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Mixité sociale : comment en évaluer les effets quand on ne sait pas la mesurer ? (C. Ben Ayed)
La mixité sociale, dans le logement ou à l’école, "ne constitue pas un concept académique stabilisé (...). Ceci constitue la première difficulté de taille, s’agissant d’une ’évaluation’ des effets de la mixité sociale à l’école", constate Choukri Ben Ayed (U. de Limoges). Le chercheur publie un rapport réalisé dans le cadre du "Groupe de travail égalité-équité" du CEE (Conseil d’évaluation de l’École) dans lequel il souligne la gravité des enjeux, "tout se passe comme si la ségrégation scolaire marquait l’échec de l’école dite républicaine dans sa façon de faire unité". Il souligne aussi la faiblesse des recherches sur le sujet.
Il dénonce notamment les "fragilités et limites" de l’évaluation réalisée par Julien Grenet, Élise Huillery et Youssef Souidi en 2023 pour qui les effets quant aux acquisitions scolaires étaient "mitigés". Elle portait sur une expérimentation de la politique de mixité sociale menée en France depuis 2015-2016. "La publication de ces résultats a suscité un certain étonnement, voire une déception, notamment parmi les acteurs locaux impliqués dans cette expérimentation. Dans certains territoires, l’expérimentation a nécessité la mobilisation de moyens très importants, en temps, voire financiers. Elle a impliqué également de faire face à des oppositions, des réticences, à la nécessité de convaincre (...). Autant dire que les résultats publiés par les trois économistes ont suscité une certaine frustration."
Choukri Ben Ayed pose toutefois un certain nombre de questions, lorsque des progrès scolaires des élèves sont constatés, "à quoi les imputer ? À la réduction du nombre d’élèves par classes ? À la mobilisation des équipes pédagogiques ? Au rôle joué par les Inspecteurs d’académie mettant en œuvre des formations et un accompagnement des enseignants ? Aux nouveaux partenariats novateurs ? À la mobilisation des associations ? À l’accompagnement par la recherche ?" Et combien de sites ont été concernés par cette politique de mixité sociale à l’école ? "L’étude proposée par les trois auteurs repose sur un échantillonnage de 22 sites dits ’pilotes’ engagés dans la politique de mixité sociale représentant 56 collèges aux rentrées 2016 et 2017", mais "l’évaluation réalisée sur les effets cognitifs et non cognitifs des élèves n’a été réalisée que sur une extraction de 10 sites parmi les 22". Et dans cette liste de 22 sites, on relève la présence "de sites non-signifiants", Saint-Malo, Rive-de-Gier, Roanne, Arras, Clermont-Ferrand, Noisy-le-Grand, Montpellier...
Il convient aussi d’être attentif aux dispositifs de mixité sociale, notamment lorsqu’il s’agit d’implanter dans un collège des options dites "attractives". Ainsi dans ce collège où ont été créées une section rugby, une section athlétisme et une section anglais international. "S’instaure de cette façon une ségrégation intra-établissement entre les élèves qui fréquentent ces filières prestigieuses et les autres, comme en témoigne Maissa : On se retrouve entre gens de chez nous, pour la plupart c’est que des arabes."
La mixité sociale a des effets positifs comme en témoigne Amira : "Le lycée m’a beaucoup aidée, la mixité aide vraiment. Mon petit frère il a eu la mixité, mon grand frère non, je vois vraiment la différence, juste au niveau du langage, c’est un langage de rue quoi, ses copains qui vivent dans le même quartier ont le même langage." Le chercheur ajoute : "S’agissant des effets de la mixité sociale sur les performances scolaires des élèves, il serait utile d’ouvrir un chantier de recherche (...). Le cas de Toulouse est particulièrement éclairant. Il s’agit en effet du site où la politique de mixité a été la plus ambitieuse, la plus précoce (...). En 2021, 63 % des 100 élèves de la première cohorte issue du quartier de la Reynerie, arrivés au terme du parcours dans les nouveaux collèges, ont obtenu le brevet des collèges. Les années précédentes dans l’ancien collège Badiou ces chiffres n’étaient que de 50 %."
Extrait de touteduc.fr du 13.02.25