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Salon de l’éducation 2011. Débats de l’OZP : « Quelle action pour l’Ecole dans les territoires défavorisés ? » (compte rendu de table ronde)

7 décembre 2011

Salon de l’éducation 24 novembre 2011. Débats OZP.

Table ronde : « Quelle action pour l’Ecole dans les territoires défavorisés ? »

Cette table ronde de l’après-midi réunissait (de gauche à droite sur la photo)

. Françoise Lorcerie, directrice de recherches au CNRS, IREMAM
. Xavier Nau, membre du Conseil économique, social et environnemental (Section de l’éducation, de la culture et de la communication, groupe de la CFDT),
. Marc Douaire, président de l’OZP,
. Claude Dilain, maire socialiste de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) de 1995 à septembre 2011, date de son élection au Sénat, président de l’association « Villes et banlieues de France »,
Didier Bargas, IGAENR (animateur de la table ronde).

 

XAVIER NAU présente les grandes lignes du récent projet d’avis du CESE (Conseil économique, social et environnemental ) sur « Les inégalités à l’école » dont il a été le rapporteur et souligne qu’il a été adopté à la quasi-unanimité (un groupe s’est abstenu).

Le CESE est parti de plusieurs constats et d’abord du taux important d’échec scolaire en France.
Il existe des inégalités territoriales mais qui dissimulent souvent des inégalités sociales.
L’école non seulement ne réduit pas ces inégalités mais elle les augmente. Le système scolaire « patine » depuis une quinzaine d’années.
Plus les milieux scolaires sont homogènes, plus les résultats scolaires sont déficients.
Il faut regarder la plus-value apportée par un établissement par rapport à sa composition sociale et non pas ses résultats bruts. La diversité et l’hétérogénéité des publics scolaires profitent à tous les enfants, quelque soit leur milieu.
L’école n’a pas les moyens de fonctionner correctement au moment justement où les phénomènes de ségrégation scolaire se renforcent.

Sur l’éducation prioritaire, Xavier Nau dégage les trois conceptions qui se sont succédé en matière de pilotage du dispositif : L’époque Savary a privilégié une approche très territorialisée. Puis une conception plus scolaro-centrée à prévalu, avec moins de partenariat et l’idée que l’école doit être son propre recours. Enfin, on assiste depuis quelques années à l’émergence du concept d’excellence, une nouvelle forme, en quelque sorte, de la devise « il faut sauver le soldat Rayan » consistant à privilégier l’élite « méritante » issue des quartiers au détriment du plus grand nombre.

Par ailleurs, l’éducation prioritaire a connu au cours de son histoire une extension numérique qui la fait couvrir environ 20% de la population scolaire, sans pour autant que les moyens soient à la hauteur de cette situation. Mieux, si on regarde la dotation en euros des établissements, on constate que ceux en éducation prioritaire sont plutôt moins bien dotés que ceux situés en centre ville. Il y a bien dans les ZEP des primes pour les enseignants mais peu de choses (à part une légère diminution d’effectifs) pour améliorer le fonctionnement du dispositif.

Xavier Nau

Xavier Nau résume les préconisations de l’avis du CESE :
« Mettre le paquet » sur le primaire
Restaurer la formation des enseignants
Développer le concept et la pratique du socle commun
Adopter une nouvelle gouvernance
Revoir l’assouplissement de la carte scolaire, qui a des effets négatifs sur la mixité sociale
Aménager la dotation des établissements en fonction des caractéristiques sociales de leur population.
Reterritorialiser l’éducation prioritaire. Marie-Noëlle Lienemann a présenté un jour après le nôtre un rapport du CESE sur « le renouvellement urbain » (action de l’ANRU) dans lequel elle avançe que la réussite de celui-ci était très dépendante d’un profond changement de l’école.
Stabiliser les équipes pédagogiques
Rendre attractif le métier d’enseignant dans les quartiers autrement que par des primes. Limiter la proportion d’enseignants débutants dans les ZEP en prévoyant des dérogations individuelles au mouvement.
Développer un effort particulier pour diminuer le nombre de sorties précoces du système éducatif.

 

CLAUDE DILAIN souligne d’abord que « lorsqu’on est maire, on débouche toujours sur l’éducation ». La situation actuelle est la résultante de trois responsabilités : le logement, l’école et les parents.
Contrairement à ce que disait Marie-Noëlle Lienemann, je suis persuadé que, tant qu’il y aura des territoires ghettos, on ne pourra pas améliorer sensiblement la situation en matière d’éducation car il y a un terrible engrenage entre les problèmes de l’école et celui du logement. Quand un collège va mal, cela a inévitablement des répercussions sur le logement, particulièrement à Clichy où il existe un grand nombre de copropriétés privées délabrées, qui sont évitées par les classes moyennes. Et comme la socialisation à l’école se fait par les pairs, cela est un cercle vicieux.
L’essentiel est une réelle volonté politique d’enrayer les ghettos et « j’emploie délibérément ce mot ».

Claude Dilain

Mais je dirai que l’école a aussi ses responsabilités : une façon pour moi de réconcilier les points de vue de Xavier Nau et de Marie-Noëlle Lienemann. Le livre de Gilles Kepel, « Les banlieues de la République », le montre bien. Et ce qu’y disent les jeunes de Clichy et de Montfermeil sur notre police est « bisounours » par rapport à ce qu’ils disent sur le système éducatif, et en particulier sur les conseillers d’orientation. Des jeunes m’avaient dit la même chose auparavant. Au demeurant, nous n’avons que très peu d’enseignants qualifiés, seulement des jeunes qui ont le même âge moyen que les policiers.

La troisième responsabilité est celle qui provient de la difficulté de communication entre l’école et les parents. A Clichy, je ne vais plus aux réunions de parents d’élèves tant j’y ressens un malaise. Et c’est encore plus accentué chez les parents qui étaient déjà eux-mêmes en situation d’échec scolaire. Une partie des parents non seulement nous reproche de ne pas nous opposer au déterminisme social mais nous accuse d’en être complices. Idem pour le problème du voile et de la cantine (voir le livre de Kepel) : « L’école nous est hostile », pensent certaines personnes.

Que faire pour casser les ghettos ? Il faut revoir tout sans tabou mais pas seulement en termes de moyens, aussi en termes d’efficacité. Certains taux d’échec sont inacceptables.
Il faut revoir l’idée de collège unique et surtout intervenir très tôt. Je suis pédiatre et connais bien les idées de Françoise Dolto. Le Sénat, auquel j’appartiens depuis peu, a voulu voter (sans succès, pour des raisons juridiques et budgétaires) une loi rendant obligatoire la maternelle à 3 ans.
Au total, je ne vois pas véritablement de volonté politique pour casser les ghettos dans les quartiers ni à l’école.

Un court débat s’instaure sur la mise en cause des conseillers d’orientation dans l’ouvrage de Gilles Kepel. S’est-il trompé d’adversaire en les attaquant, ou bien n’a-t-il fait que rapporter le discours tenu par les jeunes de Clichy ?

FRANCOISE LORCERIE souhaite parler de la place de l’école dans les territoires mais aussi de la place des territoires dans l’école.
Elle s’appuie sur une étude menée dans une académie. L’envie et l’énergie de développer une zone scolaire, et par-delà le territoire lui-même, par exemple en améliorant la formation professionnel et le bac pro, peut relever d’une forme de patriotisme local, avec lequel se conjugue un grand respect de l’école.
Appelons cela des faits de régulation, un terme tiré du vocabulaire de l’économie. (Sur cette question, se reporter à l’exposé de Françoise Lorcerie le 01.12.11 au congrès de l’Andev)
Entre 1981 (création des ZEP par Alain Savary) et maintenant, il s’est passé beaucoup de choses : la massification du second degré par la suppression des paliers d’orientation en 5ème et en 3eme a été déterminante. Les enseignants sont obligés de ne pas faire redoubler, d’où le discours fréquent sur le thème ; « Ces élèves-là n’ont pas leur place ici ».
Cette massification provoque des fuites et évitements scolaires par ce jeu de régulation négative. Quel pourrait être le moteur positif d’une véritable mixité ? L’autonomie des établissements ? Le socle commun, qui a l’avantage d’amener à penser en termes de résultats ?
Le rapport récent du CESE (Conseil économique, social et environnemental) recommande de refonder l’éducation prioritaire sur sa vocation territoriale, mais sur quoi se base-t-on pour affirmer qu’il faut relier la ville et l’école ?

Françoise Lorcerie

On a des exemples qui montrent l’importance du projet pédagogique, mais cela suppose une mobilisation de l’administration à plusieurs niveaux, pour assurer une bonne gestion des ressources humaines, mettre en place des pilotes et un leadership pédagogique.
Les travaux de l’OFSTED en Grande-Bretagne (Voir l’exposé de Françoise Lorcerie lors de la journée OZP de mai 2011) ont mis en valeur l’importance de la notion « d’ethos professionnel » en ce domaine, mais cela suppose des valeurs assumées par l’équipe pédagogique et une mémoire de celle-ci. Or, en France, on ignore ce qu’est vraiment l’audit et l’accompagnement, même si le rapport Fitoussi-Maurice (IAURIF) a évoqué la notion de connexion sociale par échanges entres les différents acteurs, école, transports, etc.
N’oublions pas les parents, avec lesquels il est essentiel de développer une relation de confiance et de proximité.

MARC DOUAIRE fait remarquer que le dépôt de bilan des ZEP annoncé par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne de 2007 est démenti par de nombreux rapports officiels récents, par exemple celui de l’ONZUS.

Marc Douaire

On peut présenter en 10 points les enjeux de l’éducation prioritaire ciblés par l’OZP
1 – Nécessité d’une volonté politique de transformation de l’école
2 – Nécessité d’une continuité de l’action publique
3 – Nécessité d’un véritable partenariat pour une action territoriale redonnant la parole à tous. Rappelons d’ailleurs que la réforme des ZEP de de Robien est née des émeutes de banlieues de 2005.
4. La carte actuelle des ZEP n’a plus de sens et ne permet pas de faire porter l’effort là où c’est vraiment nécessaire. L’extension inconsidérée de la carte en 1998 a, illustré l’idée selon laquelle la scolarisation des publics populaires ne relève pas des missions ordinaires de l’école. Il en reste aussi l’héritage mittérandien de l’école rurale.
5 – Nécessité d’articuler les moyens et le projet pédagogique, sous peine de devoir faire face à des revendications de la part de nombreux établissements.
6 - Il faut centrer les moyens et l’effort public sur le premier degré et la maternelle (la tranche d’âge 3-8 ans), sinon l’écart se creuse au colège. Cette question est à négocier avec les collectivités locales.
7 – Le pilotage. L’OZP souhaite le profilage de certains postes en ZEP ; principaux, professeurs référents, coordonnateur, mais s’oppose à une généralisation, qui serait d’ailleurs impraticable (voir les difficultés actuelles de recrutement en Eclair). .
8 – La carte scolaire. Nécessité d’une régulation forte de l’Etat, avec éventuellement une offre complémentaire d’éducation au niveau du bassin.
9 – Nécessité d’une ambition pédagogique forte et soutenue : projet interdegrés, pilotage, accompagnement, etc.
10 – Il faut revoir la question du métier des enseignants, en prenant en compte le temps de concertation, l’articulation entre primaire et collège, entre collège et lycée. Cela demande du temps et de la formation. Le volontariat ne suffit pas. Il faut institutionnaliser la fonction d’animation et d’éducation au-delà de la stricte mission d’enseignement. .

 

DEBAT

Le représentant d’un organisme consultatif en Martinique souligne l’importance du fait culturel en ZEP et prend l’exemple des humanités créoles. Il faut contextualiser l’environnement, développer une socialisation au niveau relationnel de tous les acteurs. L’école s’est éloignée de sa mission en accordant trop d’importance au management.

Xavier Nau : Nos enquêtes sur les enseignants ont montré un profond désir de faire réussir les élèves, mais aussi une grande solitude. Le métier est souvent vécu comme un gâchis, la crise de confiance est profonde.
Le navire doit être piloté ; les enseignants le demandent. Parlons d’autonomie des équipes plutôt que de liberté pédagogique. Ils se plaignent des réformes inachevées, de ce continuel « stop and go ! » On ne devrait faire une réforme que progressivement et dans un endroit.

Un chargé de mission du secrétariat général de la politique de la Ville, ex-délégué du préfet à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil  : En politique de la Ville, la carte des ZUS est la plus ancienne. Ensuite on a créé les CUCS en superposant diverses priorités. Pour Eclair, l’éducation nationale nous a contactés mais la carte de ce nouveau dispositif ne coïncide pas avec celle des CUCS.
La Cour des comptes a dénoncé le manque de cohérence entre des dispositifs comme l’accompagnement éducatif, la réussite éducative et les contrats locaux. La dernière circulaire de Fadela Amara avait pourtant donné trois orientations prioritaires pour les PRE ; parentalité, santé et décrochage scolaire.

Claude Dilain : je préférerais que les ZUS et ZEP ne délimitent pas des zones mais des établissements. En tant que maire, je ne connais comme territoires que la commune et le département. Il faut territorialiser la politique éducative mais au niveau d’une dimension citoyenne. La solution, c’est le contrat unique conclu non pas avec le chef de la zone mais avec le maire ou l’intercommunal.
Au niveau national, il faut une vraie politique contractuelle ; signée par le Premier ministre, qui engage et soit respectée.

Marc Douaire : Un pilotage national, accompagné d’une autonomie, est nécessaire. La table ronde de ce matin l’a confirmé : actuellement, on assiste à un effacement de la politique nationale, laquelle se résume à la communication.
Le terme de zone est peut-être discutable mais nous voulons une approche territoriale ; l’approche par établissement nous paraît trop limitative. Il faut distinguer le niveau du repérage et le niveau de la décision. Certains maires sont tentés de répartir les crédits nationaux par quartier sur l’ensemble de la commune.

Didier Bargas ((IGAENR) : Nous avons évoqué les conditions nécessaires, le partenariat… mais on n’a pas assez mis en avant des solutions concrètes, des exemples de ce qui marche déjà.
L’amélioration des résultats scolaires est une affaire qui concerne majoritairement l’Education nationale. Le cœur du problème n’est pas le partenariat mais la prise de conscience par les enseignants de la difficulté pédagogique.

Jean-Claude Emin : Quelles sont les conditions politiques nécessaires pour mettre en oeuvre cette volonté et cette prise de conscience, pour à la fois réparer et transformer ? C’est le rôle du politique de définir les conditions de transformation et les terrains sur lesquels on va expérimenter.

Claude Dilain : Les maires sont satisfaits du fonctionnement des équipes de réussite éducative mais cela implique peu l’EN.

 

CONCLUSION

Marc Douaire remercie vivement la Ligue de l’enseignement d’avoir permis la mise en place par l’OZP de cette journée de débats et laisse le soin de conclure à sa représentante, Marie-Chantal Genemaux, chargée de mission au secteur Education-Jeunesse de cet organisme.

Marie-Chantal Genemaux précise d’abord qu’elle a enseigné pendant dix ans en éducation prioritaire avant de devenir chef d’établissement, toujours en ZEP.

La priorité dans les ZEP, c’est le pilotage éducatif des établissements. L’investissement est tel qu’on se demande quels sont les leviers nécessaires pour rendre ce dispositif plus efficace.
Pour ma part, je pense que l’un des leviers essentiels est l’action des chefs d’établissement. Mais il faut d’abord faire évoluer les mentalités des personnels d’encadrement.

Ce qui est formidable, c’est de sortir de la ZEP, je l’ai fait dans mon collège et les élèves étaient très heureux...

Il s’agit d’établir une véritable hétérogénéité sociale. La pédagogie c’est ce qui permet la différenciation.
Il faut dire non au fatalisme social, repenser une vraie "primairisation" et de sortir du cloisonnement disciplinaire, ce qui ne va pas de soi dans le secondaire.

Enfin, elle présente rapidement quatre propositions et thématiques de la Ligue

  • l’école commune de la diversité obligatoire ;
  • la maison des savoirs et des territoires ;
  • l’éducation partagée ;
  • le développement des PEL.

Compte rendu rédigé par Jean-Paul Tauvel

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