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"De l’internat d’excellence à l’excellence de tous les internats" (intervention de Jean-Paul Delahaye, Dgesco, en 2013)

11 septembre 2020

De l’internat d’excellence à l’excellence de tous les internats

Intervention de Jean-Paul DELAHAYE, directeur général de l’enseignement scolaire devant les correspondants académiques et les chefs d’établissements des internats. Vendredi 30 août 2013 – Lycée d’Etat Jean-Zay Paris 16e

[...] Durant l’année qui vient de s’écouler, vous et vos équipes avez continué à travailler en suivant, avec attention toujours, avec inquiétude parfois, je le sais bien, ce que les media disaient ou laissaient entendre au sujet de l’avenir des établissements dont vous avez la charge.

Vous avez d’autre part continué à établir entre vous un réseau d’échanges pédagogiques, éducatifs, administratifs dont il convient de relever la qualité et l’efficacité.

J’ai tenu à organiser cette journée d’informations et d’échanges afin de vous associer à la définition de la politique que le Ministre entend conduire désormais. Les internats d’excellence sont un moment dans l’histoire des internats de ce pays et nous avons besoin de vous pour conduire une nouvelle évolution dans la politique que le ministère de l’éducation nationale et ses partenaires souhaitent mettre en oeuvre en faveur de tous les internats.

Procédons tout d’abord à un rapide rappel concernant l’état des lieux.

La politique des internats, relancée au début des années 2000, a donc connu une nouvelle étape avec la mise en place des internats d’excellence à partir de 2009.

Depuis la création de Sourdun en 2009, la mise en œuvre de la politique des internats d’excellence a conduit à l’existence de 45 internats de plein exercice, auxquels il faut ajouter 679 internats de droit commun qui possèdent des places « labellisées », soit aujourd’hui 724 établissements concernés à un titre ou à un autre.

Les 45 internats d’excellence de plein exercice IEPE, à la rentrée 2012 sont occupés par 3 731 élèves (taux d’occupation de 91%). Cette hausse du nombre d’élèves (2 071 en 2011) et du taux d’occupation (89 % en 2011) s’explique par la montée en puissance des IEPE ouverts les années précédentes et par l’entrée dans le dispositif d’établissements des académies franciliennes (notamment des collèges).

Pour l’année scolaire 2012-2013, 8 028 places labellisées sont proposées aux élèves et étudiants dans 29 académies et 5 415 sont occupées.

Le taux d’occupation actuel de 67% dépasse celui de 2011 qui se situait à 61%.

Ce taux s’explique par le fait que les IEPL offrant moins de 8 places « internat d’excellence » ne parviennent pas à les remplir.

Près de 2 internes d’excellence sur 3 (64,2%) sont issus des PCS défavorisées, tout comme les élèves relevant des dispositifs de l’éducation prioritaire (56,9% à l’entrée en 6ème).

Une majorité d’internes en internats d’excellence (53%) se voit attribuer des bourses permettant d’assurer les frais de scolarité.

Ce taux est le double de la moyenne nationale (26,4%) et dépasse la moyenne des élèves scolarisés en éducation prioritaire (45,5%).

Tant les responsables académiques que les chefs d’établissement et tous les personnels qui se sont engagés dans la politique des internats d’excellence l’ont fait avec détermination, dynamisme, réactivité et conviction.

J’ai pu moi-même le constater en observant le fonctionnement des premiers internats d’excellence et les évaluations qui viennent d’être conduites le confirment toutes.

C’est pourquoi, tous ceux qui se sont engagés ainsi méritent le respect et la considération, je vous demande de transmettre ce message à tous les personnels.

L’évolution du dispositif dont nous allons parler ne doit donc pas être compris comme une remise en cause ou une non reconnaissance de cette mobilisation qui s’est effectuée dans l’intérêt des élèves et pour leur réussite.

De même, les jeunes qui sont aujourd’hui accueillis dans un IE ne doivent pas souffrir des évolutions à venir : en dépit des tensions budgétaires, tout sera fait pour leur garantir le maintien des conditions pédagogiques et éducatives dont ils bénéficient actuellement, dans la limite bien entendu du soutien de nos partenaires.

Il faut donc couper court à toutes les rumeurs alarmistes, l’existence de vos internats n’est pas remise en cause.

Mais le temps est venu de tirer les leçons de cette politique, de la faire évoluer dans l’avenir en rectifiant, avec votre concours, certaines de ses composantes. C’est la volonté du gouvernement et du ministre.

Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui des internats d’excellence ?

Tout d’abord des éléments positifs.

Les différentes évaluations montrent en effet qu’en matière éducative le dispositif a rencontré son public et que le ciblage sur les PCS défavorisées est un peu plus marqué que dans nos internats classiques. Il y a en outre,

une amélioration de certains résultats scolaires,
une plus grande marge de manœuvre pour les équipes,
une initiative reconnue aux enseignants et aux personnels d’éducation,
une modification des relations entre l’ensemble des acteurs, marquée par une plus grande disponibilité,
une confiance et une fierté d’une appartenance à un établissement pas comme les autres, tant du côté des personnels que des familles et des élèves qui expriment de leur côté une grande satisfaction,
un renforcement du lien avec les familles et une adhésion des élèves (qui trouvent dans l’internat d’excellence un cadre structurant, une aide au travail scolaire, et aussi, il faut le dire, une possibilité d’évitement du quartier et des établissements qui s’y trouvent,
un projet éducatif de qualité.
Les conclusions des différents rapports (inspection générale, Ifé, école d’économie de Paris) montrent en somme que les internes font sans aucun doute des progrès, sans qu’il soit toutefois possible à ce stade de distinguer la part de l’internat et celle d’autres facteurs :

les élèves des internats d’excellence sont des élèves motivés qui ont quitté leur quartier,
les enseignants sont sélectionnés,
les moyens y sont plus importants qu’ailleurs,
les activités proposées sont très riches,
la clarté et la rigueur du cadre de travail et de comportement des élèves, etc.
Mais la politique des internats d’excellence a aussi souffert de plusieurs défauts :

une conception initiale peu concertée, c’est le moins que l’on puisse dire,
une mise en œuvre certes tout aussi volontariste mais tout autant peu concertée, avec un lancement unilatéral, surtout au début, or les internats sont clairement de la compétence des collectivités territoriales,
et des formules parfois très peu orthodoxes (comme la création anachronique d’EPN).
Malgré encore une fois l’engagement des acteurs qu’il faut saluer, qu’ils soient cadres administratifs nationaux ou locaux ou qu’ils soient personnels engagés avec ardeur dans la création et le fonctionnement des internats, malgré la tonalité positive des quelques évaluations, on ne peut qu’observer, et les acteurs locaux n’en sont aucunement responsables :

le manque de cohérence d’ensemble de cette politique avec une extrême diversité des situations (la diversité en soi n’est pas un obstacle quand elle est pilotée et est le fruit d’innovation accompagnée, mais elle devient un problème quand elle est le résultat d’une fuite en avant pas toujours contrôlée).
Ainsi, le grand nombre de places labellisées n’est parfois qu’une forme d’habillage pour répondre aux besoins de statistiques, les internes n’y bénéficiant pas de dispositif supplémentaire au droit commun ou, dans certains cas, ne savent tout simplement pas qu’ils sont des internes "labellisés" ;

Ainsi encore, au sein même des établissements de plein exercice, on retrouve des situations très diverses : certains scolarisent les élèves, d’autres pas (Metz, Marly-le-Roi) ; certains ont même été classés IEPE alors que s’y côtoient des internes d’excellence, parfois très minoritaires, avec d’autres qui ne le sont pas (Valbonne, Nice, Limoges).

L’hétérogénéité extrême des situations d’un IE à l’autre nuit à la lisibilité de l’ensemble du dispositif éducatif.

La fragilité des montages financiers visant à assurer le fonctionnement des structures, point d’autant plus problématique que l’efficience (le rapport coût / efficacité) fait de ce dispositif un dispositif impossible à soutenir dans la durée et impossible à étendre. Comme l’a montré le rapport de l’école d’économie de Paris pour Sourdun, le coût d’une année à Sourdun est le double de celle observée dans des établissements témoins.
L’inégalité de la répartition géographique des IE : si elle a volontairement privilégié NPC, l’IDF, Rhône-Alpes et PACA (avec une réussite à un moindre degré, puisqu’il y manque Marseille), cette répartition montre que l’Ouest de la France a globalement refusé la proposition, alors qu’il s’y trouve aussi des populations défavorisées qui auraient pu en tirer bénéfice. Autrement dit, nous sommes encore loin de répondre tant quantitativement que qualitativement aux besoins des élèves.
L’écart semble aussi se creuser entre les internats à places labellisées et ceux dits de plein exercice, les premiers n’offrant pas toujours des prestations de la qualité attendue et devant pourtant offrir 8 000 des 20 000 places du programme.
Enfin, l’abondance des places en lycée contraste avec celle, moins importante, de places offertes en collège et en lycée professionnel.
Il nous faut donc, ensemble, tirer les conséquences de ces différents constats et tirer parti de ce que les internats d’excellence ont pu montrer de positif pour relancer une politique de l’excellence pour tous les internats et tous les élèves et non pour les seuls élèves prometteurs regroupés au sein d’un même établissement.

La question qui nos est posée est donc celle-ci : peut-on construire une politique de réussite scolaire pour tous en protégeant les "méritants" de tous les autres ?

Autrement dit, conformément aux orientations données par l’article 1 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et formalisée dans la circulaire de rentrée, il faut à présent dépasser la réponse partielle et coûteuse des internats d’excellence et, en prenant appui sur votre expérience collective et celle de vos autres collèges responsables d’internats, construire ensemble une nouvelle étape de notre politique nationale des internats

marquée par la nécessité, vous l’avez éloquemment montré dans vos internats, d’un véritable projet éducatif et pédagogique marquée par l’association étroite des collectivités locales, des parents d’élèves, des personnels, marquée par le souci de la pleine réussite de tous les élèves et pas seulement de quelques-uns, marquée par la nécessite de maîtriser les coûts.
Comme le dit la loi du 8 juillet 2013, "tous les internats, dans leur diversité, doivent proposer l’excellence scolaire et éducative aux élèves accueillis".

Il ne s’agit pas de renier le passé mais d’assurer la continuité de l’Etat et d’élargir nos ambitions au service de tous les élèves potentiellement concernés.

Chacun s’accorde à constater que, dans la société contemporaine, la demande d’internat est forte. Nous savons que l’offre n’est pas encore à la hauteur des besoins, singulièrement dans certaines régions, singulièrement en collège ou en lycée professionnel, singulièrement pour les jeunes filles, singulièrement aussi en zones rurales dont les élèves n’étaient d’ailleurs pas éligibles à la politique des internats d’excellence.

Tous ces points justifient, en soi et positivement, la relance de l’internat de la réussite pour tous.

Je vous propose d’être les leviers et les éléments actifs de cette relance et je vous propose donc de réfléchir ensemble à la façon de diffuser les acquis des internats d’excellence à l’ensemble des internats en devenant en quelque sorte dans vos académies des points de repères pour l’innovation et la qualité des projets éducatifs proposés à tous les élèves.

La feuille de route est simple : comment diffuser les bonnes pratiques sans réduire la qualité des prestations dans un contexte budgétaire qui est contraint ?

Il ne s’agit pas évidemment de passer de l’internat d’excellence à l’internat « low cost », mais nous pouvons à cet égard aisément renoncer à des prestations de prestige qui n’apportent pas forcément plus aux jeunes qu’une prestation plus modeste mais bien construite, et utiliser de façon ciblée et intelligente les crédits dont nous disposons.

Nous pouvons d’ores et déjà identifier quelques pistes pour une politique renouvelée de l’internat.

La diversité des attentes et des besoins appelle une pluralité de réponses : il n’y a pas et il n’y aura pas un seul modèle d’internat. Comme le disent les inspecteurs généraux dans leur dernier rapport dont vous avez les éléments de conclusion dans votre dossier, « les internats de l’avenir seront très majoritairement de droit commun mais porteront des projets dynamiques ». Il y aura donc place à des internats différents.
une attention portée à la qualité du projet pédagogique et éducatif. Un internat n’est pas seulement un hébergement, c’est aussi et surtout un projet éducatif, vous le savez d’expérience : dans un internat digne de ce nom, les conditions d’apprentissage sont facilitées, le suivi des élèves est travaillé, le travail est valorisé. En un mot, l’environnement éducatif et pédagogique est favorable : par exemple, de larges plages horaires d’ouverture du CDI sont prévues (combien ai-je vu de CDI dans des établissements avec internat fermer leurs portes à 17 h ou 18h), par exemple encore, écoute et disponibilité des adultes.
Le renouveau de l’internat doit passer par le retour d’une vraie collaboration, étroite et confiante, avec les collectivités et beaucoup de collectivités territoriales sont demandeuses de ce partenariat. Si la période précédente a parfois été peu respectueuse de leurs compétences aboutissant à des situations peu pertinentes, le co-financement a relancé l’intérêt des collectivités pour ce levier éducatif : il faut profiter de ce regain d’intérêt. La concertation avec les collectivités territoriales doit donc être un axe fort et une attention particulière sera portée pour définir une nouvelle gouvernance.
Les collectivités territoriales vont d’ailleurs être invitées à participer à un groupe de travail permettant d’élaborer conjointement une charte de l’internat scolaire qui fera le point sur ce que doit être internat pour les élèves d’aujourd’hui..
Nous travaillons en effet actuellement à l’élaboration d’une charte des internats et nous disposons à mettre en place, avec le CGI, avec les ministères partenaires, les Agences d’Etat (l’ANRU et l’ACSE) les collectivités, avec quelques uns de vos représentants également, un groupe de travail qui sera chargé de faire partager plus largement l’idéal des internats de la réussite pour toutes et tous.
Il s’agira de proposer aux élèves une offre d’hébergement couplée à une offre pédagogique et éducative de qualité.
L’internat a toujours eu pour vocation d’accueillir les élèves éloignés géographiquement du lieu de scolarisation, mais il peut aujourd’hui apporter des réponses à d’autres nécessités ; en accueillant davantage les élèves des quartiers prioritaires de la politique de la Ville et ceux des territoires ruraux ou, plus généralement aux élèves n’ayant pas de conditions optimales de réussite scolaire à domicile.
...."

Ce travail a abouti en 2016 à un Référentiel national des internats : « L’internat de la réussite pour tous » qu’on peut lire à l’adresse suivante

Extrait de blogs.mediapart.fr/delahye du

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