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Observatoire des zones prioritaires
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n° 8 - juin 1998
Compte rendu de la réunion publique du 24 juin 1998
(*) Le titre originel du compte rendu était « L’année scolaire 97-98 a-t-elle été l’année des ZEP ? »
L’année scolaire 97-98 a été marquée par une énergique relance des ZEP : le ministère de l’Éducation nationale a en effet sollicité les principaux acteurs pour faire un état des lieux et réfléchir à ce qui pouvait être fait pour améliorer le dispositif.
Que s’est-il passé réellement sur le terrain, dans les classes, les écoles et les établissements ? Cette réunion publique a été l’occasion de tracer un bilan de l’initiative ministérielle et de la façon dont ont été franchies les principales étapes - rapport Moisan-Simon, circulaire d’octobre, état des lieux, forums académiques, assises nationales - et d’envisager ce que pourraient être les priorités de la rentrée.
I - Les étapes de la relance
a - Le ressenti sur le terrain
Trois coordonnateurs de ZEP (José Vermauwt à Goussainville, Isabelle Gay à Clamart, Claude Vollkringer à Épinay-sous-Sénart) ont témoigné des effets sur le terrain des différentes phases de la relance.
Attendu, le rapport Moisan-Simon a été très bien accueilli : sans complaisance, authentique, il offrait une entrée positive : « les déterminants de la réussite ». Les acteurs de terrain se sont sentis concernés. Pour l’une des coordonnatrices, qui s’ennuyait un peu dans son rôle, il a même constitué « une bouée », il a créé une nouvelle dynamique.
Dans la ligne du rapport Moisant-Simon, les dossiers jaunes, très riches ont été bien perçus, surtout dans le premier degré. En l’absence de temps libéré pour la concertation, des animations pédagogiques ont dû être banalisées, au profit d’une réflexion qui a abouti a des analyses fines et approfondies. Ces dossiers ont été souvent l’occasion de se réunir autour des directeurs, de mettre les choses « à plat ».
La tâche de synthèse sur le dossier bleu a pu paraître ardue, voire réductrice, étant donné l’hétérogénéité des réponses recueillies et le peu de temps imparti.
Mises en places, elles aussi, en un temps record, les rencontres inter-ZEP ont connu une participation active - le besoin de se rencontrer, de partager, de continuer dans ce sens a été exprimé. Parmi les thèmes choisis pour ces rencontres : le traitement des élèves en difficulté, la continuité éducative, le
pilotage, la démarche scientifique... Pour ces rencontres, des refus de participation argumentés ont cependant été enregistrés : les débats allaient-ils être pris en compte ? Et de quelle manière ?
Un fort sentiment de frustration et de dépossession s’est par contre fait sentir à 1’occasion du forum académique puis du colloque, auxquels les acteurs de terrain qui s’étaient impliqués ne pouvaient pas participer, faute de place. Parmi les collègues qui ont assisté aux assises, certains ont eu l’impression d’assister à des conférences pédagogiques et ont regretté le manque d’espaces de débat. D’autre part, le colloque n’aurait pas répondu de manière satisfaisante à l’ensemble des préoccupations, en particulier en ce qui concerne la politique de la Ville. Envahie de l’extérieur par la violence, la misère, l’école n’est plus apte a offrir aux enfants huit heures de sérénité par jour...(*) Le titre originel du compte rendu était « L’année scolaire 97-98 a-t-elle été l’année des ZEP ? »
À 1’enthousiasme, à l’implication et à la redynamisation a donc souvent succédé le sentiment frustrant d’être laissé pour compte, assorti d’interrogations sur la nouvelle carte des ZEP et le devenir des lycées dans le dispositif.
b - Les forums académiques
Le centre Alain Savary et le DESCO-B constituent une équipe qui a assisté aux vingt-huit forums académiques effectivement organisés sur les trente académies. Ils en ont assuré les comptes rendus pour la préparation des assises nationales.
Ces forums ont constitué l’étape intermédiaire entre les états des lieux et les assises nationales. Un schéma d’organisation a été présenté aux recteurs le 6 janvier et aux responsables académiques le 20 janvier ; il a été largement suivi.
Les points positifs qui se dégagent de l’ensemble des forums sont : l’engagement des cadres et de vingt-sept recteurs sur trente, ainsi que des IA, le rassemblement de plus de dix mille acteurs de ZEP et la qualité de la documentation diffusée à tous les participants. Presque toujours, une présentation intéressante des ZEP de l’académie a été assurée grâce à une bonne utilisation des « états des lieux ». Ces rencontres ont été l’occasion de témoignages sur des actions pédagogiques et d’échanges importants entre acteurs des différentes ZEP. Certains forums ont bénéficié de l’apport des technologies de l’information et de la communication.
Parfois des stands de présentation ont été montés : chaque ZEP dans son environnement, ou encore des librairies et le réseau CRDP de l’académie concernée. La présence, toujours tonique, de Catherine Moisan, et celle de Ségolène Royal, qui sont intervenues dans certains forums, ont été bien perçues.
Des points négatifs sont à regretter cependant, tels un temps de parole trop restreint imparti aux acteurs de terrain et une proportion trop importante de personnels de l’encadrement par rapport aux enseignants. Enfin, l’absence totale de stands sur certains forums a pu être ressentie comme un manque.
Globalement ces forums académiques semblent être une réussite, particulièrement en certaines régions où un renouveau s’est fait sentir lorsque le dispositif ZEP était assoupi. Catherine Moisan avait assuré de façon très positive le suivi de leur préparation et rencontré les uns après les autres les vingt-sept recteurs de la métropole, d’où une grande cohérence dans les déroulements. Les thèmes abordés ont été dans l’ensemble ceux de la relance et il y a eu peu de dérives.
c - Les assises nationales de Rouen
L’enthousiasme et la curiosité ont sans aucun doute animé de nombreux inscrits aux assises, point d’orgue attendu d’une année scolaire de préparation, promesse de réflexions de haut niveau, de rencontres avec de nombreux acteurs ZEP, de découvertes multiples. Coresponsable d’un centre de ressources, Marguerite Marie Gauthier nous communique son ressenti de participante.
Etonnement et satisfaction devant la maîtrise de l’organisation (deux mille participants) et l’impression que Catherine Moisan était à la fois l’esprit et la « maîtresse de maison » de ces assises.
Dès le 4 juin au matin, la parole des chercheurs a alterné avec celle des politiques. À la tribune comme au cours des tables rondes (seize au total), une cohérence pouvait être ressentie dans les réflexions et actions proposés par les institutionnels, chercheurs et enseignants. Il a beaucoup été question des apprentissages, de l’activité intellectuelle des élèves, du quotidien dans la classe et de la reconnaissance du métier d’enseignant.
Malheureusement... trop peu d’enseignants étaient invités.
Il est certain qu’il y a eu mobilisation de tous les organisateurs pour harmoniser, mettre en valeur, exposer. On a beaucoup montré et démontré, avec parfois la même démarche sur les stands d’exposition. Entre autres, le centre Alain Savary (INRP) présentait son tout nouveau site Internet et sur le site du CNDP venait d’être implantée la base VEI (anciennement « Migrants »).
Le stand de l’OZP a connu beaucoup d’animation, en particulier au moment du débat sur le coordonnateur ZEP le 4 juin au soir. Les participants avaient aussi le choix entre soixante-treize contributions académiques - vidéo, communication, démonstration - sur les thèmes-clés les plus divers : un grand nombre d’actions sans aucun doute réussies que les acteurs de ZEP ont été heureux de pouvoir - enfin - mettre en valeur et communiquer.
Regret bien sûr de disposer de trop peu de temps pour prendre connaissance de tout ce qui était proposé, surtout lorsqu’on souhaite aussi rester ouvert à la rencontre et à la discussion.
L’après-midi du 5 juin a été introduit par une brillante et émouvante intervention d’Anne-Marie Chartier énonçant les questions essentielles soulevées au cours des assises et demandant « des choix politiques qui n’entretiennent aucune illusion et qui donnent des forces ». A suivi la synthèse en dix points de Ségolène Royal (qui avait visité toutes les tables rondes), annonçant « des mesures qui répondent aux attentes », ainsi qu’un document d’orientation sur la politique des ZEP.
Le malaise a été quasi unanime cependant lorsque nous nous sommes vus contraints d’assister à une auto-confession d’élèves ; comprenaient-ils seulement la terminologie qu’on leur imposait ? Et puis dehors il y avait la manif « aux urgences, quelles réponses ? », tandis que Lionel Jospin, dans le discours de clôture de ces assises, annonçait « l’Ecole n’est pas un coût, mais un investissement qui doit être maîtrisé ; pour les ZEP seront faits des choix forts et simples ».
Parmi les propositions du Premier ministre pour atteindre la priorité annoncée, c’est à dire que les académies les plus en difficulté rattrapent leur retard :
. une révision de la carte des ZEP d’ici 1999 ;
. une logique de réseaux d’éducation prioritaire ;
. une augmentation du contingent des indemnités ZEP ;
. un pilotage au niveau national ;
. un pilotage académique pour animer, gérer, évaluer le dispositif ;
. un encadrement disponible et compétent.
Un questionnement à l’issue de ces assises : qu’est-ce qui sera investi, et comment cela sera-t-il maîtrisé ? Comment les dispositifs existants seront-ils dynamisés ? Quelle sera la teneur du document d’orientation pour les ZEP promis par le ministère ? Les ressources existeront-elles qui permettraient, comme le disait Bernard Charlot, d’identifier, d’analyser et de résoudre les difficultés rencontrées par les élèves ? On a beaucoup parlé de formation, de soutien, de réseaux, de contrat de réussite, avec cependant un préalable essentiel : le pilotage efficace - enfin ! -, le « construire ensemble » dans la cohérence...
II - Pour la rentrée, quelles priorités ?
Avec cette année de relance, un grand espoir est né. Il serait dramatique que l’effet unique soit la modification de la carte des ZEP. L’incertitude de certaines ZEP sur leur devenir est mal ressentie. Dans les zones rurales, des manifestations de parents ont exprimé l’inquiétude de ceux-ci quant à l’avenir de leurs ZEP.
Dans les Bouches du Rhône, un traumatisme - suivi d’une réflexion - est né de l’évaluation faite par le rapport Moisan-Simon, qui « mettait à terre » les ZEP de ce département.
Quelques propositions des participants :
. Les forums ont favorisé, notamment en région, des contacts et échanges entre collègues qui n’existaient pas autrement. D’autre occasions pourraient-elles leur être données de se rencontrer, autour de chercheurs, pour se confronter à d’autres idées et avancer ?
. Une exploitation des données des livrets jaunes permet à une coordonnatrice de mettre au point une grille de travail, pour elle-même d’abord : sur les questions pédagogiques, sur le pilotage, sur le rôle du coordonnateur. École par école, les thèmes essentiels sont reconsidérés et le livret jaune est un outil essentiel de préparation à la réécriture du projet d’école.
. Reprendre les « états des lieux » ne serait-il pas un moyen de relancer un travail dynamique dans chacune des ZEP ?
. Le livret bleu servira de base de réflexion pour le prochain projet de ZEP, l’élaboration du futur contrat de réussite en sera nourrie.
Dans certaines écoles cependant, l’idée de relance n’a pas fait son chemin et l’atmosphère est plus à l’inquiétude qu’à l’enthousiasme. Un coordonnateur souligne que, sur le terrain, le quotidien est lourd à porter et que des signes de l’institution sont indispensables. « Des choix politiques qui n’entretiennent aucune illusion et qui donnent des forces » permettraient au terrain de bouger, d’innover. On touche là à la nature même des ZEP !
De cette réunion, il ressort que la relance a été menée avec beaucoup d’énergie, suivie avec cohérence, presque toujours, au niveau de la ministre, des services centraux, des rectorats et des inspections académiques. Les niveaux ZEP et écoles ou établissements ont en majorité bougé un peu. On peut donc dire qu’il y a eu un mouvement de relance à partir, politiquement, de la déclaration de politique générale du Premier ministre lors de son investiture en juin 1997 et, conceptuellement, à partir du rapport Moisan-Simon en septembre 1997.
Mais une fois les états des lieux rédigés, les forums et les assises nationales tenues, que va-t-il se passer ? Tout peut retomber s’il n’y a pas un suivi à la fois politique (la ministre), administratif (la rue de Grenelle, les rectorats et les IA), conceptuel (une continuation des travaux du comité de pilotage de la relance) et, surtout, un suivi des innovations pédagogiques locales quotidiennes (le travail des ZEP).
Pour qu’il ne manque aucun de ces éléments, tous nécessaires, à cet ensemble, la constitution des groupes de pilotage national, académiques et départementaux annoncés par Lionel Jospin à Rouen sera sans doute le garant du suivi.
Sans ces groupes de pilotage, il est à craindre que la lourdeur de la machine Education nationale, ses limites financières et le fatalisme ambiant, si sécurisant pour les acteurs de ZEP, ne fassent de cette relance qu’une embellie pour 1997-98 et un plat amer pour les années suivantes.
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