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Un dossier de la Direction du Trésor s’inquiète des conséquences du confinement sur les inégalités scolaires

14 août 2020

Inégalités de conditions de vie face au confinement
Rédigé par Marie-Apolline Barbara

Les inégalités de logement sont le premier révélateur des inégalités socioéconomiques face au confinement, des exemples les plus dramatiques (logements insalubres et surpeuplés, milieu carcéral, populations sans-abri) aux plus ordinaires. Mais les expériences du confinement ont également été contrastées selon le genre ou la situation familiale des individus, tandis que les fermetures d’école et les dispositifs de scolarité à distance mis en place pourraient avoir creusé les inégalités scolaires.

Les mesures inédites de lutte contre la propagation du coronavirus (Covid-19), et en particulier le confinement, ont mis en lumière les inégalités de conditions de vie des individus.

Les conditions de logement en sont l’illustration la plus manifeste. C’est bien entendu le cas des exemples les plus dramatiques : logements insalubres et surpeuplés, milieu carcéral, populations sans-abri. Mais le confinement a aussi exacerbé les inégalités ordinaires, de superficie du logement, d’accès à un espace extérieur ou de qualité de l’environnement. Si les lignes de fracture sont nombreuses, entre urbain et rural notamment, les inégalités socioéconomiques demeurent un déterminant essentiel des expériences contrastées face au confinement.

Les inégalités sociales entre les femmes et les hommes auront également pu être exacerbées par la situation. Si le confinement aurait pu amener un rééquilibrage de la répartition du travail domestique, les premières enquêtes menées auprès de Français confinés suggèrent au contraire que les tâches ménagères et parentales supplémentaires auraient prioritairement échu aux femmes. Par ailleurs, les personnes isolées auraient été davantage fragilisées par le confinement, et à plus forte raison les personnes âgées et les personnes handicapées.

Enfin, les fermetures d’école et les dispositifs de scolarité à distance mis en place pourraient creuser les inégalités scolaires, car ils obèrent davantage les chances de réussite à long-terme des élèves issus de milieux défavorisés, en particulier parce que l’accès à une connexion Internet et à un équipement informatique est moins fréquent chez les ménages les plus pauvres. Les conséquences des interruptions de scolarité seraient également plus durables chez les élèves socioéconomiquement désavantagés.

Télécharger "Tésoor -Eco", n° 267, août 2020

Extrait de trespor.economie.gouv.fr du 06.08.20

EXTRAIT

3. Éducation
Les dispositifs de scolarité à distance mis en place dans le cadre du confinement pourraient accroître les inégalités scolaires existantes.

3.1 Des conditions d’apprentissage dégradées pour certains
Les inégalités de logement déjà évoquées conditionnent la disponibilité d’un espace de travail adapté aux enfants. Un quart des enfants de moins de 15 ans n’aurait pas d’endroit calme pour étudier à la maison dans les pays de l’OCDE31. Or
l’environnement de travail est un facteur déterminant de l’apprentissage des élèves : en France près d’un tiers des enfants du quartile le moins performant partagent leur chambre avec un autre membre du domicile, contre seulement 15 % des enfants les plus performants32.
L’accès à Internet est également crucial pour l’enseignement à distance. En France, seulement 2 % des enfants de moins de 17 ans ne disposent pas d’un abonnement ou du matériel nécessaire pour se connecter à Internet. Mais cette part s’élève à 3,5 % pour les enfants des familles monoparentales33, et à 5 % chez les élèves les plus en difficulté34. Les enfants des ménages les plus modestes sont d’ailleurs 3,5 fois plus nombreux à ne pas disposer d’une connexion à Internet que ceux du quintile supérieur de revenu35. Enfin, les disparités sont aussi territoriales, les habitants des zones rurales disposant d’un débit d’internet fixe deux à cinq fois plus faible en moyenne

3.2 Un risque d’accentuation des inégalités scolaires
Ces différences de conditions d’apprentissage risquent de renforcer les inégalités d’éducation existantes. Plusieurs études ont déjà souligné l’impact des fermetures d’école sur l’éducation des élèves modestes42, dont les parents peuvent mobiliser moins de ressources propices au développement du capital humain43. Les vacances d’été expliqueraient jusqu’aux deux-tiers des différences de compétences observées
en moyenne en fin de scolarité entre les adolescents issus de milieux aisés et défavorisés44. Bien que certains travaux suggèrent qu’il serait possible de
résorber les écarts précoces entre les écoliers45, les fermetures d’établissements lors des grèves de 1990 en Belgique auraient augmenté les risques de redoublement chez les élèves concernés, qui se seraient plus tard détournés de l’enseignement
universitaire au profit de parcours professionnalisants46.

Les annulations de certains examens ne seraient pas non plus anodines. Leur remplacement par des notes moyennes prédictives47 ou des évaluations d’enseignants serait souvent imprécis et pourrait renforcer les biais négatifs existants envers les femmes et les minorités48. Une sous-évaluation de ces élèves serait d’autant plus regrettable qu’ils choisiraient déjà ordinairement des universités de moindre « qualité » que celles auxquelles leurs résultats scolaires leur permettraient de prétendre49. En revanche, une étude de la cohorte de 1968 au baccalauréat suggère que l’abandon de l’examen cette année-là a permis à davantage de lycéens de poursuivre des études supérieures, ce qui a joué positivement sur leurs
carrières50.

Enfin, les déscolarisations pourraient s’être multipliés durant le confinement, favorisées par le stress accru, lemanque de contacts avec les enseignants et les pairs
et la perte de motivation51. 10 % des jeunes de 15 à 24 ans dans l’OCDE seraient déjà déscolarisés, sans emploi ni formation52. Or de longues périodes d’inactivité (professionnelle ou scolaire) auraient des effets durables sur les débouchés et les futurs salaires des jeunes adultes53.

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