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L’intrusion de la violence de l’extérieur dans le collège (Journal de bord d’un Cpe en REP+)

27 mars 2023
  • Au-delà du mur
    Journal de bord d’un CPE en REP+ OURNAL DE BORD D’UN CPE EN REP +

[...] Tout comme la Garde de nuit, nous sommes l’interface entre l’intérieur du collège et l’extérieur opérant un contrôle très strict des entrées et sorties. Nous veillons à maintenir les problèmes extérieurs du collège au-delà de nos murs mais notre réalité est plutôt celle d’un vieux navire qui prend l’eau de tous les côtés, une passoire, où chaque membre de l’équipage, après avoir écopé, s’épuise à calfater, c’est-à-dire à rendre étanche ce lieu qu’on voudrait sanctuariser. Calfater pour ne pas laisser passer ces vagues de violence qui remettent en question l’ordre intérieur avec ses règles, ses codifications, ses normes. Calfater pour éviter que les logiques des quartiers se substitue aux logiques scolaires. Certains adolescents occupent les espaces du collège comme s’ils squattaient un hall d’immeuble. D’autres semblent occuper le rôle de guetteurs afin de donner l’alerte à leurs camarades. Le capital guerrier est devenu une valeur refuge car il plus facile à fructifier dans l’immédiat que les autres capitaux (culturel, social, symbolique) qui font cruellement défauts à nos élèves. Comme l’écrivait Thomas Sauvadet : « Dès que le contrôle adulte se relâche, notamment pendant la récréation, la recherche de capital guerrier s’accroît : insultes, rumeurs, vols, bousculades, créent des conflits, et parfois de bonnes bagarres. Le champ scolaire passe au second plan : entre le risque de perdre violemment la face devant leurs camarades et l’atome d’hydrogène, que croyez-vous qu’ils choisissent ? » (Sauvadet, Thomas, Le Capital guerrier, 2006, p. 215). Dans la période d’incertitude et de difficultés sociales que nous vivons, il n’est peut-être pas surprenant que le capital guerrier tend à se renforcer. Il agit sur certains jeunes comme une sorte de revanche qui leur permet de s’imposer au milieu des déshérités.

Cette violence, présente dans le collège depuis de nombreuses années, était auparavant davantage contenue. Elle s’exprimait majoritairement de l’autre côté des grilles du collège. Les bagarres, parfois violentes, étaient plus rares. Le respect de l’adulte semblait être une valeur partagée par la grande majorité des élèves. Une rupture semble s’opérer depuis la crise sanitaire. Récemment nous avons dû faire face à des intrusions de parents ou de jeunes des quartier venus marquer la présence du quartier à l’intérieur des grilles. Insulter, cracher, squatter, toiser, frapper deviennent des occupations quotidiennes de certains élèves perdus qui ne parviennent pas à donner du sens à leur parcours scolaire. Insulter comme mode de langage par manque de mots. Cracher pour exprimer un profond mépris ou une rage. Squatter pour prendre possession des espaces scolaires. Toiser pour montrer qui est le dominant et le dominé. Frapper à la moindre contrariété ou désaccord avec un autre ou pour un regard qui ne passe pas. Une défiance semble s’être opérée entre certains élèves et nous et le dialogue devient compliqué. Il y a une forme de crispation des rapports entre adultes et élèves entraînant un climat scolaire tendu. Nous avançons sur une ligne de crêtes avec le sentiment que les situations peuvent basculer à chaque instant.

Nous passons notre temps à gérer de l’imprévu dans une institution qui essaie de tout contrôler et programmer. [...]

Extrait de educateurequitable.wordpress.com du 26.03.23

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