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Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ? (The Conversation)

16 février 2023

Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?

auteur
Ariane Richard-Bossez
Maitre de conférences (MESOPOLHIS, Aix-Marseille Université, CNRS, Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)

À la rentrée 2019, l’instruction est devenue obligatoire dès 3 ans, au lieu de 6 ans. L’objectif de cette mesure était de faire de l’école maternelle un « véritable tremplin vers la réussite tout au long de la scolarité » pour « faire émerger, grâce à l’école, une société plus juste ». On peut cependant se questionner sur les effets possibles d’une telle décision puisque, bien que non obligatoire, l’école maternelle scolarise déjà depuis les années 1990 la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans. Cela n’a pas empêché que des inégalités de réussite scolaire fortement marquées socialement s’y soient développées.

Les études de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale montrent ainsi qu’à l’entrée au CP, parmi les 10 % d’élèves obtenant les moins bons scores aux évaluations, un tiers ont des parents ouvriers ou inactifs.

À lire aussi : Débat : Ce que dit la sociologie sur les origines des inégalités scolaires

La sociologue Marie Duru-Bellat a également souligné que si, à l’école maternelle, les enfants sont déjà inégaux, les écarts tendent à s’accentuer au fil de la scolarité, car « certains enfants “profitent” plus des pédagogies à l’œuvre à ce niveau d’enseignement ». Voilà qui incite à se pencher sur ce qui, au sein de la dimension pédagogique, alimente les inégalités à l’œuvre.

Apprentissages implicites
On sait tout d’abord que, en fonction des conditions matérielles dans lesquelles ils vivent et du capital culturel et scolaire de leurs parents, les enfants arrivent à l’école maternelle avec des expériences fortement diversifiées. Ces expériences les préparent inégalement aux activités scolaires.

C’est ce que montre de manière éclairante l’ouvrage Enfances de classe donnant à voir, entre autres, comment Ashan qui vit seul avec sa mère parlant peu le français dans un foyer de sans-abri, Annabelle dont les parents veillent au quotidien à son développement éducatif ou Valentine qui pratique des loisirs élitistes dans la haute bourgeoisie parisienne « vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde ». Ils n’abordent pas, en conséquence, l’école maternelle et les apprentissages qui s’y jouent avec la même aisance.
D’autres recherches, dans les années 1970, ont mis en évidence que la pédagogie qui s’est développée à l’école maternelle n’est pas neutre socialement. Le sociologue britannique Basil Bernstein a qualifié cette forme de pédagogie d’« invisible » car elle mise prioritairement sur une organisation de la classe mettant à disposition des enfants des activités ou des jeux supposés favoriser en eux-mêmes les apprentissages. L’enfant est laissé relativement autonome pour agir et jouer dans cet environnement considéré comme stimulant, mais les contenus d’apprentissage proprement dits restent de l’ordre de l’implicite.

En France, Jean-Claude Chamboredon et Jean Prévot ou Éric Plaisance ont également insisté sur la proximité de cette approche avec le mode éducatif des classes moyennes et souligné comment, pour les enfants de milieu populaires qui ne sont pas préparés à percevoir les apprentissages implicites qui leur sont proposés à l’école maternelle, cela peut conduire à l’accroissement des inégalités scolaires. [...]

Extrait de theconversation.fr du 14.02.23

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