Carte scolaire : l’exemple du Val-de-Marne

26 septembre 2006

Extrait de « L’Humanité » du 24.09.06 : Val-de-Marne : mixité, proximité... complexité

Depuis un an, le département est chargé de dessiner la carte scolaire et d’affronter les contradictions inhérentes : les ambitions républicaines d’une part, la réalité du tissu urbain de l’autre. Défi : remettre les choses à plat.

Le 13 août 2004, les départements écopaient d’une nouvelle tâche : la carte scolaire. Outre la gestion des personnels techniques des établissements, la loi de décentralisation leur déléguait la sectorisation des collèges, à charge pour eux de veiller à la mixité sociale.

Le Val-de-Marne s’y attelle depuis un an. Première contrainte : les paradoxes. « La carte scolaire est un outil fondamental, explique Alain Desmaret, premier vice-président du conseil général. Mais nous sommes face à des contradictions terribles. » Les ambitions républicaines d’une part, le tissu urbain de l’autre. « Saint-Mandé compte moins de 6 % de logements sociaux. Ailleurs, ce taux frise les 90 %. » À l’échelon communal, la difficulté devient un casse-tête, quand il s’agit de croiser les critères de proximité et ceux de mixité. Avec, en sus, celui du nombre d’élèves par établissement.

Le département s’est fixé l’objectif de faire éclater les problèmes les plus massifs. Il vient de livrer deux collèges neufs à Vincennes, en bordure de Paris, et à Mandres-les-Roses, plus au sud. Deux villes plutôt bien loties, mais dont les bahuts de 900 élèves étaient sur le point de craquer. « Cela dit, on ne peut pas envoyer les mômes des cités de Champigny à Mandres-les-Roses ! » Cinquante minutes, en train et RER.

La question de l’espace disponible n’est pas non plus banale, quand il ne permet pas forcément de reconstruire, dans une même zone, les établissements trop vétustes pour être rénovés. C’est le cas du vieux Lakanal, à Vitry. « Il sera rebâti à l’autre bout de la ville. C’est toute la carte qui est à redessiner », raconte Alain Desmaret. Ce qui peut être l’occasion de mettre les choses à plat.

À Ivry, la révision des secteurs a donné lieu à une concertation entre élus, parents et inspection académique. « La ville compte quatre collèges, explique Alain Buch, président de la FCPE départementale. Pour l’un d’eux, les mômes devaient prendre le bus. » Une malfaçon historique de la carte, qu’il fallait donc redessiner. Parmi les critères imposés, la mixité, bien sûr, mais aussi la continuité pédagogique. « Nous tenions à ce que tous les gamins d’une école aillent dans le même collège. » Une dizaine de réunions ont permis d’aboutir à un redécoupage cohérent. À cette fin, une classe devait être fermée dans un collège, deux ouvertes dans un autre.

Las, « l’inspection académique n’a pas tenu sa promesse : elle n’a ouvert qu’une seule nouvelle classe, déplore Alain Buch. Résultat : des gamins ont dû être accueillis hors secteur ». Paradoxe, donc. Pour Alain Desmaret aussi « l’État s’est dégagé de ses responsabilités ».

Dans 67 % des établissements, les normes de personnels ne sont pas respectées. Et sur les 25 établissements ZEP que compte le département, deux, seulement ont été classés ambition réussite. « Vous allez voir que ça va jouer : à la longue, nos collèges vont être mis en concurrence. »

M.-N. B.

------------

Ségrégation urbaine, carte scolaire, mais aussi pédagogie

Extrait de « L’Expresso » du 26.09.06 : Carte scolaire : contre la ségrégation, une autre école

Certains considèrent qu’il faudrait casser la carte scolaire. À mon sens, ce serait une erreur fondamentale, et un aveu d’échec de la société française dans son ensemble. Tout d’abord, avec ou sans carte scolaire, les stratégies d’évitement demeurent. En outre, cela ne favoriserait pas pour autant le renouvellement. Enfin, il s’agirait d’une mesure alibi, qui formaliserait les clivages sociaux dans notre société. Le fond du problème est ailleurs : il ne s’agit pas tant de casser la carte scolaire, mais de supprimer les ghettos". Jean-Christophe Lagarde,maire UDF de Drancy, partage son expérience d’élu local à l’occasion du colloque "Ségrégation urbaine, ségrégation scolaire", organisé par l’Agence nationale de rénovation urbaine en juin 2006.

Le grand intérêt de ce colloque était justement de mettre autour de la table des sociologues de l’éducation, un économiste, des élus locaux, un urbaniste, un inspecteur d’académie. Pour J.-C. Lagarde, la ségrégation n’est pas que géographique elle est aussi pédagogique. "Le débat sur la ségrégation scolaire, à mon sens, ne doit pas se résumer à un problème de moyen. La Seine Saint-Denis, en 1998, a bénéficié d’un vaste plan de rattrapage, avec la création de 3 000 postes. Les moyens mobilisés ont certes été importants, mais pour quels résultats, quelle progression scolaire ? Il y a lieu, à mon avis, de revoir l’organisation de l’école, et l’adapter aux élèves. Nous fonctionnons, force est de le constater, comme si tous les élèves constituaient un bloc homogène et avançaient au même rythme. Dès lors, ils devaient être instruits au même rythme. Or la réalité est tout autre !" Un domaine où l’élu local a peu d’influence.

Jean-Paul Fitoussi, OFCE, défend l’idée de la mobilité. "S’il existe une solution à ce problème, elle consiste, sans nul doute, à remettre en marche la mobilité multidimensionnelle : la mobilité dans l’espace, la mobilité professionnelle et la mobilité sociale (au seul sens d’une mobilité sociale ascendante)".

Les actes du colloque

------------

Lire les articles précédents sur la carte scolaire

Répondre à cet article