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« Le mal-être étudiant existe, les dispositifs de prévention sont dérisoires »
Etudiant en master, Réda Mérida témoigne de la détresse psychologique rencontrée par certains étudiants de son entourage. Selon lui, les moyens pour prévenir et soigner ces épisodes ne sont pas suffisants.
Sentiment d’illégitimité
Dans de nombreux cas, il semble que ce mal-être renvoie à un mal-être social. Pour celles et ceux qui viennent d’un milieu modeste, occuper les bancs de certaines écoles s’accompagne d’un sentiment d’illégitimité, à l’image de Sara, originaire de Haute-Savoie, et dont les parents sont employés dans un supermarché. Brillante dans sa scolarité, ses professeurs de lycée l’incitent à tenter les grandes prépas parisiennes. Elle postule « sans même trop savoir à quoi à quoi ça correspondait », m’explique-t-elle. Admise à Louis-le-Grand, à Paris, elle fut impressionnée par le vieil établissement, les dorures, la cour intérieure et les noms à particules qui l’habitent. Mais très vite, elle commence à se sentir étrangère à ce nouveau milieu. « C’était compliqué d’être boursière, il y avait un regard porté sur nous, même dans le comportement des profs, se rappelle-t-elle. Je me suis rendu compte que je n’avais rien en commun avec les autres. » Cette expérience d’étudiante transclasse, Sara la résume à une colère et une déception : « J’avais l’impression d’être une imposture. »
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En deuxième année de prépa, elle se retrouve à habiter à une heure de Louis-le-Grand, car le Crous ne pouvait lui proposer une chambre proche de son établissement. Parallèlement à tout ça, elle cumule deux jobs pour subvenir à ses besoins. « C’était hyperdur physiquement mais j’ai tenu. » Quelques mois plus tard, une rupture amoureuse devient l’élément déclencheur d’un burn-out. Toute la pression et le stress des années d’avant lui retombent dessus. Son médecin la met sous traitement durant un an, à cause de « pulsions suicidaires ». N’ayant pas les moyens de se payer un suivi psychologique, elle s’adresse au bureau d’écoute psychologique universitaire (BAPU), qui propose un service gratuit pour les étudiants. Elle ne rencontre un psychiatre que deux mois plus tard, faute de place. Comment peut-on faire attendre autant des étudiants en détresse ? Une employée d’un BAPU de Paris évoque le manque de personnel et la demande croissante.
Extrait de lemonde.fr du 22.02.19 : « Le mal-être étudiant existe, les dispositifs de prévention sont dérisoires »