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Interrogé par le Café, Xavier Nau (CESE et CNESCO) traite de l’éducation prioritaire et des diverses formes de ségrégation scolaire et fait 7 préconisations pour plus d’égalité

19 mars 2015

Ancien professeur de philosophie, ancien syndicaliste, Xavier Nau a été rapporteur en 2011 d’un rapport sur les inégalités à l’école (1). Il siège au Conseil Économique Social et Environnemental et au Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO). Il répond à nos questions et avance 7 préconisations.

[...] La redistribution à moyens constants des zones d’éducation prioritaires (ZEP) l’éducation prioritaire proposée par la ministre de l’Éducation Najat Vallaud Belkacem vous paraît-elle susceptible d’infléchir la réalité des établissements scolaires dans les quartiers dits difficiles ou sensibles… ?

Ce qui n’est pas normal, c’est que des établissements restent désespérément en éducation prioritaire d’une part, et que quelques 20% des établissements soient dans ce cas ! Le budget étant ce qu’il est, on en arrive à du saupoudrage qui ne peut avoir d’effet substantiel. Il vaut mieux concentrer l’essentiel des moyens sur les 5% les plus en difficulté, ce qui correspond je crois aux actuelles REP+. Associée à la pondération des services et à un meilleur pilotage, pédagogique et territorial, cette mesure me semble aller dans le bon sens.

Pour autant une autre mesure devrait s’imposer, qui était d’ailleurs préconisée dans le rapport de 2011 du CESE : pour éviter les effets de seuil du tout ou rien, les dotations aux établissements (postes et fonctionnement) devraient être, pour une part substantielle, fonction de la population scolarisée et des efforts de mixité sociale en leur sein. Il me semble que cette idée fait son chemin aujourd’hui.

Dans les territoires défavorisés, vous avez constaté que l’école renforçait la ségrégation et la discrimination. Comment s’explique ce phénomène ? Normalement elle devrait faire l’inverse le contraire.

L’école augmente les inégalités déjà présentes dans la société, c’est un comble ! Les territoires sont déjà ségrégés socialement, notamment dans les zones urbaines et périurbaines, mais pas seulement. Il faudrait lutter contre cela. Qui plus est, bien des familles cherchent pour leur enfant une école, un établissement « un peu mieux » que celui du quartier et ainsi celles qui le peuvent inscrivent leur enfant un peu plus loin, laissant dans l’établissement local ceux qui ne peuvent ainsi « s’échapper ».
Il en va de même un peu plus loin, et ainsi de proche en proche, les établissements se trouvent plus ségrégés que les territoires dans lesquels ils sont implantés ! Le privé peut être l’une des voies pour cela, mais la libéralisation de la carte scolaire a grandement accru ce phénomène au sein même de l’enseignement public. Ajoutons que cette ségrégation sociale et scolaire peut se retrouver entre les classes d’un même établissement, par le biais de classes « homogènes » en collège ou par le jeu des séries en lycée. [...]

[...] Sept préconisations de Xavier Nau pour plus d’égalité scolaire

1- Priorité au premier degré : essayer de dépasser les difficultés avant même qu’elles s’enkystent et deviennent quasi-impossibles à traiter.

2- Favoriser une pédagogie coopérative qui reconnaisse toutes les aptitudes et respecte les temps d’acquisition de chacun ; rompre avec un modèle qui régulièrement note et trie ceux qui sont au dessus de la moyenne et ceux qui sont au dessous, en général les mêmes.

3- L’hétérogénéité des classes : elle est un gage de réussite, en tout cas de meilleurs résultats non seulement pour les plus faibles, mais aussi pour tous. Sans parler au-delà de la formation strictement scolaire, à la formation humaine au sens large.
Toute la question de l’éducation civique et morale tient dans cet aspect : si les élèves ne découvrent pas entre eux les différences, il ne sert à rien à l’adulte de leur apprendre « intellectuellement » que les différences existent et sont respectables… C’est quand ils les vivent entre eux, sensiblement, émotionnellement, que les adultes peuvent leur fournir les outils intellectuels et rationnels leur permettant de les comprendre, de les évaluer, et de s’accepter dans leurs différences tout en découvrant l’aspiration à des valeurs communes.

4- La formation, initiale et tout autant continue, des personnels. Si l’initiale est en train de se remettre en place, difficilement, reste la formation continue très déshéritée voire en grand péril. Il est évident que le métier d’enseignant doit changer, cela doit se faire avec les enseignants et non contre eux si l’on veut que ça réussisse.

5- Les dotations, qui doivent être fonction de la population scolarisée et favoriser la mixité sociale et scolaire.

6- L’articulation de la politique scolaire locale et des Projets Éducatifs De Territoires (PEDT), car l’enfant ou le jeune est un tout qui ne quitte pas un habit pour un revêtir un autre quand il change de lieu. La question des rythmes qui ne peut se limiter à celui de la journée ou de la semaine, est à envisager dans ce cadre.

7- L’intégration du privé sous contrat dans cet effort de mixité et d’articulation avec le territoire : c’est indispensable, tant il est vrai qu’en bien des endroits, il joue de « soupape » pour favoriser l’homogénéité des publics, que ce soit d’ailleurs des publics en difficulté que des publics favorisés (plus souvent il est vrai).

Extrait de cafepedagogique.net du 18.03.15 : Xavier Nau : Lutter contre les inégalités à l’école

 

Voir aussi sur le site de l’OZP
Le CESE relève 5 points positifs dans le projet de loi d’orientation mais trouve celui-ci "un peu pauvre" sur la mixité scolaire et sociale

Salon de l’éducation 2011. Débats de l’OZP : « Quelle action pour l’Ecole dans les territoires défavorisés ? » (compte rendu de table ronde)

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