Apprendre à penser contre soi-même. Conférence d’André Tricot lors des Rencontres du CRAP-Cahiers pédagogiques 2018 : pédagogie par projet, coopération, le transfert des travaux de recherche...

24 août 2018

Rencontres d’été du CRAP 2018
Apprendre à penser contre soi-même
Conférence d’André Tricot

Débattre des mythes et des réalités en matière d’innovation pédagogique, c’était l’objet de la conférence donnée par André Tricot, professeur d’université en psychologie cognitive à ESPE Midi-Pyrénées, le 20 aout 2018 aux Rencontres d’été du CRAP-Cahiers pédagogiques à Saint-Sernin-sur-Rance, dans l’Aveyron. De quoi déconstruire certaines croyances mais aussi renforcer bien des convictions des participants.

[...] Pédagogie par projet

Deuxième mythe examiné : la pédagogie par projet, une idée plus récente, que le chercheur trouve « intéressante parce qu’il y a très peu de chercheurs qui s’y intéressent ». Un état des lieux des travaux scientifiques sur les pédagogies par projets en 2006 recensait vingt-huit articles dont une majorité ne sont que descriptifs, et deux seulement essayent d’évaluer les apprentissages des élèves à l’issue du projet… Soit « un manque cruel de recherches rigoureuses sur le sujet ».

André Tricot signale qu’il est un militant de la pédagogie par projet, qu’il pratique avec ses étudiants : « Je suis convaincu que c’est très bien mais cela ne s’appuie pas sur des études scientifiques. Cependant, je pense à priori que c’est une approche très riche. »

Il souligne que les difficultés rencontrées sont en revanche bien documentées et indique quelques précautions importantes : distinguer ce qui est demandé aux élèves (la tâche), de ce que l’on essaye de leur faire apprendre (le but) ; savoir ce qu’on peut demander ou non à telle activité (jouer aux échecs apprend qu’à jouer aux échecs).

[...] Ainsi, à propos de la coopération, il relève qu’en matière de connaissances, si une tâche est tellement facile qu’un élève peut la réaliser tout seul, alors la faire en groupe peut tout compliquer. Pour être efficace, la coopération doit être nécessaire (et exigeante). Sinon, elle a tendance à alourdir la tâche et à parasiter les apprentissages.

Cependant, parce que « être concepteur de solutions originales de 9h du matin à 17h chaque jour, c’est difficile », le chercheur souligne l’intérêt des collectifs enseignants, formels ou informels, pour échanger des solutions. Ou plutôt pour échanger sur les processus qui ont conduit à une solution, celle-ci n’étant valable que pour la situation qui a posé problème et a conduit à la mettre en œuvre.

[...] Limites

En contrepoint à la référence aux travaux de recherche, André Tricot évoque les limites du transfert des résultats de ces travaux en classe. À commencer par le critère de faisabilité : « Il faut que ça marche, mais pas seulement dans un laboratoire, il faut que ça marche dans les salles de classe, avec les programmes et le découpage actuels, etc. En éducation, il y a beaucoup de résultats obtenus en laboratoire qui ne passent pas la barrière de la faisabilité. » Autre critère : le critère d’acceptabilité, notamment sur le plan des valeurs.

Lorsqu’il s’agit de transférer des dispositifs dans les classes à partir de travaux de laboratoires, André Tricot nous enjoint donc de garder en tête que « quelque chose qui a fait la preuve de son efficacité n’a pas fait la preuve de sa fonctionnalité ». Il s’agit de trouver l’équilibre d’une tâche qui doit être motivante, engageante, mais risque, si elle l’est trop, d’empêcher l’acquisition de la connaissance qu’elle vise.

Cécile Blanchard

Extrait de cahierspedagogiques.com du 20.08.18 : Apprendre à penser contre soi-même

Le diaporama de la conférence d’André Tricot à télécharger

Répondre à cet article