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Une étude approfondie de Sciences-Po sur l’accompagnement du jeune enfant examine les facteurs socio-économiques du développement et les inégalités dans l’accès aux structures d’accueil

29 décembre 2020

Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques
Revue de littérature sur les politiques d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants
Rapport du LIEPP* pour la Caisse nationale d’allocation familiales réalisé dans le cadre du projet de construction d’une politique d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants
Juillet 2020

Juillet 2020
Auteurs : Laudine CARBUCCIA, Carlo BARONE, Grégoire BORST,
Angela GREULICH, Lidia PANICO, Maxime TÔ

Extrait de spire.sciencespo.fr de juillet 2020 (195 p.)

EXTRAITS
(page 25)
Conclusion
Ce premier chapitre consistait en une carte conceptuelle des domaines qui ont été mis en évidence dans la littérature scientifique comme principaux prédicteurs de l’accomplissement académique futur et du bien-être de l’enfant. Parmi les prédicteurs de la réussite académique, nous avons distingué les facultés langagières et pré-alphabétiques, les facultés prémathématiques, les facultés socio-comportementales, les facultés motrices et l’importance d’une enfance en bonne santé (voir Annexe III pour plus de détails quantitatifs).
Nous avons vu encore que chacun de ces domaines est impacté par les inégalités socioéconomiques. Au-delà des conséquences physiologiques de la pauvreté évoquées dans le dernier paragraphe, nous avons vu que certaines activités comme le jeu, les activités parentsenfant, ou encore la lecture partagée sont des éléments cruciaux pour ce développement. Or elles apparaissent comme moins pratiquées par les classes sociales les moins favorisées.
Dans les chapitres suivants, nous verrons comment chacune de ces dimensions peut être l’objet d’interventions dans les sphères familiales et institutionnelles afin de pallier les inégalités de destin.

(page 135)
Conclusion
Avant de conclure ce chapitre sur les barrières d’accès aux modes d’accueil formels76, il convient d’en rappeler les limites. La première provient de la qualité des données disponibles.
En effet, à notre connaissance, aucun essai randomisé contrôlé n’a encore été publié sur les barrières d’accès aux structures formelles77. Les données mentionnées dans notre rapport proviennent donc en grande majorité d’études théoriques ou observationnelles.
Par ailleurs, toutes les sous-dimensions de notre classification apparaissent ne pas avoir été traitées de façon homogène. Alors que le volet financier a par exemple été considérablement traité relativement aux autres78, certains autres, comme le volet visibilité et attractivité, n’ont à notre connaissance fait l’objet d’aucune étude quantitative les visant explicitement.
De manière générale, l’effort a été fait ici pour nous centrer sur des études européennes du fait des problèmes d’applicabilité qui ont déjà été évoqués. Comme dans chaque chapitre, nous les avons distinguées par une étoile (*). Cependant, le nombre général d’études sur les interventions qui ont été faites pour surmonter les barrières d’accès est très faible. Ce qui est donc encore plus vrai pour le sous-ensemble d’études européennes. Enfin, comme mentionné précédemment, la situation française apparaît comme singulière même dans le paysage européen, et aucune étude visant spécifiquement les assistantes maternelles, n’a été trouvée.
Ce type d’étude représente donc une piste de recherche importante à explorer.
Dans notre cadre descriptif, nous avons vu que la France occupait une place singulière dans le paysage international à plusieurs égards.

Premièrement, la France est caractérisée par une capacité importante d’accueil des Jeunes enfants. Elle est à ce titre bien au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Mais elle est aussi marquée par de plus fortes inégalités d’accès par rapport aux autres pays de l’OCDE. Alors que l’accès des classes les moins aisées est juste dans la moyenne, les classes les plus aisées sont surreprésentées en France par rapport aux autres pays. La France est aussi un des pays où l’accessibilité perçue est la plus faible (Ünver et al., 2018). Pour ces raisons, nous avons décidé de nous concentrer sur les populations les moins aisées dans notre cadre explicatif des barrières d’accès aux modes d’accueil formels.

Les barrières informationnelles, culturelles et administratives jouent un rôle important. Les familles les moins aisées ne disposent parfois pas de la langue, et souvent pas de l’aisance bureaucratique, nécessaires pour accomplir les démarches.
La France a une population immigrée importante et défavorisée, mais souvent francophone au égard à son histoire coloniale (INED, 2010). La seconde barrière y apparaît donc comme probablement plus récurrente que la première. A ce titre, certains travaux que nous avons explorés suggèrent d’aller au-devant des populations défavorisées par plusieurs manière. Tout d’abord en s’appuyant sur des associations de quartiers culturellement plus proches, et en employant du

76 Voir Glossaire en Annexe II, p.138
77 A l’exception d’une étude en cours menée par Heim et al. (projet ISAJE).
Elle consiste en une attribution des places en crèches via un algorithme automatisé. Elle concerne à ce titre uniquement les parents ayant réussi à faire la demande, c’est-à-dire ceux pour lesquels la barrière relève uniquement de l’accessibilité administrative (critères d’attribution des places).
78 Bien que la majorité des études soient américaines dans ce volet.

personnel de la même population que la communauté visée, qui soit sensible aux normes culturelles de la population. Il semble aussi important de continuer le processus de simplification administrative, à la fois sur le fond (en diminuant le nombre et en simplifiant les démarches à la charge des familles, et/ou par exemple en utilisant des médias familiers aux familles, comme les rappels sur le téléphone portable tout au long de la période de préinscription) et sur la forme (en évitant les termes techniques et en incorporant par exemple des pictogrammes et infographies qui sont plus facilement compris lorsque cela est nécessaire (Lakhlifi & Rozier, 2019)).
Ensuite, la France apparaît comme singulière quant à la composition de l’offre de ces modes d’accueil. Les assistantes maternelles sont le premier mode d’accueil en France, avec une capacité théorique d’accueil faisant près du double de la capacité théorique d’accueil en EAJE.
Les crèches sont concentrées dans les territoires fortement urbanisés, contrairement aux assistantes maternelles qui se situent dans les zones plus rurales. Or nous avons vu que, du fait d’un reste à charge important des assistantes maternelles, les populations les moins aisées sont encore moins représentées dans ce mode de garde qu’en EAJE, où les critères de sélection sont pourtant à leur désavantage. Ainsi deux rééquilibrages s’avèrent nécessaires : le premier est territorial, et le second est social, via la refonte (en cours) du système d’allocation pour les assistantes maternelles. Cette refonte devrait avoir deux objectifs : le premier est une simplification des démarches, et le second est un reste à charge plus ajusté aux revenus.
Des critères d’attribution des places en EAJE plus équitables pour les populations
défavorisées pourraient aussi contribuer à réduire les inégalités d’accès. En effet, nous avons vu qu’actuellement, les critères d’attribution des places ne sont pas systématiquement accessibles aux familles, et quand ils le sont, sont souvent en faveur des familles où les deux parents travaillent, ont un emploi stable, ont déjà des enfants dans la structure ; souvent ces critères favorisent l’ancienneté de la demande. Tous ces éléments tendent à favoriser fortement les familles favorisées, tout en produisant en même temps un sentiment d’inaccessibilité auprès
des familles les moins aisées. C’est pourquoi plusieurs initiatives locales, potentiellement reproductibles à l’échelle nationale, ont émergé dans une logique de réduction des inégalités.
Plusieurs villes ont par exemple entrepris la mise en place d’un barème clair et visible de tous, grâce auquel chaque parent connaît ses chances d’obtenir une place en crèche. Afin de pallier les inégalités, il serait souhaitable que cette démarche s’accompagne d’une incitation à donner davantage de poids aux critères sociaux lors du processus d’attribution des places, via par exemple une modification du barème (e.g. plus de points attribués aux familles les moins aisées sur la base de leurs revenus) et/ou par l’intégration de la prise en compte de ces critères sociaux aux grilles d’évaluation de la qualité des structures.

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