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Les commentaires sur le rapport Unicef. François Dubet : "Si on tente de modifier le système, tout le monde hurle !". La revue de presse des Cahiers pédagogiques

18 avril 2016

[...] Si ces résultats ne sont pas nouveaux, comment expliquer que rien ne change ?
Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’on fait le même constat, mais toute tentative de changer l’école se heurte à un mouvement de défense de traditions et des arts éducatifs français. Il faut pourtant arrêter de penser que l’école est faite pour les meilleurs, et de considérer que faire progresser les plus faibles équivaut à un nivellement par le bas.
Si l’on tente de modifier le système, tout le monde hurle à l’assassinat de la culture. Il y a de l’égoïsme et une certaine hypocrisie : lorsque l’on défend l’enseignement du latin et du grec, on ne défend pas les langues anciennes mais des classes de latin et de grec, et donc de bons élèves. Les classes spéciales accentuent les inégalités sociales. Par ailleurs, les inégalités profitent bien à certains.

[...] Il faudrait déplacer des moyens vers l’école élémentaire, ce qui permettrait de diminuer le nombre d’élèves par classe, mais cela signifierait déshabiller le secondaire : pour un ministre, c’est du suicide politique.

[...] On recrute donc des élèves qualifiés dans leur domaine, souvent les sciences humaines. Mais la formation professionnelle est ensuite insuffisante. Or ce qui doit définir un enseignant c’est d’abord un métier : les enseignants ont des savoirs universitaires mais manquent de formation sur les méthodes, la pédagogie... C’est vrai pour le secondaire comme pour l’élémentaire.

[...] Le passage à la semaine de quatre jours avec la réforme Darcos, en 2008, a été une catastrophe. Les élèves ont perdu l’équivalent d’une semaine de cours par an.

[...] Il faut par ailleurs arrêter de tout demander à l’école. La baisse du niveau en orthographe et en grammaire est une tragédie pour beaucoup. C’est un point de vue. Dans ce cas, il faut prendre une décision : on ne peut pas faire de la grammaire, de l’orthographe, des balades, de la culture, de la musique...

[...] Il faudrait pouvoir dire aux enseignants de ces endroits-là [comme en Seine-Saint-Denis, ndlr] : "on va vous loger, vous payer mieux". Mais là encore c’est impossible, car les enseignants rétorquent que c’est une atteinte à l’égalité de traitement sur le territoire... Et un ministre ne veut pas avoir des centaines de milliers d’enseignants dans la rue.

Extrait de nouvelobs.com du 14.06.16 : Inégalités à l’école : "Si on tente de modifier le système, tout le monde hurle !"

 

Voir aussi du 17.02.16

François Dubet fait des propositions "brutales" sur le recrutement et la formation des enseignants, notamment dans les établissements difficiles. Le commentaire d’un prof en ESPE

 

Inégalités
C’est un rapport très intéressant qui a été publié par l’UNICEF jeudi. Intitulé “Équité entre les enfants – Tableau de classement des inégalités de bien-être entre les enfants des pays riches ”, il examine les inégalités entre les enfants dans quatre domaines : l’éducation, la santé, les revenus et la satisfaction individuelle de ces enfants. Pour cela, les chercheurs se basent sur des données statistiques vérifiables, notamment celles fournies par Eurostat et l’OCDE (PISA pour la partie sur l’éducation). La nouveauté cette année, c’est que le rapport prend également en compte des données déclaratives auprès d’enfants qui ont porté un avis sur leur satisfaction individuelle et leur santé. Concernant le taux de satisfaction il provient d’une enquête HSBC 2012/2013 portant sur les enfants scolarisés de l’OCDE et leur demandant de noter de 0 à 10 leur degré de satisfaction dans la vie (de 0 "la pire vie possible" à 10 "la meilleure vie possible").
On pourra lire une tribune de Jean-Marie Dru, président d’Unicef France sur le Huffington Post qui reprend les principales conclusions de ce rapport. Parmi les très nombreux articles publiés à l’occasion de ce rapport, on peut signaler une analyse assez complète dans le journal La Croix Évidemment, la plupart des articles parus dans la presse française s’intéressent à la situation de notre beau pays et constate qu’en matière d’inégalités, la France est “au fond de la classe”. Même s’il faut toujours être méfiant sur ces classements qui se transforment en palmarès, on constate que si on met ensemble les quatre domaines étudiés par le rapport (revenu, santé, éducation, sentiment de bonheur), la France se situe à la 28e place, c’est-à-dire dans le dernier tiers. Ce qui plombe les "résultats" de la France ce sont à la fois les inégalités scolaires liées au milieu social (nous sommes 35e en reprenant l’enquête PISA) et aussi le sentiment de satisfaction des petits français. Pour le dire autrement, nos enfants ne sont pas très heureux...
Ce nouveau rapport ne fait que confirmer malheureusement une situation déjà connue. Il donne lieu cependant à de nombreux commentaires tant sur la situation décrite que sur la réception de ce type d’information. Pour Sébastien Lyon, directeur de l’Unicef pour la France, interviewé par La Croix, le jugement sur la situation est très sévère : “Notre système éducatif est l’un des mieux lotis dans le monde, mais il semble très moyennement performant. La politique de l’éducation en France doit être plus ciblée sur les enfants en échec scolaire. D’une manière générale, le rapport montre que les politiques publiques françaises laissent de côté les plus vulnérables, en ne prenant pas en compte les spécificités de ces populations.".
On retrouve la même sévérité chez François Dubet interviewé dans L’Obs . Pour lui, “cela fait plusieurs dizaines d’années que l’on fait le même constat, mais toute tentative de changer l’école se heurte à un mouvement de défense de traditions et des arts éducatifs français. Il faut pourtant arrêter de penser que l’école est faite pour les meilleurs, et de considérer que faire progresser les plus faibles équivaut à un nivellement par le bas. Si l’on tente de modifier le système, tout le monde hurle à l’assassinat de la culture.”.
Dans un entretien accordé à Libération , la sociologue Nathalie Mons présidente du Conseil national de l’évaluation du système scolaire reprend les mêmes critiques et insiste sur les enjeux : “Il y a un lien entre les compétences des élèves et le développement économique du pays. D’autre part, cela joue aussi sur la sphère civique et politique. On constate que ce sont les élèves les moins diplômés qui s’abstiennent le plus pendant les élections. Plus vos compétences cognitives augmentent, plus les individus se sentent à même de s’engager civiquement. C’est une dimension majeure qui explique, en partie, les inégalités dans l’abstention. On retrouve donc de fortes conséquences en termes de cohésion sociale et nationale. ”

Extrait de cahiers-pedagogiques.fr du 17.04.16 : Bloc-Notes de la semaine du 11 au 17 avril 2016)

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