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Le quotidien d’une professeure des écoles dans un quartier populaire à Tours (France TV Info, sur Lci les 1er et 5 avril 2024)

26 mars

PORTRAIT. Aurélie Ardouin, professeure des écoles dans un quartier populaire de Tours, raconte son quotidien

Que ce soit auprès de ses élèves ou de leurs parents en difficultés, Aurélie Ardouin est une enseignante très engagée. Un des piliers du collectif tourangeau "Pas d’enfants à la rue" créé en janvier 2023, la professeure des écoles a choisi ce métier pour la transmission globale des savoirs et les échanges précieux avec ses élèves.

8h15...le portail de l’école s’ouvre. Les élèves arrivent dans la cour de l’école Michelet à la jonction entre le centre-ville de Tours et le quartier populaire du Sanitas. Aurélie Ardouin va à la rencontre de chaque enfant. "Comment vas-tu ?" "As-tu tes affaires de piscine ?" "Qu’est-ce que tu grandis toi... "

Pour la professeure des écoles chargée d’enseigner aux CM1- CM2, ce moment avant la classe est essentiel. " C’est important de voir dans quel état émotionnel ils arrivent, dans quelles dispositions, ce qu’ils ont vécu la veille ou le matin... et de pouvoir faire un lien entre leur vie à la maison et l’école qui n’est pas un lieu complètement hors vie. "

Des journées non-stop
La journée d’Aurélie Ardouin a commencé bien avant ce moment. Elle a préparé ses cours du jour, le matériel, la sortie à la piscine et au spectacle l’après-midi.

Ensuite, c’est parti pour une journée non-stop avec très peu de pauses. "En classe, on est tout le temps à cheval entre le moment présent et le fait d’anticiper ce qui va se passer juste après pour rester un peu maître du temps dans le fait de pouvoir rebondir aux interrogations des élèves sans pour autant s’éparpiller. Ce qui demande une grande concentration", confie-t-elle. Le midi, l’enseignante le consacre aux corrections des copies. "J’essaie de corriger assez rapidement. Mon but dans l’apprentissage est qu’ils puissent reprendre eux-mêmes leurs erreurs. Pour ça, il faut avoir un retour très rapide pour qu’ils puissent avancer."

Le soir, c’est encore le temps des corrections et des rencontres avec les parents. "On accompagne aussi parfois des parents dans leurs démarches administratives. Ça devient un métier qui dépasse le métier d’’enseignant".

Être à égalité de regard
Dans la classe, une fois la consigne donnée, les élèves se mettent au travail. Pendant ce temps-là, l’enseignante chuchote et passe d’élève en élève. Sa méthode : s’asseoir à côté d’eux sur une chaise ou accroupie.

"On est de personne à personne. On n’est pas au même moment de nos vies. On n’a pas les mêmes connaissances. Mais quand j’ai un élève en face des yeux ce n’est pas juste un élève. C’est d’abord quelqu’un."

Elle poursuit : "J’aime bien me mettre à leur niveau, à leur taille pour être à égalité de regard quand on échange et quand j’essaie de transmettre un savoir ou de répondre à leurs interrogations ou d’en susciter une."

J’estime qu’ils peuvent aussi m’ouvrir au monde à partir de qui ils sont.

Aurélie Ardouin enseigne depuis 10 ans dont cinq à l’école Michelet [hors EP]. Une école au pied des tours du quartier du Sanitas, riche d’une grande mixité sociale. Une richesse fondamentale pour l’enseignante. "J’aimerais qu’il n’y ait pas autant d’écart entre les élèves. Néanmoins comme dans la société il y en a, je trouve ça intéressant. C’est un des rares endroits où on fait société tous ensemble. C’est un lieu à préserver. Ça permet d’ouvrir tous les esprits".

Elle explique en quoi cette mixité la nourrit. "En face de moi il y a aussi des élèves qui ont tout un savoir que moi je n’ai pas. J’ai plein d’élèves bilingues qui parlent plusieurs langues. Ce n’est pas un savoir que j’ai. Même si mon rôle à moi c’est de leur apporter quelque chose et de les ouvrir au monde, j’estime qu’ils peuvent aussi m’ouvrir au monde à partir de qui ils sont. "

Aurélie Ardouin, enseignante à l’école Michelet à Tours profite de chaque minute de disponible pour corriger les copies.

Ce qui l’intéresse dans ce métier, c’est l’échange. "J’apprends en même temps qu’eux. Ça me permet de m’interroger. Par exemple, en maths, quand ils ont une question ou une incompréhension, parfois ça me permet de voir le problème qu’on est en train de résoudre tel que je ne l’avais pas envisagé. On a un déplacement d’angle. C’est ce qui m’intéresse aussi dans la relation humaine".

Un métier de plus en plus chronophage
Aurélie Ardouin a choisi ce métier pour la transmission globale des savoirs. " Ça me permettre de transmettre un savoir et de reprendre aux bases en faisant le lien entre toutes les disciplines", explique-t-elle. "Je souhaitais avoir accès à toutes les disciplines et ne pas cloisonner le savoir. "

Si elle adore son métier, son évolution l’effraie un peu. "Si on veut être impliqué, c’est un métier de plus en plus chronophage", constate-t-elle. " Il envahit de plus en plus le temps privé."

Concernant l’inclusion de tous les élèves, elle est évidemment d’accord avec l’idée mais elle déplore des situations où l’élève est mis en souffrance. "Quand il a des besoins très particuliers et qu’on n’a pas les moyens d’y répondre et de bien s’en occuper. Donc l’inclusion oui, mais inclure sans moyens dans n’importe quel effectif, je pense c’est compliqué. "Il faudrait selon elle des classes à 12 élèves pour inclure réellement tout type d’élèves.20 élèves maximum " Et on en est loin..."

Pour que ça s’améliore, l’enseignante souhaiterait que les effectifs des classes baissent mais aussi qu’il y ait plus de temps de concertation avec les collègues de travail en équipe hors élève. "C’est un métier où on a peu le temps de prendre du recul sur ce qu’on est en train de faire. Et c’est quelque chose qui manque pour continuer à se former et à interroger nos pratiques."

Enseigner jusqu’à 64 ans ?
Quand on aborde avec Aurélie Ardouin la longévité dans ce métier, elle sourit et assume. "Je ne me projette pas forcément jusqu’à la fin de ma vie en tant qu’enseignante. En termes d’énergie, je ne suis pas sûre de pouvoir aller au bout des 60 ans et plus demandées... J’espère que j’aurai la lucidité et la possibilité de m’arrêter le jour où je n’éprouverais plus de plaisir du tout en venant le matin. De manière à ne pas mettre les élèves en difficulté et en souffrance."

Le reportage "Mon quotidien d’enseignante" sera diffusé le lundi 1er avril dans ICI 12/13 et le vendredi 5 avril dans ICI 19/20.

Extrait de france3-regions du

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