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Accompagnement des mineurs isolés : une décision du Conseil d’Etat (ToutEduc)

11 février 2020

Mineurs isolés : le Conseil d’Etat valide la participation des préfectures au processus d’évaluation de l’âge de ces jeunes. Une autre décision sur leur scolarité.

Le Conseil d’Etat annule une seule des dispositions, tout à fait mineure, du décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 "relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille" et pris pour l’application de la loi du 10 septembre 2018 "pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie", ce qui fait dire à la Cimade qu’il "valide sans sourciller le fichage des mineur∙e∙s non accompagné∙e∙s". Le CE a par ailleurs jugé que la scolarité d’un jeune pris en charge par l’ASE ne pouvait être interrompu du fait de ses 18 ans.

La Haute juridiction a été saisie par 19 organisations, dont UNICEF France, les associations de protection de l’enfance, la Cimade, la Ligue des droits de l’Homme..., qui faisaient notamment valoir que le texte de l’article 6 du décret différait du texte soumis au Conseil d’Etat. Celui-ci fixait "au lendemain de sa publication" sa date d’entrée en vigueur" alors que le projet initial fixait cette date au 1er janvier. Le décret n’a donc été "légalement applicable qu’à compter du 1er mars 2019".

Pour évaluer la minorité d’un jeune, le décret prévoit que le président du conseil départemental peut s’appuyer les informations fournies par la préfecture. Il "dispose de la faculté de demander au préfet de l’assister dans ses investigations (...). La circonstance que l’intéressé soit ainsi amené à se rendre en préfecture (...) n’est pas, en elle-même, contraire à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant." L’intervention des agents des préfectures "est distincte des entretiens menés avec les intéressés par les professionnels" des services du département auquel "il incombe de mettre en place un accueil provisoire d’urgence (...) sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie". D’autre part, le décret attaqué prévoit "qu’une mesure d’éloignement ne peut être prise contre la personne que si, de nationalité étrangère, elle a été évaluée comme majeure".

Quant aux informations que l’intéressé doit communiquer aux agents habilités des préfectures, elles sont déjà "limitativement énumérées par l’article R. 221-15-2 du code de l’action sociale et des familles" (ici). Le refus de les communiquer ne donne lieu à "aucune sanction". Le décret prévoit que le président du conseil départemental notifie au préfet "la date à laquelle l’évaluation de la situation de la personne a pris fin, en précisant s’il estime que la personne est majeure ou mineure" et l’autorité administrative peut prendre "une mesure d’éloignement". Toutefois, le recours devant le juge administratif est suspensif. Il appartient alors au juge administratif de se prononcer sur la minorité alléguée ou de saisir "l’autorité judiciaire". "Dans l’hypothèse où une instance serait en cours devant le juge des enfants, le juge administratif peut surseoir à statuer si une telle mesure est utile à la bonne administration de la justice."

S’agissant du traitement automatisé des empreintes digitales et des photographies des personnes concernées, le CE rappelle que le Conseil constitutionnel a déjà considéré que ces dispositions "permettent la création d’un traitement automatisé qui vise à faciliter l’action des autorités (...) en évitant la réitération par des personnes majeures de demandes de protection qui ont déjà donné lieu à une décision de refus". Le décret "définit les caractéristiques de ce traitement qu’il autorise le ministre de l’intérieur à mettre en œuvre" et il "modifie les dispositions applicables au traitement "application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France’ (AGDREF2)" ainsi qu’au traitement VISABIO.

D’ailleurs, l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ne s’oppose pas "à ce que l’autorité administrative ait recours à des informations collectées aux fins de lutte contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers". Le traitement de données à caractère personnel créé par le décret attaqué "est nécessaire à l’exécution par les services de l’Etat de leur mission de service public de concours à l’évaluation de la situation des personnes sollicitant une protection en qualité de mineur".

Pour la Cimade et les autres organisations qui avaient saisi le Conseil d’Etat, celui-ci "laisse toute latitude aux préfectures pour expulser des personnes qui devraient être présumées mineures tant que le juge des enfants ne s’est pas prononcé sur leur situation", "il entérine ainsi la possibilité pour l’administration d’expulser un∙e jeune (...) dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e (...). Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants." Les signataires ajoutent que "nombreux sont les protocoles signés entre les conseils départementaux et les préfectures qui mentionnent ’l’impossibilité [pour le jeune] de refuser de communiquer [ses données personnelles] à l’agent de préfecture habilité’. La notice d’information actuellement distribuée aux jeunes reprend cet énoncé contraire aux textes." Ils "persistent à demander le retrait de ce décret et appellent tous les départements, chefs de file de la protection de l’enfance, à renoncer à participer à ce dispositif".

Par ailleurs le Conseil d’État a rejeté le 13 janvier une requête du département de Seine-et-Marne à qui le tribunal administratif avait enjoint de réexaminer la situation d’un jeune venu de Côte d’Ivoire. Mineur non accompagné, il avait été confié par un juge des enfants au service de l’aide sociale à l’enfance. Parvenu à la majorité, il a demandé à bénéficier d’un contrat jeune majeur. Le CE considère que, "si le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un jeune majeur", il lui incombe "de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge".
"Lorsqu’une mesure de prise en charge (...) arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit en outre proposer à ce jeune un accompagnement (...) pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée." Dans le cas présent, ce jeune homme est en 1ère S au lycée Berthelot de Pantin, "où il obtient, d’ailleurs, de très bons résultats".

L’avis du Conseil d’Etat

La décision n° 437102 du lundi 13 janvier 2020

Le communiqué interassociatif

Extrait de touteduc.fr du 08.02.20

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