Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
« La métaphore de l’ordinateur fait du cerveau un dispositif de traitement inconscient de l’information »
Entretien avec Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France et président du conseil scientifique de l’Éducation nationale.
[...] De là serait née l’idée d’inconscient cognitif. Quelle est-elle ?
Le principe est simple : pratiquement toutes les opérations cognitives sont inconscientes. Le paradigme des sciences de la cognition est inspiré de la métaphore de l’ordinateur qui fait du cerveau un dispositif de traitement de l’information opérant de façon mécanique, non consciente.
D’ailleurs, au début des sciences cognitives, on a voulu chasser l’idée de conscience. La distinction entre conscience et non-conscience apparaissait trop grossière, « préscientifique ». Seule comptait la nature des opérations mentales effectuées dans chaque cas particulier, notamment lors de la perception visuelle. C’est seulement depuis une vingtaine d’années que l’on est revenu sur cette idée, car on s’est aperçu qu’à stimulus identique, il y a tout de même une grande différence de traitement cognitif des informations selon que le sujet rapporte en avoir pris conscience ou non. Cela influe notamment sur ce qu’il peut faire de ces informations.
[...] Le bébé devenant un élève, ces théories du cerveau peuvent-elles aider à améliorer l’apprentissage à l’école ?
Sur bien des points ! Mentionnons ce que j’avais désigné dans mon livre Apprendre comme le pilier de l’apprentissage n° 4, « l’automatisation ». Au départ, presque tous les apprentissages nécessitent de l’attention, de la concentration et de l’effort. Et puis, à force d’entraînement, les automatismes s’installent et le comportement change complètement : il n’y a plus besoin de prendre conscience de ce que l’on fait. Il en va ainsi de la lecture. Au début, l’enfant est obligé de déployer son attention lettre par lettre, B, A... de les reconnaître une à une, puis de les assembler consciemment pour former un mot. Et, au terme de l’apprentissage, il lit sans déchiffrer et la lecture s’appuie désormais sur des mécanismes inconscients. J’insiste beaucoup sur l’importance de cette transition et la façon de l’optimiser. On sait aujourd’hui faciliter cette automatisation, par exemple en entrecoupant les phases d’apprentissage explicite avec des tests. Par ces derniers, on vérifie, nous en parlions, l’écart entre ce que l’on a prédit inconsciemment et ce que l’on obtient.
Extrait de pourlascience.fr du 01.07.20
Voir la sous-rubrique Pédag. Neurosciences (Etudes) ou en bas de cette page les 10 derniers articles