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OZP : le nouveau Manifeste de l’éducation prioritaire, février 2022

14 février 2022

Pourquoi un troisième Manifeste de l’éducation prioritaire en 2022 ?

« Le second manifeste de l’éducation prioritaire de l’OZP, en janvier 2017, commençait ainsi : « la refondation de l’éducation prioritaire est bien engagée, mais lui donnera-t-on le temps nécessaire pour qu’enfin les enfants des territoires de relégation accèdent à la réussite scolaire et éducative ? Car il faut du temps pour :
 s’approprier le référentiel de l’éducation prioritaire,
 faire émerger des collectifs professionnels dans les réseaux,
 constituer un vivier de formateurs en éducation prioritaire,
 rassembler autour de l’école les forces des territoires de l’éducation prioritaire »

L’OZP avait alors demandé à l’ensemble des forces politiques sociales et syndicales de SANCTUARISER les ressources et les structures de l’éducation prioritaire.
Mais, une fois de plus, le pilotage national a disparu, le temps n’a pas été donné à l’éducation prioritaire refondée, les concepts ont été brouillés, et au mépris de l’engagement des acteurs de terrain, sans aucune évaluation, sans aucune concertation, plus aucune impulsion n’a été donnée et l’essentiel des ressources spécifiques des réseaux d’éducation prioritaire a été drainé au profit de la mesure phare du programme présidentiel : le dédoublement des effectifs des classes de CP et CE1.
Et pourtant, ce qui a motivé la création de l’éducation prioritaire et sa refondation demeure : Les inégalités sociales se sont accrues, l’exclusion sociale dans certains territoires ne s’est pas résorbée, la mixité sociale n’a pas progressé. Aujourd’hui, la société française est fragilisée et la vie démocratique est menacée. Une politique de démocratisation de l’école est plus que jamais nécessaire.

Rappelons d’abord : Qu’est-ce que l’éducation prioritaire ?
« L’éducation prioritaire est née en 1981 de la volonté politique de lutter résolument contre les inégalités sociales et scolaires en rupture avec les politiques éducatives précédentes. Cette politique de rupture, menée au nom d’un principe de justice sociale reposait sur des principes clairs :
Rendre possible la réussite du plus grand nombre d’élèves dans les territoires où le fonctionnement ordinaire du service public n’est pas en mesure de l’assurer. L’analyse territoriale permet d’éviter l’analyse individuelle, les sources des difficultés scolaires se situant dans la zone d’exclusion et sa concentration. Le travail à faire est donc tant dans l’école que dans la zone, l’objectif final étant la disparition ou la transformation complète de la zone simultanément à la réussite scolaire des élèves s’y trouvant.

Les réseaux d’éducation prioritaire (REP), avec des pilotes, un « conseil de réseau » et un coordonnateur, rassemblent écoles et collèges autour d’un même projet pédagogique et éducatif, en partenariat avec les acteurs du milieu environnant.

Des moyens supplémentaires facilitent la mise en œuvre du référentiel de l’éducation prioritaire : formateurs éducation prioritaire, pondération du service enseignant pour favoriser le travail en équipe et la formation, et diminution du nombre d’élèves par classe. Dans les écoles, dédoublements des classes de CP et CE1 , plus de maîtres que de classes.

L’émergence du travail collectif des enseignants permet une analyse plus approfondie des difficultés des élèves et la mise en œuvre de pratiques pouvant y remédier »

La refondation de 2014
La refondation, après une phase de large concertation, a proposé quatre grands axes de travail qui renouent avec les fondamentaux de l’éducation prioritaire et s’inspire de ses réussites :
– une carte de l’éducation prioritaire mieux ajustée aux réalités sociales des territoires ruraux comme urbains ;
– des pratiques pédagogiques adaptées aux difficultés rencontrées par les personnels des réseaux (prise en charge des écoliers dès le plus jeune âge, accompagnement et suivi renforcés pour les élèves, enseignement plus explicite…) ;
– des mesures concernant les personnels (du temps pour le travail en équipe, des enseignants spécifiquement formés, accompagnés et soutenus, des incitations fortes pour stabiliser les équipes…) ;
– une amélioration de l’animation des réseaux et du pilotage grâce aux projets de réseaux, des adultes supplémentaires dans les établissements pour améliorer le climat scolaire, une école ouverte aux parents, du personnel infirmier en plus grand nombre, des partenariats maîtrisés…

La politique d’éducation prioritaire depuis 2017
La refondation avait programmé une évaluation en 2018 de ce qui avait été mis en œuvre au cours des cinq années précédentes. Au printemps 2017, une évaluation, par l’Inspection générale et la DEPP du dispositif « plus de maîtres que de classes » (PDMQDC) était prête à la publication. Ce rapport ne sera pas publié : il aurait pu mettre en valeur les possibilités ouvertes par ce dispositif telles que l’émergence d’un travail collectif entre enseignants s’appuyant sur l’existence de temps de formation et de concertation.

Les dédoublements commencent dans les Cours Préparatoires dès la rentrée 2017 avant d’être généralisés et étendus aux CE1 puis amorcés en Grande Section de Maternelle. Ce sont les maîtres+ (des PDMQDC), puis les emplois de remplaçants affectés au remplacement des Professeurs des écoles des REP+ en formation qui sont détournés vers les dédoublements. Les autres niveaux d’école élémentaire auront souvent des effectifs plus lourds. Les premiers bilans sont mitigés, à partir d’évaluations nationales aux critères contestables et pas à la hauteur des moyens engagés. Les acquis devront être bien identifiés.

Les programmes de formation sont massivement réorientés vers les « fondamentaux » et l’accompagnement des dédoublements. Alors que « l’entrée par la pédagogie », introduite par le référentiel, rencontrait les demandes des acteurs de terrain, élaborées grâce au temps de concertation introduit dans le service des enseignants, les programmes de formation sont décidés entièrement par la hiérarchie et déçoivent souvent les enseignants.

En outre, le contenu des évaluations nationales en CP et CE1 privilégie des critères qui n’ont jamais été validés par les recherches sur l’enseignement de la lecture et du calcul, avec une référence quasi exclusive aux neuro-sciences, et imposent indirectement des objectifs aux classes de Maternelle, ne correspondant pas aux programmes.

La secrétaire d’Etat a multiplié les annonces se référant à l’éducation prioritaire, le plus souvent des actions à caractère social ou relevant de l’initiative des réseaux ou des partenaires locaux. Une annonce plus importante, l’expérimentation des CLA, les Contrats Locaux d’Accompagnement, a surtout pour effet de brouiller les concepts de base : les réseaux inter-degré et la référence territoriale.

Les Cités éducatives et la politique de la Ville. La création des Cités éducatives pourrait compléter le travail des REP à une double condition : que les structures de l’Education Nationale soient capables de travailler en partenariat et d’y réunir ce qui conditionne la réussite des REP : des acteurs spécifiques, un travail collectif, un projet centré sur les apprentissages scolaires et la réussite de tous.

Enfin, le confinement a pénalisé plus fortement les élèves des milieux populaires, même si, selon la Depp, leurs parents se sont plus mobilisés que les autres.

Enjeux, leviers, questions en chantier
L’enquête menée par l’OZP pour tenter de suppléer au refus ministériel a montré à la fois les acquis et leur fragilité. Si les relations avec les parents ont qualitativement progressé, le travail collectif, qui apparaît dans l’enquête comme un effet positif majeur de la refondation, ne va pas de soi, il demande un travail persévérant de constitution d’un vivier de formateurs, de choix et de formation des pilotes. L’enseignement plus explicite n’est pas encore largement partagé et la question de l’articulation bienveillance/exigence devrait être retravaillée. S’agissant des personnels, c’est surtout la question de la formation et de ses modalités qui est au cœur des attentes de personnels qui en ont assez d’être instrumentalisés pour des politiques inconstantes. Enfin l’absence de pilotage solide associant les personnels est assez largement déplorée.

Propositions
Le retour aux bases de l’éducation prioritaire, à ses « fondamentaux »s’impose. Les inégalités sociales se sont accrues, l’exclusion sociale dans certains territoires ne s’est pas résorbée. Aujourd’hui, la société française est fragilisée et la vie démocratique est menacée. Une politique de démocratisation de la réussite scolaire de tous est plus que jamais nécessaire. Elle ne peut être conduite sans y associer étroitement les acteurs chargés de sa mise en œuvre. Elle ne peut faire l’économie de la reconnaissance des acquis des diverses périodes de l’éducation prioritaire et de tout ce que la recherche dit de l’éducation prioritaire et des apprentissages des élèves des milieux populaires.

Développer des formes d’évaluation de l’action publique et de ses résultats qui soient suffisamment informatives pour les acteurs afin de les aider à choisir leurs orientations de travail.

Mettre en place des assises nationales : bilan, concertation, réflexion sur les modalités d’utilisation des ressources affectées aux dédoublements et au remplacement, propositions d’autres orientations pratiques en fonction de l’expérience acquise et des travaux de la recherche.

Restaurer le pilotage à tous niveaux : national, académique, réseau.

Rendre l’initiative aux acteurs de terrain : qu’après évaluation, les ressources affectées aux dédoublements puissent être redéployées dans le cadre des nouveaux projets portant sur la co-intervention par exemple.

Etablir un bilan de l’usage et de l’efficacité du référentiel d’éducation prioritaire, envisager son évolution et son approfondissement.

Restaurer les possibilités de formation de formation afin de développer la présence de formateurs dans le cadre des réseaux, pour accompagner les équipes à faire émerger des besoins de formation en fonction de ce que l’on sait de la réussite scolaire en milieu populaire .

Définir les conditions de réussite des Cités Educatives

L’OZP,
février 2022

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2 Messages de forum

  • Cela fait plusieurs années que je suis les publications de l’OZP et je constate encore une fois la pertinence de vos articles et de vos publications.

    Cette rentrée est ma 29 rentrée en Education Prioritaire. j’ai donc pu pendant 29 ans apprécier les diférentes relances et réformes de l’Education Prioritaire, en même temps que les politiques publiques d’Education (Politique de la ville, Contrat Urbain de cohésion sociale, Cité Educative...).

    Aujourd’hui je constate, avec une certaine aigreur, les obstacles successifs qui neutralisent les efforts des équipes engagées dans les REP et REP+

    Au nombre desquels vous pouvez noter :

    La difficulté du travail partenarial dès lors que les enjeux politiques divergent des enjeux sociétaux scolaires et pédagogiques.

    La difficulté de chaque partenaire de l’Ecole à sortir de son pré carré surtout si des financements sont concernés

    L’empilement de textes et injonctions qui nourrit le mille feuilles institutionnel et paralyse les initiatives des équipes et des réseaux.

    La multiplication des projets et des initiatives partagées et donc partenariales qui souffrent quasi toutes d’un manque de coordination (Lisibilité).

    Les effets d’annonce non suivis d’actes concrets qui polluent les initiatives et démobilisent les acteurs.

    La non continuité des politiques d’éducation pour raison de changement de gouvernement, de ministre... qui met à mal la cohérence et la pertinence des choix des réseaux et ne permet pas d’aller jusqu’au bout des choses.

    (...)

    Je ne sais pas si ces quelques lignes vous seront d’une quelconque utilité... Je les vois plutôt comme un témoignage, une contribution de terrain qui nourrira peut être votre manifeste.

    Actuellement en activité, je cumule 3 missions :
    Coordonnateur pédagogique Cité Educative Mosson
    Référent départemental Laïcité et valeurs de la République
    Accompagnateur Formateur Académique REP/REP+

    Tout ça pour vous indiquer depuis quelle place je m’exprime
    Meilleurs sentiments
    Philipp ROCHER

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    • Voilà un message intéressant qui mériterait de longs commentaires. Pour ma part, je me limiterai à ceci :
      Depuis la circulaire de 1990 créant la fonction de coordinateur, aucun ministre de l’Education nationale n’a donné un statut clair à cette fonction vitale pour qu’existe les ZEP puis les REP.
      Résultat, ceux qui, comme ce témoignage en présente, se sont hautement qualifiés sont rares. Il arrive même qu’on nomme le dernier arrivé !
      Voilà un sujet de travail pour ce nouveau ministre qui semble vouloir être vraiment utile à l’éducation prioritaire.

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