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Scolarisation des moins de trois ans. L’Inspection générale analyse les causes des importantes disparités académiques dans l’application prioritaire aux familles populaires (extraits)

23 septembre 2014

Scolarité des enfants de moins de trois ans : une dynamique d’accroissement des effectifs et d’amélioration de la qualité à poursuivre
Rapport - n° 2014-043 : juin 2014

Gilles Pétreault, Inspecteur général de l’éducation nationale
Marc Buissart, Inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche
Groupe de travail : Jean-Pierre Bellier, Laurent Brisset, Philippe Claus, Michèle Jeanne-Rose, Yannick Tenne

Le rapport (juin 2014, 72 p.) (86 pages)

 

EXTRAITS concernant l’éducation prioritaire

p. 19
1.1. Un accroissement global du nombre d’enfants à la rentrée 2013
[...] L’objectif de scolariser les élèves prioritairement situés dans des zones difficiles ou des zones d’éducation prioritaire a été clairement poursuivi dans les académies. On constate une progression de 2,9 points pour l’éducation prioritaire au niveau national. Le taux d’élèves scolarisés de moins de trois ans en ZEP s’établit désormais à 20,4 % pour un objectif à atteindre de 30 %.
L’analyse des implantations des postes affectés par les départements montre d’importantes disparités sur le terrain. Malgré des efforts en termes d’emplois, certaines académies ont des taux de scolarisation nettement inférieurs à 10 % comme Versailles ou Créteil ; d’autres comme Amiens10 connaissent une augmentation sensible, de plus de 1,5 point, pour atteindre presque 13 %.

p. 20
[...] Par ailleurs, malgré un accroissement global, certaines académies voient leur taux de scolarisation des moins de trois ans baisser dans les secteurs qui devraient être privilégiés. Le cas de l’académie de Bordeaux illustre bien cette problématique. D’une part, globalement, le taux de scolarisation des deux ans progresse de 0,7 point avec 2 561 élèves de deux ans dans les écoles publiques, soit 200 de plus sur un an, passant ainsi de 6,6 % à la rentrée 2012 à 7,3 % à la rentrée 2013. La progression se situe légèrement en dessous du taux prévu (7,4 %) et concerne les cinq départements à l’exception des Pyrénées-Atlantiques. D’autre part, la scolarisation des moins de trois ans dans les secteurs de l’éducation prioritaire se réduit dans quatre des cinq départements :
[...] Si l’académie se situe en tout état de cause au-dessus de la moyenne nationale qui est de 17,6 %, la démographie semble peser assez lourdement dans les possibilités effectives d’accueil des moins de trois ans dans les secteurs défavorisés. [...]

p. 22
[...] Par ailleurs, dans la réalité, si les écoles ne méconnaissent pas les indications départementales, elles les appliquent parfois avec distance. Dans plusieurs départements visités, le taux d’inscrits régulièrement retenu par les enseignants est plutôt de l’ordre de 17 / 18 élèves, voire pour quelques écoles qui l’expliquent franchement de 15 / 16 élèves15. Les conditions matérielles, la nécessité de bien encadrer les enfants ainsi que l’appartenance à un secteur en éducation prioritaire (où le nombre d’élèves pour les autres classes maternelles le plus souvent ne dépasse pas vingt-cinq), sont évoquées pour justifier cette limitation. Que ce soit dans les visites effectuées ou dans la documentation étudiée, les classes spécifiques de moins de trois ans ne dépassent que très rarement les vingt élèves inscrits.[...]

p. 23
[...] Il convient toutefois de noter que les créations ont été limitées à moins de dix postes dans quinze académies. Les explications peuvent être multiples :
– le niveau de scolarisation des enfants de deux ans était suffisamment élevé par rapport à l’objectif national en éducation prioritaire et n’invitait pas à un effort dans ce domaine ;
– la demande des parents se situait dans des secteurs non prioritaires ;
– la gestion de la carte scolaire était contraignante et ne permettait pas des efforts importants sur ce point, les emplois étant absorbés par la pression démographique, par la situation des postes de remplacement, par la demande d’emplois pour d’autres priorités ministérielles, notamment le dispositif « plus de maîtres que de classes » ou dès la rentrée prochaine le besoin de remplacement pour la création
des « REP+ » ;
– la création d’une classe spécifique ou d’un groupe de moins de trois ans dans une école maternelle, dès lors que le besoin est reconnu et que la demande existe, demande de bonnes conditions matérielles (salles de classe, emploi d’ATSEM, couchage…) et suppose un fort engagement des communes pour les réunir.

p. 23
1.4. Une situation en évolution à la rentrée 2014
[...] Pour inciter à consacrer des emplois à cette priorité, certaines académies ont mis en place un fléchage, ou un « schéma cible ». L’effort à accomplir est toujours calculé à partir de l’objectif national de scolarisation de 30 % des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire.
Il convient de noter, d’une part, qu’aucune académie ne va au-delà de ce chiffre et, d’autre part, qu’aucun objectif n’est défini dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), secteurs réputés fragiles. La question est alors traitée au cas par cas à l’échelon départemental par les DASEN et les inspecteurs chargés des écoles maternelles ainsi qu’au niveau local par l’inspecteur de circonscription, dans une concertation avec les élus des communes ou intercommunalités et les enseignants. Ces fléchages laissent aux DASEN une large autonomie opérationnelle dans la préparation des décisions de création de structures et de postes, leur donnant la responsabilité de participer à cet objectif académique tout en poursuivant d’autres priorités et en accompagnant l’évolution démographique.

p. 25-26-27
1.5. Des conditions d’inscription et d’admission en évolution
1.5.1. Une recherche des publics prioritaires rarement réalisée
[...] Si le choix de bénéficiaires est admis lorsqu’il s’agit de crèches – avec des procédures et des instances de décision parfois très élaborées – une telle pratique reste très rare dans le secteur scolaire où elle semble heurter les habitudes. Pour bien des élus rencontrés, l’ouverture d’un dispositif dans les secteurs socialement sensibles apparaît comme un critère de choix suffisant et l’application d’autres références pourrait se traduire par des décisions délicates à appliquer.
Dans les rares endroits où cette question a été réellement abordée, une procédure d’entretien conforme à la circulaire sur les moins de trois ans a été mise en place et, au terme des échanges, « certaines familles pourront solliciter, d’elles-mêmes, un report de scolarisation.
Dans ce cas, l’enfant gardera son rang dans les priorités d’inscription » ; il s’agit alors d’un renoncement éclairé, juridiquement inattaquable.

Quelques pratiques particulières pour chercher à atteindre des publics spécifiques parmi les ayants droit sont également à relever :
– une liste d’enfants à inscrire est définie en étroite relation avec les crèches de la commune, le premier objectif étant de libérer des places en crèche pour faire face à la forte demande d’admission. Si cette méthode permet d’optimiser les capacités d’accueil, le public qui rejoint l’école n’est probablement pas le plus défavorisé ;
– dans des classes passerelles, qui s’inscrivent dans un cadre conventionnel spécifique, les propositions d’admission se fondent sur des caractéristiques sociales bien identifiées (langue, séparation, socialisation, relation à l’école, projet parental, isolement social) et sont effectuées par différents partenaires ;
– des dispositifs partenariaux élaborés grâce à une forte implication de l’inspecteur et en étroite relation avec la commune réunissent les parties prenantes, notamment des élus communaux, les directeurs, le coordonnateur pour la politique de la ville, la PMI, l’intersecteur, la caisse d’allocations familiales. Le groupe suit le projet et, en fonction des demandes émises par les professionnels du secteur social et médical en particulier, définit des listes d’enfants à proposer au maire pour
l’inscription. Tout en veillant à maintenir une relative diversité de recrutement afin de donner une certaine dynamique aux apprentissages dans les classes, une telle procédure semble plus à même de faire que la scolarisation précoce s’adresse aux enfants les plus défavorisés.

Un travail plus important et plus conforme aux orientations ministérielles sur les publics à scolariser est ainsi mené dans les quartiers urbains défavorisés : les familles non ou peu francophones sont retenues, ainsi que les enfants qui n’ont jamais quitté le domicile familial, les familles qui connaissent des difficultés sociales, économiques, familiales, médicales… En tout état de cause, il convient de garantir la transparence sur les critères retenus et sur les procédures de décision mises en oeuvre.

Cet objectif plus ambitieux nécessite une diffusion de l’information la plus large possible, qui peut s’appuyer sur un grand nombre d’acteurs ou d’institutions : école, mairie (services enfance, petite enfance, enseignement, centre communal d’action sociale, bulletin municipal),
services et travailleurs sociaux, protection maternelle et infantile (information par le médecin/entretien du médecin de la structure avec les familles), directrice de la crèche, du jardin d’enfants ou de la halte-garderie, centre social du secteur, dispositif de réussite éducative, distribution de courriers, presse locale, radio, délégués de parents d’élèves, banque alimentaire, feuilles d’information distribuées notamment dans les commerces, ou encore médecin de quartier qui paraît en général, même sur ce sujet, très écouté par les familles.

Au-delà, les acteurs conviennent qu’il faut aller plus loin et mener un travail de repérage des familles dont les enfants tireraient le plus grand bénéfice de cette scolarisation et pour cela organiser une collaboration avec des acteurs extérieurs à l’éducation nationale : le conseil général, la municipalité, les associations, d’autres ministères… Ainsi, le repérage peut être effectué par la protection maternelle et infantile, par les structures de la petite enfance (crèche, halte-garderie), par le relais assistantes maternelles (RAM), le dispositif ou programme de
réussite éducative, le centre médico-psychologique… Pour effectuer ce travail « de fourmi », il ne suffit pas de prendre contact avec ces différents partenaires (ce qui semble être la majorité des cas en milieu urbain défavorisé) ; il faut aussi les mettre en réseau, ce qui nécessite un dialogue plus approfondi, des actions communes, des projets à faire vivre ensemble. Or, dans la plupart des cas, ce travail n’est au mieux que commencé.
Quelques initiatives sont évoquées : utilisation par un RAM de la salle de motricité de l’école ou activités communes (motricité, cuisine), sorties communes avec la crèche ou la halte-garderie,
visites à l’école des enfants inscrits dans ces dispositifs, participation commune à des événements comme « la grande lessive », co-organisation avec la PMI de cafés ou d’ateliers des parents.

Le faible nombre de ces initiatives explique cependant que les interlocuteurs rencontrés ne sont pas en mesure de savoir si des familles, notamment les plus repliées sur elles-mêmes, ont vraiment pu être contactées et si elles ont pu être alors convaincues de l’utilité d’une
scolarisation précoce.

p. 42
2.5. Des élus à associer pleinement
Les élus rencontrés par la mission d’inspection générale dressent un bilan positif d’un scolarisation des enfants de moins de trois ans qui s’intègre bien dans les axes des politiques municipales en faveur des quartiers les plus défavorisés.
Ils s’interrogent cependant sur le coût que représenterait une montée en charge de cette forme de scolarisation sachant que dans la plupart des communes, moins du tiers des élèves potentiellement concernés par la politique ministérielle est scolarisé.
Par ailleurs, de nombreux édiles municipaux auditionnés par la mission invitent l’État à plus de constance quant à la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Ils souhaitent que cette scolarisation précoce ne soit plus considérée comme une variable d’ajustement de la carte scolaire, qu’elle monte en puissance pour répondre aux nombreuses demandes tout en tenant compte de leurs contraintes. Au regard de ces investissements parfois coûteux, certains élus s’interrogent sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités et mentionnent les dépenses
de fonctionnement que peut entraîner la réforme des rythmes scolaires.

p. 45
3.1. Une diversité d’attentes envers l’école
3.1.2. Une demande sociale inégale
Dans les secteurs prioritaires pour développer la scolarisation des moins de trois ans, d’autres questions se posent. D’abord, il s’agit tout autant de répondre à la demande de scolarisation précoce que d’inciter les familles les plus éloignées de l’école à la rejoindre ; les publics cibles ne sont pas toujours atteints, les démarches engagées par les différents partenaires52
pouvant se révéler infructueuses53 faute d’avoir pu bien identifier les bénéficiaires potentiels ou de les avoir convaincus des avantages qu’ils pourraient retirer d’une scolarisation avant
trois ans54. Lorsque les enfants fréquentent l’école, certaines caractéristiques sont à
mentionner pour les quartiers prioritaires :
– l’existence d’attentes fortes, omniprésentes parmi les familles immigrées,
concernant l’apprentissage de la langue, et principalement de la langue française,
notamment lorsqu’elles ont le sentiment de parler peu ou mal le français, ceci
pouvant aussi représenter un enjeu dans la relation entre parents et enfants, ou dans
les modalités de communication au sein de la famille lorsque les enfants parlent
français entre eux55 ;
– des mères mentionnent aussi parfois le bénéfice qu’elles peuvent en retirer pour
leur propre apprentissage de cette langue en échangeant avec leur enfant ;
– les parents, « présents et disponibles », investissent fortement l’école et participent
activement à la vie de la classe, déclarant par exemple dans les entretiens que « les
parents appartiennent au fonctionnement de la classe »56.

 

Le compte rendu du Café pédagogique
Alors que la loi d’orientation sur l’Ecole a fait de la scolarisation des enfants de moins de trois ans un de ses objectifs majeurs, un rapport de l’Inspection générale montre que celle-ci marque le pas. En effet, la scolarisation des moins de trois ans nécessite des moyens matériels importants, du personnel spécialement formés, une bonne coordination entre l’Education nationale, ses partenaires et les parents. Toutes ces conditions sont difficiles à réunir. Le rapport montre aussi que l’Education nationale s’adresse trop peu aux parents qui ont le plus besoin de cette scolarisation, ceux des quartiers populaires.

Selon la loi d’orientation, 3 000 des 54 000 nouveaux postes créés durant le quinquennat devraient être ciblés vers la scolarisation des moins de trois ans. Variable d’ajustement, la scolarisation des moins de trois ans a vivement régressé sous les présidences Chirac et Sarkozy passant d’un enfant sur trois à un enfant sur dix. En 2012 seulement 11% des enfants de moins de trois ans étaient scolarisés. En 2013, ce taux atteignait 11,8% , soit 6 000 enfants supplémentaires scolarisés.
Grace à quelques politiques volontaires, comme à Créteil, le taux est plus élevé en éducation prioritaire où il atteint 20%. Mais après 397 postes ouverts en 2013, la rentrée 2014 n’a vu que 262 emplois crées. Pour Gilles Pétreault et Marc Buissart, les directeurs du rapport, "les créations d’emplois marquent le pas". A ce rythme là la création des 3 000 postes nécessiterait deux quinquennats...

Les familles prioritaires souvent oubliées
[...] Alors que la scolarisation des moins de trois ans est surtout profitable aux enfants des quartiers populaires, le rapport souligne que " la recherche des publics prioritaires (est) rarement réalisée". On privilégie les enfants les plus âgés plutôt que ceux qui ont le plus besoin de la scolarisation, explique le rapport. Il recommande un travail de repérage des familles pour qui la scolarisation serait la plus bénéfique en lien avec les assistantes maternelles et les crèches.

[...] Le rapport souligne l’importance des ATSEM et de la relation avec les parents. L’Atsem joue "un rôle essentiel dans la vie des jeunes enfants". Elles ont une fonction éducative, particulièrement en terme de sécurité affective.

Priorité aux classes spécifiques
Dans les recommandations, le rapport interroge sur l’affectation prioritaire d’enseignants à mi-temps dans ces classes, les enfants étant souvent absents l’après-midi. Il recommande de favoriser les classes spécifiques et de développer des dispositifs de sensibilisation des familles prioritaires. Il recommande aussi de développer des formations à la pédagogie des moins de trois ans.
On trouvera aussi dans le rapport des recommandation concernant directement l’équipe éducative : " les locaux et l’accès à des espaces extérieurs : les surfaces doivent être vastes, les fonctions pour la vie quotidienne (propreté, nourriture, sommeil) bien intégrées et facilement accessibles, les aménagements matériels adaptés pour que chacun puisse agir librement et en sécurité". Il lui resterait à faire des recommandations spécifiques aux familles populaires.
Mais la scolarisation des moins de trois ans se heurte aussi parfois aux résistances des familles populaires. Elle se situe aussi au coeur de stratégies de conquêtes entre public et privé qui n’ont rien à voir avec les objectifs de la loi d’orientation. C’est ce qui explique, par exemple, un taux particulièrement élevé de scolarisation dans l’ouest et dans des zones non prioritaires. Là la puissance publique devrait ajuster ses moyens à ses objectifs.

Extrait de cafepedaggoique.net du 22.09.14 : Scolarisation des moins de 3 ans : L’Education nationale marque le pas devant les difficultés

 

Consulter aussi la présentation de touteduc.fr

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