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Publication par la fondation "La Main à la pâte" de deux évaluations, dont une, négative, de Marc Gurgand (Ecole d’économie de Paris) sur l’efficacité des Maisons pour la science. Entretiens avec Pierre Léna et Didier Roux (Café pédagogique)

20 décembre 2017

Résultats décevants pour les Maisons pour la science

La motivation suffit-elle à améliorer le niveau des élèves ? C’est la question de fond posée par deux rapports d’évaluation des formations des Maisons pour la science. Créées en 2012, les Maisons pour la science ont donné un second souffle à La Main à la pâte en structurant des offres de formation à destination des professeurs des écoles et des collèges. Plus de 35 000 enseignants ont suivi leurs stages. Le 8 décembre la Fondation La Main à la pâte (LaMap) a présenté deux évaluations de ces formations. Si la motivation et le degré de satisfaction des enseignants ayant suivi les stages sont fortes, les résultats sur leurs pratiques et sur les résultats des élèves sont décevants.

Faire changer les méthodes de l’éducation nationale
"On n’apprend pas la science sans travailler. On n’apprend certainement pas du tout sans motivation. L’objectif numéro 1 c’est entretenir la flamme de la motivation". En ouvrant la conférence nationale des Maisons pour la science, Didier Roux, vice président de la Fondation La Main à la pâte, met l’accent sur l’enthousiasme qu’il rencontre dans les classes qui suivent les formations des Maisons pour la science.

Créés en 2012, les 9 Maisons pour la science, installées dans 9 des anciennes régions, ont déjà formé plus de 35 000 enseignants. Chaque Maison associe des universités , le rectorat et des entreprises locales. Elles proposent des formations à l’enseignement des sciences basées sur la méthode d’investigation et réalisées avec des scientifiques. En Lorraine et dans le Puy de Dôme la moitiés des professeurs de sciences y ont participé. Le Café a déjà présenté des enseignants ayant suivi avec succès ces stages.

L’ambition de la Fondation LaMap n’est pas mince : "on peut faire changer les méthodes pédagogiques de l’éducation nationale", dit Didier Roux. La Fondation se vit un peu comme l’ultime chance de bloquer la dégringolade des résultats de l’école française. Mais elle pense que le salut ne peut venir que de l’extérieur. Pour l’enseignement des sciences c’est par la transmission de la méthode scientifique à travers la démarche d’investigation que l’on peut remonter le niveau.

Deux études d’évaluation
Le 8 décembre, la Fondation publiait les résultats de deux évaluations. La première étude , réalisée par le cabinet belge Educonsult, estime que "l’objectif d’améliorer la qualité de l’enseignement est largement atteint". Basée sur des questionnaires de satisfaction, l’étude montre que les enseignants sont très satisfaits des stages, particulièrement ceux du 1er degré. Ils se jugent capables d’appliquer la méthode en classe.

Une appréciation que Marc Gurgand (PSE) et son équipe vont relativiser en dévoilant de premiers résultats d’un suivi scientifique d’élèves et d’enseignants suivant les stages, avec un groupe témoin. Un procédé lourd (plus de 2500 élèves concernés) reposant sur une observation des pratiques de classe et du niveau des élèves.

Là le bilan est nettement plus mitigé. L’étude trouve une amélioration sensible des connaissances des élèves dont l’enseignant a suivi un stage LaMap, par rapport au groupe témoin. Mais le stage n’a pas d’effet sur la motivation ou sur les compétences des élèves.

Chez les enseignants on n’observe pas plus de manipulations chez ceux qui ont suivi le stage que dans le groupe témoin. Ce qui a changé, c’est l’augmentation des heures dévolues aux sciences chez ces enseignants du primaire. Autrement dit le stage a certainement donné envie aux enseignants de faire plus de sciences mais sans changer leurs pratiques. C’est cette hausse de l’horaire qui entraînerait de meilleures connaissances. Il n’y aurait pas d’effet profond sur les pratiques enseignantes.

Pour Marc Gurgand les scientifiques impliqués dans les formations ne rendraient pas toujours explicites leurs pratiques et la manière d’aborder les questions épistémologiques avec les élèves ne seraient pas assez abordées. Pour lui ces résultats interrogent l’appel à des scientifiques pour changer la vision des sciences des enseignants. Il pose aussi une autre question celle du lien, pas automatique, entre la vision des sciences et les pratiques de classe.

L’Ecole et le laboratoire
Autrement dit, la Fondation aurait sous estimé la professionnalité enseignante, avec son histoire, ses usages, ses rapports avec les élèves et les parents et globalement tout ce qui fait de l’Ecole une institution et pas seulement un laboratoire. Il y a peut-être aussi une surestimation de la motivation face aux difficultés des élèves. Il ne suffit pas d’aimer une discipline pour y réussir comme le montrent d’ailleurs les enquêtes Cèdre.

Pierre Léna, président honoraire et âme de la Fondation , et Didier Roux expliquent ces résultats décevants par la méthodologie utilisée (le fait que seuls des volontaires donc déjà acquis aux sciences, aient participé) et par le caractère provisoire d’une étude qui se poursuit.

Le problème c’est que d’autres travaux tranchent dans le même sens. Pisa 2015 a porté sur les sciences et a évalué les résultats de plusieurs approches de leur enseignement.

La démarche d’investigation interrogée
Pisa montre que la discipline en classe impacte fortement les résultats ; c’est d’ailleurs un facteur lourd en France avec les retards. L’absentéisme également. Pisa valide aussi l’attention porté par le professeur aux questions des élèves et à adapter le cours à leur niveau. Ce feedback est efficace.

Par contre Pisa ne valide pas la démarche d’investigation. " Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies", dit Pisa.

Il ne faudrait pas pour autant sous estimer les apports de LaMap à l’enseignement. Il faut voir la motivation profonde des enseignants, leur plaisir qui doit bien se retrouver quelque part chez les élèves. Redonner confiance et envie aux enseignants du primaire qui sont rarement scientifiques ce n’est pas rien. Mais il semble que LaMap ait sous estimé la culture enseignante et l’institution école.
François Jarraud

Pisa et l’enseignement des sciences

Un important projet d’éducation à l’environnement

La Map récompense des enseignants

Extrait de cafepedagogique.net du 11.12.17 : Résultats décevants pour les Maisons pour la science

 

Pierre Léna : " Il faut de l’air dans l’éducation nationale "

"L’Education nationale ne fera pas face seule". Pierre Léna, président honoraire de la Fondation La Main à la pâte et Didier Roux, vice président, reviennent sur les premiers bilans des Maisons pour la science. Pour eux elles valident l’appel aux scientifiques pour former les enseignants. Plus que jamais, LaMap veut changer les méthodes d’enseignement des sciences.

L’étude de Marc Gurgand montre que les formations des Maisons pour la science ont un impact limité. Quelles conclusions en tirez-vous ?

Pierre Léna - Nous avions fait le choix d’une étude totalement indépendante de la Fondation LaMap et de la lancer très tôt. Cela n’a pas que des avantages car le système des Maisons a du apprendre à se roder. En outre, les résultats ne sont encore que provisoires, l’étude demandant encore un an pour être complète. Enfin, à la demande des rectorats, elle porte sur un échantillon de professeurs choisis, de façon aléatoire mais parmi des volontaires. Cela introduit un biais car il s’agit d’enseignants très motivés pour les sciences. Donc on peut s’attendre à ce que l’impact de leurs actions évalué par rapport à leur pratiques antérieures est moins fort qu’avec des enseignants totalement pris au hasard.

Mais je veux retenir deux conclusions de ces premiers résultats. La première est que le choix de faire appel à des scientifiques pour former les enseignants est un bon choix. Les professeurs disent que cela leur apporte une vision nouvelle de la science même si certains intervenants scientifiques ont parfois quelque peine à se distancier par rapport à leur métier et à entrer dans un dialogue épistémologique avec les enseignants.

La seconde c’est qu’à leur retour en classe, après le travail fait dans les Maisons, les enseignants ne transposent pas automatiquement les pratiques d’investigation découvertes en formation. Ce n’est pas vraiment une surprise : nous savions d’expérience qu’il leur faudra plusieurs années pour se transformer. Mais je suis confiant que leur passage dans les Maisons les aidera à transformer progressivement leurs pratiques pédagogiques une fois perçu l’impact sur leurs élèves. Déjà nous voyons ce résultat important : les élèves font davantage de sciences et acquièrent davantage de connaissances.

Vous avez sous-estimé la culture ou le fonctionnement du système éducatif ?

Didier Roux - Notre projet n’est pas une énième méthode d’enseignement. C’est bien le projet d’une transformation des pratiques de tous les enseignants de sciences. On se dote d’outils et d’évaluations pour faire cela sérieusement sur un temps long. Notre idée est de dire que c’est par l’intérêt des élèves, grâce à la méthode d’investigation, que l’on va susciter un intérêt pour les sciences qui va accompagner les jeunes toute leur vie.

On arrive à la fin des investissements d’avenir. Comment voyez vous l’avenir des maisons pour la science ?

DR - Aujourd’hui elles ont démontré leur impact. L’engagement des partenaires, universités et rectorats, est acquis. D’autres régions déposent des projets de maisons. On voit aussi se développer avec intérêt un lien entre Maisons pour la science et entreprises locales qui interviennent dans les formations. C’est intéressant car cela permet de faire entrer le monde économique dans l’éducation, un monde difficile d’accès pour lui.

Pour l’avenir, il faudra un financement. Aujourd’hui la question est ouverte. Mais c’est pour la France l’opportunité unique pour sortir de la spirale infernale du décrochage de plus en plus fort dans les classements internationaux.

PL - Les enquêtes Pirls montrent de mauvais résultats en lecture, Timms un effondrement dramatique en maths. Depuis 15 ans nombre de rapports d’instances publiques montrent que le développement professionnel des enseignants est à l’abandon. Nous avons montré que l’on peut se saisir du problème, que plus d’un millier de scientifiques ont accepté de s’investir bénévolement dans les Maisons et que le coût par enseignant de l’ensemble demeure très modeste. Si nous avons quelque peu contribué à la création de solutions en montrant comment les universités peuvent revenir sur le terrain de l’accompagnement professionnel des enseignants et que les professeurs y retrouvent un lieu naturel de fréquentation du savoir, alors nous n’avons pas perdu notre temps.

DR - En tous cas, nous avons la certitude que l’Education nationale ne fera pas face seule. Ce n’est pas par une énième réforme qu’on va répondre au besoin urgent de reprendre en main le système éducatif. Ce n’est qu’avec des acteurs extérieurs et ils sont prêts. Il faut voir l’enthousiasme des professeurs et des enfants, la redécouverte par les enseignants et la découverte par les élèves que le travail en équipe est un bénéfice.

Le rapport Gurgand montre pourtant que les formateurs externes à l’éducation nationale ne connaissent pas l’école et que ça pose problème...

DR - Ces formateurs ne sont si éloignés que cela de l’éducation nationale. Ce sont des chercheurs. Certes ils ont un apprentissage à faire mais il s’adaptent rapidement aux besoins des enseignants. Cela ne peut pas être une excuse pour que l’éducation nationale ne s’ouvre pas sur l’extérieur.

PL - Essayons de les voir comme des accompagnateurs , plutôt que comme des formateurs ! Il faut de l’air dans l’éducation nationale. Une école fermée sur elle-même ne peut qu’avoir peine à transmettre une science vivante.

Jusque là LaMap s’est intéressé au primaire et au collège. On est dans une époque où le lycée va être redessiné. Allez vous intervenir dans ce débat ?

PL - Pour l’académie des sciences, oui. Nous avons rencontré P Mathiot (chargé de mission sur la réforme du bac NDLR) et nous espérons contribuer à re-définir la place des sciences dans les 3 années du lycée général et technologique. En revanche , et au stade actuel , la fondation La Map n’a pas choisi de s’ouvrir aux lycées, sauf une modeste ouverture, tournée vers l’égalité des chances, vers quelques lycées professionnels en région Ile de France. Notre axe demeure d’intervenir à l’école et au collège, car on y touche tous les jeunes, à la différence du lycée général qui suit pour certains. Une mobilisation sur le lycée pourrait réduire notre action en faveur d’aider les élèves les moins bien dotés.
Propos recueillis par François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 11.12.17 : Pierre Léna : " Il faut de l’air dans l’éducation nationale "

 

Note du QZ : La Main à la pâte est relativement bien implantée en éducation prioritaire
Sur le site OZP
Résultats d’une recherche sur le mot pate
Rappelons que la fonction "rechercher" ne fonctione que sur un seul mot ou un mot composé comptant une trait d’union.

P.-S.

nbsp ;

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