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de Villepin et la responsabilité parentale

19 décembre 2005

Extrait de « Libération » du 19.12.05 : Les allocs, ce ne sont pas « des primes au mérite »

Dans les lycées et auprès des médiateurs, le « contrat » Villepin pour responsabiliser les parents passe mal.
L’idée a rejailli alors que la crise des banlieues touchait à sa fin. Le 1er décembre, Dominique de Villepin ressort des cartons de la droite le « contrat de responsabilité parentale ». Ce dispositif, qui sera inséré en janvier dans la loi sur l’égalité des chances, concerne les parents en difficulté, et aussi ceux qu’on baptise vite « démissionnaires ». Il prévoit une suspension des allocations familiales si le contrat n’est pas respecté. Le Premier ministre reprend en fait un projet concocté au ministère de la Famille, alors que des mesures semblables sont élaborées à l’Intérieur.

Les premiers parlent « protection de l’enfance », les seconds pensent « dépistage » de futurs délinquants. Mais ils ont une même cible : les parents dont les enfants sèchent l’école (1), troublent le fonctionnement de l’établissement scolaire ou encore traînent dans les rues, ces parents qu’il faut « res-pon-sa-bi-li-ser ».

La dissuasion par le portefeuille

Cette arme de dissuasion qu’est la suspension des allocations familiales, prévue dans le contrat (lire encadré), a suscité l’indignation. Huit organisations de l’Education nationale ont critiqué la « stigmatisation des familles les plus exposées aux difficultés, qui ont plutôt besoin d’une aide et d’un accompagnement positif ». L’Unaf, chargée d’inspirer la politique familiale de la France, s’est déclarée hostile, elle aussi : les allocations sont faites « pour compenser la charge que représente un enfant », non pour jouer un rôle de sanction.

Ce serait « ajouter du malheur au malheur ». La Confédération syndicale des familles s’est insurgée contre ce procédé : les allocations ne sont pas « des primes au mérite ». Il serait plus judicieux de soutenir financièrement les réseaux d’accompagnement et d’appui à la parentalité (les Reaap), dont le budget a stagné mais pas les projets. En Seine-Saint-Denis, par exemple, ces lieux touchent 2 000 parents.

Le contrat sera-t-il praticable ?

Joseph Pululu, médiateur à Melun, en doute. « Le vrai contrat pour un Africain, c’est la parole. C’est ça qui l’engagera. Sinon, il signera pour être tranquille. » Les relations entre l’école et les parents sont tissées de préjugés. « Beaucoup de parents ne veulent pas se frotter à l’école, vue comme une institution qui les écrase. Ils se font engueuler par les enseignants, on écorche leur nom de famille. Certains baissent les bras. » Dans ce contrat, dit-il, il faut impérativement inclure de l’aide aux devoirs. « Quand un gamin n’arrive pas à faire ses devoirs, qu’il est tout seul, qu’il ne comprend rien, le lendemain, en classe, il fait le con et se fait sortir. Voilà comment ça commence. » C’est donc là qu’il faut mettre le paquet.
Des parents parfois impuissants

Le principal d’un collège de ZEP est lui aussi dubitatif. « J’ai le cas d’un adolescent qui harcèle une fille ; ce matin, il lui a jeté des pierres. Je sais que je mettrai trois mois avant d’avoir ses parents, ne serait-ce qu’au téléphone. » La plupart du temps l’élève fait l’idiot, sèche les cours, et la famille n’en sait rien. Quand elle l’apprend, elle le ramène par la peau du cou.

Ça, c’est le cas classique. « Dans d’autres cas, quand on rencontre les parents, on s’aperçoit qu’ils parlent mal le français, qu’ils faisaient confiance à l’enfant qui amène ses frères et soeurs à l’école. Ils sont très surpris et impuissants... alors en plus leur retirer les allocs... » Il faudrait plutôt un dispositif d’accompagnement psychologique, matériel, social. « Comme pour cette gamine [une terreur à l’école, ndlr] qui, chez elle, fait la "maman" : le ménage et à manger pour toute la famille. » Elle a 12 ans.

Comment rétablir le lien entre l’école et des parents qui, parfois, n’osent pas y mettre les pieds ? Le ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, vient de proposer que, dans les établissements scolaires, une salle soit aménagée pour accueillir « l’école des parents » (cours d’alphabétisation et permanences d’associations de parents pourront s’y tenir). A la Courtille, dans son quartier de Saint-Denis, Sonia Imloul s’est efforcée de faire venir les pères et mères à l’école. L’an dernier, avec la bénédiction du principal du collège, elle a installé à titre expérimental un « bureau des parents », juste à côté de la salle des profs. Les familles sont venues spontanément. Des mères souvent désoeuvrées, qui demandaient au principal ¬ un homme ¬ de restaurer l’autorité parentale à la maison (« Mon fils regarde la télé tard le soir, dites-lui »). On parlait aide au devoir, scolarité, puis, de fil en aiguille, surendettement, problème de pension alimentaire ou de déclaration d’impôts. L’absentéisme scolaire est un bon indicateur des problèmes familiaux.

(...)

Charlotte Rotman

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