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La réussite pour tous en CP : oui, mais comment ?, par Claude Seibel, Inspecteur général honoraire de l’INSEE (Cahiers pédagogiques)

16 janvier 2018

École : les vrais défis
La réussite pour tous en CP : oui, mais comment ?
Claude Seibel

La réduction des effectifs en CP n’est pas une condition suffisante pour assurer la réussite de tous les élèves, et les « méthodes bien rodées » ne suffisent pas non plus à faire entrer dans la lecture et l’écriture les élèves les plus fragiles. Comment, alors, relever ce défi de la réussite de tous ?

Même si la référence à la Loi de refondation de l’École de juillet 2013 n’apparait pas toujours explicitement, ce sont bien ses objectifs principaux de « priorité au primaire » et de « réussite pour tous à l’École » qui s’imposent avec force à tous les acteurs de l’Éducation.

Parmi les décisions récentes, le ciblage de l’action sur les zones d’éducation prioritaire amplifie les moyens consacrés aux premiers apprentissages dès le CP puis le CE1, ce dont il faut se féliciter : il privilégie la mise en place de classes à effectifs réduits (autour de douze élèves). Mais supprime le programme « plus de maîtres que de classes », avant même que les effets de ce programme n’aient été évalués, alors qu’il s’agissait souvent de maitres expérimentés.

Un élément souvent oublié
Il y a en fait un autre volet dans les directives du ministre, souvent oublié, parce que beaucoup plus difficile à mettre en place que le cloisonnage d’une classe : c’est l’affectation dans ces zones et sur cette mission d’enseignants ayant plus de trois ans d’ancienneté. Or, il s’agit d’un élément essentiel, comme le montre l’article de Pascal Bressoux et Laurent Lima [1] à l’origine de la réorientation de cette politique.

Augmenter les moyens mis à disposition des équipes éducatives n’a pas comme conséquence automatique la réussite de tous les élèves au cours du cycle 2 de l’école primaire (CP-CE1-CE2). Encore faut-il que les enseignants et tous les intervenants au sein de l’école aient les compétences et maitrisent les outils nécessaires pour prévenir les difficultés scolaires de tous les élèves, y compris les plus fragiles, c’est-à-dire ceux qui, à l’entrée en CP, sont en fait éloignés des langages de l’école.

L’enquête « lire et écrire au CP », pilotée par Roland Goigoux et publiée par l’Institut français de l’éducation (IFE) en 2015, nous fournit des pistes essentielles pour l’action pédagogique engagée. Ont été observés de septembre 2013 (début de CP) à juin 2015 (fin de CE1), 2500 élèves de CP dans 131 classes conduites par des enseignants expérimentés. Dans une première analyse rapide, l’enquête montre que vingt enseignants (soit 15 % environ des 131 classes) parviennent à ce que tous les élèves maitrisent une lecture précise et fluide (fluence), tandis que 30 % des élèves sont très au-dessous de ce seuil qui permet d’accéder à une lecture autonome et d’améliorer la compréhension des textes (dans toutes les matières scolaires).

L’enquête met d’abord en évidence l’énorme disparité de niveau initial dès l’entrée au CP : si la plupart des élèves connaissent le nom des lettres, plus de 30 % ne parviennent pas à supprimer une première syllabe ou un premier phonème. Or, il s’agit, d’après Roland Goigoux, d’un bon prédicteur de l’apprentissage du code. Dès lors, le recours à des méthodes pourtant bien rodées et efficaces ne met pas à l’abri la plupart des enseignants de CP de voir peu à peu se structurer trois groupes d’élèves :
ceux qui, très vite, atteignent un niveau d’écriture et de lecture qui les rend quasi autonomes dans cette pratique (en réalité, ils savent déjà lire quelques semaines après la rentrée de septembre) ;
ceux dont les progrès sont rapides tout au long de l’année (ils dépassent peu à peu ce seuil de lecture autonome et précise déjà évoqué) ;
un groupe d’élèves plus ou moins important, selon le contexte social et géographique, pour qui la lecture-écriture reste hésitante, hachée, loin de l’automatisme indispensable pour réduire la charge mentale [2].

Le risque de l’échec
Certains s’en contentent, car ils attribuent ces différences, soit à l’absence de moyens, soit à des « déficiences intellectuelles ou médicales » qui échappent à l’action éducative. Peu d’entre eux anticipent le risque que ces enfants en difficultés basculent peu à peu vers un échec scolaire difficilement réversible. Dans ces domaines, la remédiation est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre que la prévention.

Si nous revenons à l’enquête de l’IFE, nous allons trouver un nombre considérable de pistes pour répondre aux besoins de ces enfants « fragiles » (en réalité, issus pour la plupart de milieux populaires défavorisés et très défavorisés) : les mettre en œuvre revient à accepter et à savoir mettre en œuvre une pluralité de méthodes [3] au sein de la même classe, quelle que soit sa taille et ce, avec les mêmes objectifs et sans relégation.

Éviter la relégation
Prévenir les difficultés scolaires des plus fragiles, c’est leur apporter, par des méthodes adaptées, la capacité de maîtriser les compétences-clés, nécessaires à la poursuite des apprentissages [4]. Au sein de la classe (élargie), sous la responsabilité de l’enseignant principal (sans rupture affective ou pédagogique), ces élèves s’inscrivent dans les mêmes objectifs que l’ensemble de la classe [5].

Si on adhère aux principes énoncés si dessus, principes qu’il serait évidemment nécessaire de développer, il convient de dépasser la querelle entre les modalités pédagogiques en cours d’expérimentation. Toute la compétence des maitres supplémentaires doit être évidemment sollicitée. Leur légitimité est accrue dans la mesure où ils deviennent « titulaires » d’une classe, c’est-à-dire qu’ils font « vraiment » partie de l’équipe enseignante. Pourtant, il serait catastrophique de leur confier tous les élèves les plus fragiles : c’est ce modèle qui a toujours structuré les classes de « relégation »…

L’autonomie affichée des équipes éducatives va permettre d’observer une modalité plus adaptée à la situation des débuts de l’école primaire, y compris dans les réseaux de l’éducation prioritaire, celle d’une classe de vingt-quatre élèves où deux enseignants s’organisent pour que, au sein de la classe et sous leur responsabilité, tous les élèves parviennent à maitriser les « incontournables » des premiers apprentissages fondamentaux du CP puis du CE1.

Claude Seibel
Inspecteur général honoraire de l’INSEE

Comment soutenir le développement des compétences en lecture ?
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Extrait de cahiers-pedagogiques.net du 15.01.18 : >La réussite pour tous en CP : oui, mais comment ?

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