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École, immigration et mixités sociale et ethnique
Après les tragiques attentats du 7 et 8 janvier 2015, vient le temps de l’introspection et de l’action. L’école – institution sociale centrale dans notre modèle français d’intégration républicaine et laïque – mérite un débat approfondi et des mesures d’exception.
Pour alimenter la réflexion après avoir diffusé, le 13 janvier 2015, une note consacrée à l’apprentissage de la citoyenneté dans l’école française[1], le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) publie ce jour une seconde note complémentaire, intitulée Ecole, immigration et mixités sociale et ethnique.
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Notre seconde note Ecole, immigration et mixités sociale et ethnique montre à partir des résultats de recherche que les résultats scolaires des élèves issus de l’immigration se sont dégradées durant la dernière décennie et que l’écart de performance entre les jeunes autochtones et les immigrés de la seconde génération est supérieur, en France, à celui observé dans les autres pays de l’OCDE. Les filles issues de l’immigration réussissent cependant mieux que leurs alter-egos garçons. Un sentiment d’injustice dans l’univers scolaire est plus marqué chez les enfants issus de l’immigration notamment en matière d’orientation.
Ces résultats ne sont pas sans lien avec l’existence, en France, d’une ségrégation sociale et ethnique. Certaines recherches ont mis en évidence l’existence de « ghettos scolaires ». Or, la recherche montre que la ségrégation sociale et ethnique produit des effets néfastes puissants sur un ensemble de dimensions sociétales. Plus les écoles sont ségréguées socialement et ethniquement, plus les problèmes de santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les incivilités, les maternités précoces, l’intolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité, la difficulté à dialoguer et à travailler avec des jeunes de milieux sociaux et culturels différents… progressent. Les écoles ghettos créent de plus des dynamiques d’apprentissage négatives qu’éclairent aujourd’hui les statistiques scolaires.
À l’étranger (Royaume-Uni, Belgique, États-Unis, Irlande…) des politiques nationales volontaristes sont mises en place pour fabriquer les mixités sociale et ethnique, elles peuvent éclairer les décisions d’action publique en France. Si ces politiques scolaires, pour développer une école citoyenne, réellement intégratrice de tous les élèves français, ne peuvent se construire que sur le long terme, il est désormais urgent de les engager concrètement.
Nathalie Mons
Présidente du Cnesco
Professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise
Extrait du site du CNESCO du 22.01.2015 : École, immigration et mixités sociale et ethnique
L’école fabrique du "séparatisme ethnique et social" (rapport CNESCO)
[...] Premier constat de ce rapport intitulé "Ecole, immigration et mixités sociale et ethnique" : "les performances des élèves issus de l’immigration se sont dégradées durant la dernière décennie". L’écart avec les élèves français s’est creusé, atteignant un niveau bien supérieur à la moyenne de l’OCDE. "Dans l’absolu, ces contreperformances sont importantes", s’alarme le document : "en France, près de 43% des élèves issus de l’immigration n’atteignent pas le niveau 2 en mathématiques dans PISA 2012, révélant qu’à 15 ans, près de la moitié de ces élèves présentent des difficultés scolaires sévères qui vont obérer leur poursuite d’études." Ces inégalités sont particulièrement marquées au collège et chez les garçons, les filles réussissant globalement mieux que leurs camarades masculins, sauf dans les classes préparatoires et les grandes écoles.
Ces ségrégations s’accompagnent également d’un sentiment d’injustice "plus marqué chez les enfants issus de l’immigration, notamment en matière d’orientation". Ce ressenti est vécu comme lié à des critères d’ordre "ethno-racial", telles que la couleur de peau ou la nationalité.
"Ghettos scolaires"
Ces inégalités ont des conséquences sociétales larges, explique le rapport selon lequel "plus les écoles sont ségréguées socialement et ethniquement, plus les problèmes de santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les incivilités, les maternités précoces, l’intolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité, la difficulté à dialoguer et à travailler avec des jeunes de milieux sociaux et culturels différents... progressent."
La ségrégation est d’autant plus grave qu’elle s’auto-alimente : "le contexte scolaire très fortement ségrégué socialement et ethniquement de certains établissements sert de terrain propice à des dynamiques de groupes néfastes aux apprentissages", explique le document du CNESCO. L’universitaire Georges Felouzis, parle en 2005 de "ghettos scolaires" dans son ouvrage "L’apartheid scolaire". En cause : la ségrégation résidentielle qui confine certaines populations ethniques au sein d’établissements précis mais aussi l’évitement de la carte scolaire par les familles, même populaires, qui renforce le caractère ségrégationniste de certaines écoles où se concentrent les populations les plus défavorisées, généralement issues de l’immigration.
Politiques volontaristes, acteurs mieux coordonnés
Face à ce constat, le rapport préconise "des politiques nationales volontaristes pour fabriquer la mixité sociale et ethnique" contre des "école ghettos" qui créent "des bombes à retardement scolaire, social et politique". Et de citer les exemples du Royaume-Uni qui a mis en place des quotas sociaux et scolaires dans les écoles ou des Etats-Unis qui ont instauré des modes de régulation plus subtils des affectations des élèves dans les établissements scolaires.
"Ces politiques complexes concernent des décideurs multiples - le ministère de l’Éducation nationale et les collectivités territoriales notamment", met en garde le rapport qui fustige par ailleurs le manque de coordination entre le ministère et ses nombreux partenaires, notamment sur les problématiques touchant à la politique de la Ville. "La mixité sociale et scolaire demeure de façade si les enseignants ne sont pas par exemple formés à gérer dans leur classe l’hétérogénéité scolaire de leurs élèves", si les parents ne sont pas "rassurés sur les effets bénéfiques de la mixité sociale", conclut-il.
Le CNESCO précise avoir lancé quatre initiatives pour réfléchir sur les "politiques scolaires nationales et territoriales actuelles et à venir" : des forums en région, construits avec la Ligue de l’enseignement, Canopé, France Culture et une série de collectivités territoriales autour de la mixité sociale, scolaire et ethnique, un rapport sur les "Inégalités sociales et d’origine migratoire à l’école" à paraître cet été, une conférence de comparaisons internationales sur les politiques de mixité sociale en juin 2015 et une synthèse pluridisciplinaire sur les dispositifs d’apprentissage de la citoyenneté.
Extrait de touteduc.fr du 22.01.2015 : L’école fabrique du "séparatisme ethnique et social" (rapport CNESCO)
[...] Plus les écoles sont ségréguées socialement et ethniquement, plus les problèmes de santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les incivilités, les maternités précoces, l’intolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité, la difficulté à dialoguer et à travailler avec des jeunes de milieux sociaux et culturels différents… progressent. Les écoles ghettos créent de plus des dynamiques d’apprentissage négatives qu’éclairent aujourd’hui les statistiques scolaires." Le rapport montre "des dynamiques de groupe néfastes" dans les établissements ségrégués.
Extrait de cafepedagogique.net du 23.01.2015 : Pour le CNESCO il y a urgence à lutter contre la ségrégation scolaire