique 2 de l’annexe 5).

Les questions relatives aux politiques de l’éducation que nous abordons dans ce rapport ne sont pas nouvelles. En réalité, cela fait longtemps qu’elles ont été identifiées et d’importants progrès ont été réalisés ces dernières années en la matière grâce à de nombreuses initiatives. Elles portent sur l’amélioration de l’accès à la scolarisation dès le plus jeune âge pour les enfants issus de milieux socioéconomiques modestes, l’amélioration des résultats éducatifs dans les zones et établissements difficiles ou défavorisés, la revalorisation des métiers de l’enseignement, l’octroi de plus de responsabilités et d’autonomie aux directions des établissements, le renforcement des filières professionnelles et des filières en alternance. Nos propositions portent aussi sur l’amélioration de la transition entre l’école et la vie active. L’égalité des chances dans l’accès à un enseignement de qualité pour l’ensemble des élèves et la garantie d’une transition sereine vers le marché du travail doivent demeurer l’objectif du système éducatif français.

Des dépenses publiques réorientées au profit des écoles et des élèves défavorisés
Rappelons au préalable que les dépenses totales d’éducation, en France, sont supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE. Les dépenses annuelles par élève (11
64 dollars) sont de 8 % supérieures à cette moyenne. Une grande partie est financée par des fonds publics ; les dépenses privées, en France, sont inférieures à la moyenne de l’OCDE et proviennent principalement des droits d’inscription et des frais de scolarité (relativement faibles). Les dépenses se concentrent sur les niveaux secondaire et supérieur et sont inférieures de 10 % à la moyenne de l’OCDE dans l’enseignement élémentaire (Perspectives des politiques de l’éducation, OCDE, 2020).

De fortes disparités existent entre les territoires pour ces dépenses. Un exemple parmi d’autres : dans une enquête récente (TALIS 2018), deux directeurs d’école élémentaire en France sur cinq déclarent que l’accès insuffisant à internet porte atteinte à la capacité deleur école à dispenser un enseignement de qualité. Près de 60 % d’entre eux se plaignent du manque de matériels et logiciels informatiques.
Cette insuffisance de ressources apparaît principalement dans les zones défavorisées.
Un effort doit donc être réalisé pour orienter davantage de fonds vers les écoles les plus mal loties et les zones défavorisées, où l’utilité marginale des dépenses publiques pourrait être la plus élevée1. Il faut également rééquilibrer les dépenses entre l’élémentaire et le secondaire. C’est de fait l’intention de la loi pour la refondation de l’école de la République (2013) et de la loi pour une école de la confiance (2019).
Lors de notre enquête, nous avons constaté avec intérêt que si les personnes interrogées se déclarent préoccupées par les inégalités d’accès à une éducation de qualité, seulement 37 % d’entre elles sont d’accord pour que davantage de fonds soient alloués aux zones défavorisées. Cela témoigne d’un souhait d’équité en matière de contributions pouvant entrer en conflit avec une aspiration à une plus grande égalité des chances.
La sensibilisation de la population aux écarts en matière de réussite scolaire et de qualité de l’enseignement pour les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés (écarts susceptibles d’être réduits par des investissements publics plus importants) permettrait peut-être d’obtenir un soutien en faveur de plus
’investissements au profit des zones difficiles et de ces enfants. À l’inverse, les personnes interrogées se déclarent en faveur d’un rééquilibrage des dépenses à destination des écoles élémentaires (et des universités).

Structures d’accueil de la petite enfance et écoles maternelles
Les taux de scolarisation dans les écoles préélémentaires en France sont parmi les plus élevés dans le monde, avec près de 100 % d’enfants âgés de 3 à 6 ans inscrits à l’école maternelle, obligatoire à partir de 3 ans. Les écarts de fréquentation en crèche, structure destinée aux enfants de moins de 3 ans, sont plus importants. La gestion des crèches par les communes permet sans doute d’expliquer la disparité du nombre de places disponibles selon les zones. Il a également été constaté que les parents issus de milieux socioéconomiques défavorisés n’ont parfois pas confiance en ces institutions. L’éducation des enfants de moins de 3 ans et celle des plus de 3 ans relèvent ainsi d’autorités différentes, et il peut exister un manque de coordination. Compte tenu de l’importance capitale de la période 0-6 ans, la coordination pporterait une grande valeur ajoutée. Tout retard survenant à ces très jeunes âges s’aggrave avec le temps.

1 Le Chapitre III du rapport consacré aux défis démographiques examine le problème de la ségrégation scolaire et du moins bon accès à une scolarité de qualité pour les minorités et les familles issues de l’immigration.

En France, la taille des classes maternelles demeure supérieure à celle des autres pays, ce qui constitue un problème dans la mesure où il a été démontré qu’un taux
d’encadrement plus élevé pour ces jeunes tranches d’âge est un déterminant de la qualité en matière d’éducation (voir annexe 5 et le rapport de l’OCDE Regards sur l’éducation 2020). En France, le nombre d’enfants par enseignant est de 23, alors que la moyenne de l’OCDE est de 14. La France fait toutefois davantage appel à des assistants qui sont des fonctionnaires spécialisés dans l’éducation de la petite enfance, ce qui fait baisser le ratio à 16 élèves par adulte (contre 11 en moyenne pour l’OCDE), d’après le rapport Regards sur l’éducation 2020.
Un défi important à relever dans le domaine de l’éducation des enfants de moins de 6 ans est la pénurie d’enseignants qualifiés et le caractère hétérogène de leur formation. Ainsi, la formation des enseignants pour cette tranche d’âge doit rester une priorité. Pour renforcer la confiance, il est également important d’impliquer davantage les parents en encourageant la communication entre les structures de la petite enfance et les familles.

Écoles élémentaires et secondaires
Administration des établissements scolaires
La principale difficulté rencontrée par les écoles élémentaires et secondaires concerne leur administration. Les écoles élémentaires, en France, sont souvent dirigées par des enseignants (appelés « directeurs d’école »), qui continuent parfois d’être chargés de fonctions pédagogiques à temps partiel. Le système est différent dans l’enseignement secondaire, où des fonctionnaires, appelés « chefs d’établissement », sont à la tête des établissements. Ces postes de direction requièrent des compétences particulières qu’il n’est pas aisé d’acquérir en tant qu’ancien enseignant. L’OCDE souligne que la formation des chefs d’établissement à la gestion des écoles et à la direction pédagogique est insuffisante. Parmi tous les pays de l’OCDE, la France a la proportion la plus faible de chefs d’établissement ayant suivi des formations sur les méthodes d’enseignement ou d’autres aspects en rapport avec la pédagogie (OCDE, 2018b).

Les directeurs d’école et chefs d’établissement ont peu d’autonomie et leur rôle est limité, bien que les chefs d’établissement bénéficient d’un statut plus élevé. Les directeurs d’école ont très peu d’autonomie et moins de responsabilités. Cette différence de statut transparaît dans l’écart de rémunération très important qui existe entre les directeurs d’école et les chefs d’établissement (la plus forte différence des pays de l’OCDE). Un véritable statut, avec des responsabilités et plus d’autonomie pour les directeurs d’école élémentaire est donc nécessaire. L’exemple de la Finlande décrit à l’annexe 5 peut se révéler particulièrement instructif en la matière.

Compensation des apports familiaux inégaux ou faisant défaut
Un deuxième défi est que, selon leur milieu social, les enfants ne bénéficient pas tous du même apport scolaire, car il peut exister une carence d’apports familiaux. Des initiatives intéressantes tentent d’aplanir les disparités en comblant les éventuelles lacunes du milieu familial. Ce type d’initiative doit être étendu et encouragé. En France, depuis 2017, le dispositif « Devoirs faits » propose aux élèves un temps d’étude accompagnée pour réaliser leurs devoirs dans leur établissement. Cet accompagnement est gratuit et conçu en fonction des besoins des élèves, de façon à favoriser la réduction des inégalités qui peuvent exister selon le niveau d’aide que les familles sont à même d’apporter aux enfants à la maison. Une telle offre pourrait être étendue au-delà des devoirs afin de couvrir d’autres activités de formation et compétences, ainsi que des activités extrascolaires qui sont pratiquées de façon inégale selon le milieu social des élèves.
Par ailleurs, les inégalités d’accès à internet, aux ordinateurs et aux possibilités
d’apprentissage qu’ils offrent demeurent un enjeu de taille. Les écoles pourraient ainsi en faire davantage pour proposer des lieux d’étude calmes dotés d’ordinateurs et d’un accès internet aux élèves qui n’en disposent pas chez eux. Malheureusement ces mesures, pourtant déjà impératives et urgentes, ne pourront être déployées à grande échelle qu’après la pandémie de Covid-19.

Il existe de bonnes pratiques dignes d’intérêt également dans d’autres pays. Certaines cherchent à tirer parti d’internet pour assurer un égal accès aux contenus pédagogiques.
Le Cyber home learning system est une plate-forme d’auto-apprentissage allant de la
maternelle à la terminale, lancée par le gouvernement sud-coréen au milieu des années 2000. Son objectif, dans le cadre d’un système éducatif ultra-compétitif, est de réduire les inégalités d’accès en matière d’éducation extrascolaire entre les élèves des villes et ceux des régions reculées et/ou issus de milieux défavorisés. Pour qu’un tel système soit performant en France, il faudrait disposer de ressources en matériel informatique (ordinateurs) et en connexions internet. Ces dernières pourraient également être installées dans les écoles, comme mentionné précédemment.
Le programme américain Cognitive Tutor, qui mobilise également l’apprentissage en ligne, permet l’enseignement des mathématiques (algèbre ou géométrie) grâce à un logiciel de tutorat personnalisé associé à un manuel. Il a été jusqu’à présent utilisé par un demi-million d’élèves et des études ont constaté ses effets très positifs sur l’apprentissage de l’algèbre.
Enfin, le portail Shireland Learning Gateway du Royaume-Uni a été développé par la
Shireland Collegiate Academy en coopération avec Microsoft pour permettre aux élèves et aux parents, dont beaucoup sont issus de milieux socioéconomiques défavorisés, de suivre les résultats et le comportement des élèves, d’améliorer la communication avec l’école et d’avoir accès à des ressources extrascolaires. Pour en améliorer l’accès, ce portail a été rendu accessible à certaines structures collectives (telles que les bibliothèques) dans l’esprit des recommandations précédemment évoquées.

Formation et rémunération du personnel enseignant
Formation initiale et continue des enseignants
Les études de l’OCDE soulignent que, par rapport à d’autres pays de l’OCDE, les
enseignants français qui intègrent la profession possèdent certes un niveau de formation élevé mais sont moins bien préparés sur le volet pédagogique du métier et moins bien formés à la pédagogie en classe (OCDE, 2018b). Des écarts ont aussi été relevés dans la formation à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Les dernières réformes françaises ont clairement eu pour objectif d’améliorer la formation des enseignants (à la fois initiale et continue). Les nouveaux « Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation » (INSPÉ) ont pour mission d’homogénéiser la formation des enseignants. Des initiatives de préprofessionnalisation ont aussi été engagées afin d’aider les futurs enseignants à exercer le métier (contre rémunération) au sein des écoles avant de passer le concours. La formation continue est désormais obligatoire pour l’ensemble des enseignants et une aide supplémentaire peut être apportée aux jeunes enseignants après l’obtention de leur diplôme, pour leur permettre de s’adapter aux spécificités de l’école et de la région où ils sont affectés.
En dépit de ces évolutions positives, les enseignants français déclarent actuellement être bien moins engagés dans des formations dites « à fort impact » comme le coaching entre pairs que leurs voisins (OCDE, 2018b). Ils indiquent également se sentir moins valorisés socialement que les enseignants des autres pays. À cet égard, en République tchèque, une « banque d’objets d’apprentissage numériques » (Repository of Digital Learning Objects) fournit un exemple intéressant de portail entre pairs, lancé par le ministère de l’Éducation : les enseignants peuvent y déposer des ressources didactiques pour aider leurs collègues et partager avec eux leurs meilleures pratiques.
Le dernier aspect important de la formation des enseignants en France concerne la
maîtrise des outils numériques. La pandémie de Covid-19 a montré avec force que les technologies numériques étaient indispensables pour enseigner. Les dernières réformes engagées en France en 2019, qui avaient pour objectif de renforcer l’enseignement des compétences informatiques dans le secondaire, supposeront également d’aider les enseignants à acquérir la maîtrise des nouvelles technologies.

Rémunération des enseignants et progression de carrière
Comme dans de nombreux pays, la rémunération des enseignants en France pose
question. En témoigne le fait que la rémunération moyenne des enseignants ayant dix à quinze ans d’ancienneté est de 18 % inférieure environ à la moyenne OCDE.
Les enseignants en milieu de carrière subissent l’écart le plus important en raison de la lente progression de la rémunération des jeunes enseignants ayant peu d’ancienneté, selon une étude récente de l’OCDE (Regards sur l’éducation, 2020).
L’affectation dans des zones difficiles et des établissements défavorisés est un problème pour les enseignants, en particulier pour les jeunes qui disposent de peu d’expérience.
La France a récemment cherché à octroyer une prime supplémentaire, mais elle doit
redoubler d’efforts dans l’examen des compensations et autres aides destinées aux
enseignants exerçant dans des zones difficiles. Un exemple à étudier est celui de la Corée du Sud, où le fait d’aller enseigner dans des zones difficiles est particulièrement valorisé et récompensé. Cette situation, espérons-le, pourrait en partie s’améliorer naturellement avec la montée en puissance des investissements dans les zones difficiles, comme préconisé ci-dessus.

Association des enseignants à la conception des politiques
Il sera très important de procéder à des évaluations sérieuses, régulières et détaillées de ces réformes récemment introduites en France, du point de vue des enseignants et plus généralement de l’éducation. Acquérir une meilleure compréhension à la fois à l’échelle macroscopique (en recueillant des données) et microscopique (en écoutant les réactions et les expériences des enseignants) permettrait aux responsables français des politiques de l’éducation de savoir ce qui a fonctionné et ce qui pourrait être amélioré à l’avenir. Il est fondamental que les enseignants participent à la conception des politiques et aux retours d’information conformément aux préconisations formulées dans la section 6.

Transition entre école et vie active
Pour garantir le bon fonctionnement du marché du travail, une des missions essentielles des politiques de l’éducation est de permettre une transition fluide de l’école vers la vie active. Le chômage en début de vie professionnelle peut avoir des effets très néfastes et durables à la fois sur la carrière et sur les perspectives de rémunération. La France souffre d’un grave problème d’emploi des jeunes (voir section 1). Nous avons relevé deux problèmes auxquels il est important de s’attaquer pour favoriser la transition vers le marché du travail : le renforcement de l’enseignement et de la formation professionnels et l’amélioration du conseil aux élèves lors du choix de leur filière d’enseignement supérieur.

Enseignement et formation professionnels
L’enseignement professionnel peut être extrêmement b énéfique. Or, en France, il est
considéré comme une voie de seconde zone pour ceux qui ne réussissent pas dans la
filière générale. Heureusement, plusieurs réformes en cours visent à restaurer l’image des filières professionnelles et à améliorer leur qualité. Il convient de poursuivre sur cette voie.
Un effort est fait, notamment, pour réorienter les filières professionnelles vers les besoins actuels du marché du travail (par exemple, les services à la personne, le développement durable) et vers les domaines de haute technologie comme le numérique.
Mais les formations qui alternent emploi et études sont encore peu répandues. Seulement un quart des élèves de l’enseignement secondaire professionnel suivent un tel mode de formation (Regards sur l’éducation, 2020). Pourtant, dans des pays tels que l’Allemagne, ces filières ont montré leur efficacité en matière d’insertion des jeunes sur le marché du travail. En France, d’autres initiatives ont vu le jour pour encourager la coopération entre les administrations régionales, les entreprises et les universités, afin de créer des « campus d’excellence » ancrés localement dans chacune des régions et localités. Un exemple de bonne pratique est le système néerlandais Katapult, réseau de partenariats public-privé entre des entreprises, des centres de recherche et des écoles, dont le but est (principalement) de former des élèves de l’enseignement et de la formation professionnels et de mettre en commun des pratiques innovantes. Dans notre enquête, 60 % des répondants se sont déclarés favorables à l’augmentation du nombre de formations en alternance.

Conseil pour l’orientation et le choix de filière d’enseignement supérieur
Le plus gros défi que rencontrent les étudiants est le choix de la bonne filière d’enseignement supérieur. En France, nombreux sont encore ceux qui obtiennent leur diplôme avec retard ou abandonnent leurs études supérieures. La nouvelle initiative dénommée « Parcours Sup » va dans la bonne direction et doit être développée. Cette plateforme en ligne fournit des informations sur les différentes possibilités offertes dans l’enseignement supérieur. Les diplômes et les filières sont présentés en détail en termes de contenu, de compétences nécessaires et de parcours académique requis. Cette bonne initiative pourrait encore être améliorée en ajoutant des informations sur les débouchés professionnels de chaque filière, ainsi que des témoignages et commentaires d’étudiants ou de diplômés.

Actuellement, très peu de soutien ou de conseils sont apportés aux étudiants qui
souhaitent commencer à travailler dès leur sortie du lycée. Il existe au Japon une initiative intéressante dénommée « Bienvenue dans l’emploi pour les nouveaux diplômés ». Il s’agit d’un partenariat entre le service public de l’emploi japonais et les lycées, qui vise à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes, y compris des lycéens. Les étudiants qui expriment le souhait de trouver un emploi dès leur sortie du lycée reçoivent de l’aide et des conseils de la part de professeurs-tuteurs et du service public de l’emploi japonais à toutes les étapes de leur recherche d’emploi. Ce programme est une vraie réussite, avec un taux d’accès à l’emploi de 98 % (70 % dès six mois avant l’obtention du diplôme) et aucun signe d’instabilité après l’embauche, selon le rapport de l’OCDE intitulé Investing in Youth : Japan (2017).
Autre initiative visant à aider les lycéens à choisir leur orientation : le programme de « suivi des diplômés » lancé par les Pays-Bas en 2018. Il s’agit d’un partenariat entre le service public de l’emploi néerlandais, un institut de recherche de l’université d’Amsterdam et le bureau central de la statistique. Dans le cadre de ce projet, des données sur la carrière de plus de 100 000 jeunes embauchés ont été analysées (au moyen de variables telles que la durée de recherche d’emploi, le salaire horaire moyen, le revenu annuel, la proportion de contrats à durée indéterminée) et associées au diplôme choisi par ces jeunes.
Au moment de choisir leur parcours supérieur, les futurs étudiants ont accès à ces
données et peuvent faire leur choix en étant informés des débouchés professionnels de chacune des filières. Ce programme pourrait conduire à une amélioration de la
transparence du marché du travail et de l’adéquation entre l’offre et la demande pour les jeunes diplômés. Il pourrait également avoir pour conséquence une diminution du
chômage des jeunes et un élargissement des opportunités offertes aux jeunes diplômés.

Pour des évaluations cohérentes des politiques d’éducation
L’évaluation des établissements et des écoles est obligatoire en France, mais elle revêt différentes formes selon la zone géographique. Cette tradition de l’évaluation est un aspect positif à exploiter et développer. En effet, les évaluations des écoles y sont en réalité moins fréquentes qu’en moyenne dans l’OCDE. Le système aurait également tout à gagner d’une meilleure coordination entre les différents modes d’évaluation et ses acteurs.
Les enseignants devraient donner leur avis sur la manière de rendre les évaluations les plus efficaces. Davantage de partage d’informations devrait avoir lieu entre les écoles et à l’échelon national pour identifier les problèmes communs, discuter des solutions et faire émerger les meilleures pratiques. Il pourrait également être utile de solliciter un retour d’information auprès des élèves eux-mêmes, car ils ont des préoccupations et des points de vue qu’il serait précieux et important de prendre en considération.
Plus généralement, l’éducation est un domaine où l’évaluation d’impact est effectuée dans de nombreux autres pays. Par exemple, le projet « Écoles du futur » à Singapour présente un réseau d’une dizaine d’écoles pilotes qui ont expérimenté l’introduction des TIC dans l’enseignement de la maternelle à la terminale, en partenariat avec des chercheurs et des fournisseurs privés de TIC.

Les politiques d’éducation constituent également un domaine où il est essentiel de prêter attention aux acteurs du terrain, de les écouter et d’instaurer un processus de dialogue vertueux entre eux et les décideurs (comme dans l’esprit des sections 5 et 6 ci-après).
La conception et l’évaluation de ces politiques nécessiteront de mettre des plateformes à disposition des étudiants, des enseignants, des directeurs et des administrations des écoles ou des établissements pour qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations, leurs idées et fournir un retour d’information. Idéalement, ces contributions devraient être diffusées au niveau national afin de contribuer au fonds commun de connaissances et de meilleures pratiques.
Un « Grenelle de l’Éducation » organisé par le ministère français de l’Éducation se déroule actuellement pour débattre de thématiques variées telles que « revalorisation, formation, parcours professionnels, numérique éducatif, RH de proximité, santé au travail1 ». Il sera intéressant de voir si les mesures qui émergent de cette concertation font écho à certaines de celles que nous avons décrites ici2

Télécharger le rapport (510 p)

 

SES : Le rapport Blanchard Tirole et l’école
Publié le 24 juin, le rapport Blanchard Tirole, réalisé à la demande du président de la République va faire parler de lui. Ce rapport , réalisé par 26 économistes, prétend répondre aux défis du réchauffement climatique, de la réduction des inégalité et du vieillissement de la population. Dans la lutte contre les inégalités, le rapport se penche sur l’Ecole. Ses recommandations sont simplement la politique suivie par JM Blanquer : rééquilibrage budgétaire au profit du 1er degré et transformation des directeurs d’école en chefs d’établissement. Le passage sur "la compensation des apports familiaux inégaux" en éducation renvoie à la tentation de changer les statuts pour inclure de l’enseignement à distance. Pour réduire les inégalités scolaires il suffit pour les économistes d’ouvrir des plateformes. Un exemple : "Il existe de bonnes pratiques dignes d’intérêt également dans d’autres pays. Certaines cherchent à tirer parti d’internet pour assurer un égal accès aux contenus pédagogiques. Le Cyber home learning system est une plate-forme d’auto-apprentissage allant de la maternelle à la terminale, lancée par le gouvernement sud-coréen au milieu des années 2000. Son objectif, dans le cadre d’un système éducatif ultra-compétitif, est de réduire les inégalités d’accès en matière d’éducation extrascolaire entre les élèves des villes et ceux des régions reculées et/ou issus de milieux défavorisés". Et pour améliorer l’enseignement professionnel la solution est bien sur l’apprentissage. Le rapport n’oublie pas de parler des retraites et de réintroduire la retraite à points. On n’a pas fini d’entendre parler de ce rapport.

Extrait de cafepedagogique.net du 25.06.21

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