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"Seule une équipe stable, cohérente, soudée peut permettre d’améliorer le climat scolaire" (Catherine Veltcheff)
"Les courbes de signalements, rapports d’incidents qui remontent dans les rectorats, augmentent de façon importante à Noël et en hiver. Puis, elles redescendent progressivement. Beaucoup de choses sont prévisibles. Il faut avoir la capacité d’anticiper en amont pour améliorer le climat scolaire." C’est ce qu’affirme Catherine Veltcheff, adjointe d’Eric Debarbieux à la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire lors de son intervention à la rencontre publique de l’OZP, hier 26 mars, sur le thème "le climat scolaire en éducation prioritaire".
Elle rappelle qu’actuellement dans les établissements scolaires, "les enseignants se demandent ce que leur réserve la fin d’année, les chefs d’établissements voient la seconde moitié de l’année arriver à toute vitesse avec les examens, l’orientation… Les CPE se demandent à quoi cela sert de remplir le logiciel de vie scolaire que personne n’utilise et qui est pourtant très fin… Chacun a des préoccupations qui ne se rencontrent pas." Or, "seule un équipe stable, cohérente, soudée peut permettre d’améliorer le climat scolaire". Catherine Veltcheff répète que la "violence dans les établissements n’est pas exogène".
"Le lien entre climat scolaire, qualité des apprentissages, réussite scolaire et victimation dans l’établissement est largement établi par la recherche". Catherine Veltcheff estime qu’il faut agir car un bon climat scolaire améliore l’implication des élèves dans les apprentissages et leur permet de développer l’estime de soi. De même, il permet de réduire les inégalités : les résultats scolaires des élèves sont meilleurs indépendamment des facteurs socio-économiques initiaux. Un bon climat scolaire permet de réduire le stress et l’isolement, faisant de l’établissement un lieu structurant et motivant. Ce qui permet également de réduire l’absentéisme et le décrochage.
Catherine Veltcheff cite sept facteurs qui influent sur le climat scolaire : la stratégie d’équipe, la justice scolaire, la qualité de vie à l’école, les pratiques partenariales, la co-éducation, la pédagogie de coopération, la prévention des violences et du harcèlement. Il existe des leviers disponibles dans les établissements : le projet d’établissement, les instances, le conseil pédagogique, le règlement intérieur.
"N’importe quel établissement est susceptible de partir en vrille"
Ainsi, "il faut consacrer 50% de son temps à réfléchir aux contenus des cours et 50% de son temps à réfléchir au climat scolaire". Il faut "favoriser la prise en charge collective des élèves, les échanges pédagogiques". "Il faut également prendre en compte les signaux faibles. Les dégradations mineures constituent le fond du sentiment d’insécurité chez les élèves et les enseignants." Il ne faut pas stigmatiser les établissements de l’Education prioritaire, même si ils doivent faire face à des problématiques spécifiques : "N’importe quel établissement est susceptible de partir en vrille. Lorsque les adultes ne s’entendent plus et ne voient plus ce qui se passe chez les élèves, l’établissement va dans le mur."
Le site web "climat scolaire", à consulter.
Extrait de touteduc.fr du 27.03.14 : Seule une équipe stable, cohérente, soudée peut permettre d’améliorer le climat scolaire (Catherine Veltcheff)
Peut-on prévenir le harcèlement et la violence scolaire ? Invitée par l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), Caroline Veltcheff, adjointe d’Eric Debarbieux à la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire, pense que oui. A quelques jours de la remise des prix du concours contre le harcèlement (le 7 avril), elle fait le point des connaissances et des recommandations de la délégation.
La lutte contre la violence scolaire revient de loin. Rappelons nous les débats sur la sécurité à l’école entièrement tournés vers la cloture des établissements et la lutte contre les intrusions à grand renfort de caméras et de présence policière. La grande réussite de la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire, dirigée par Eric Debarbieux, a été de détourner inlassablement les prurits sécuritaires vers les savoirs universitaires de façon à faire apparaitre les vrais enjeux de la violence scolaire, à commencer par la lutte contre le harcèlement.
Anticiper les phénomènes
"Ce n’est pas naturel de réunir 400 enfants dans un même lieu. Il faut penser le collectif", explique C. Veltcheff. Par conséquent, "agir sur le climat scolaire c’est d’abord anticiper". Elle montre l’impact des phénomènes de harcèlement sur le climat scolaire et sur les résultats des élèves. "Quand on travaille sur le climat scolaire on réduit les inégalités sociales et on produit une plus value scolaire".
"Le climat scolaire c’est d’abord un climat de classe", ajoute-elle. La lutte contre le harcèlement commence dans la classe où "on peut déminer des situations avec quelques gestes". D’où l’importance de la formation des enseignants à repérer les actes de harcèlement (vols de trousse par exemple) et à prévenir la dégradation du climat. "Quand on enseigne le français, par exemple, il y a mille façons de rédiger une appréciation ou de rendre des copies". On peut encourager ou décourager la coopération par ses pratiques pédagogiques. Pour C Veltcheff, l’enseignement est "un métier de l’humain", on ne le sait pas assez. "Il faut dire aux enseignants qu’ils auront 5% des élèves totalement rétifs à l’enseignement ayant besoin d’une prise en charge qui dépasse l’enseignant. Sur ceux là les punitions sont inefficaces".
"Seule une équipe stable et soudée peut permettre d’améliorer le climat scolaire", pense C Veltcheff. Or les phénomènes d’ostracisme sont très présents dans le monde enseignant, comme l’ont montré les enquêtes d’E. Debarbieux. Le sentiment de défiance envers la hiérarchie est très présent dan sle primaire, déclare C Veltcheff. Dans le secondaire les visions entre chefs d’(établissement et enseignants sont très éloignées : le climat scolaire est jugé bon par la moitié des personnels de direction et 13% des enseignants... Elle donne en exemple les procédures d’accueil systématiques des nouveaux personnels mis en place dans quelques établissements.
Où en est-on ?
Assez optimiste, C. Veltcheff montre l’action de la délégation. En matière de formation des enseignants, elle travaille avec 7 Espé. La formation des chefs d’établissement et des CPE stagiaires devrait comporter une formation à la lutte contre le harcèlement scolaire. Pour les cadres rectoraux, une formation à la gestion de crise est prévue avec la gendarmerie...
Mais ce sont les solutions d’établissement qui intéressent les membres de l’OZP. Quel impact du plus de maitres que de classe, demande P Garnier du Snuipp ? La co intervention a été détectée comme un élément positif pour réduire les tensions en Finlande, répond C Veltcheff. L’importance de l’apprentissage du vivre ensemble est souligné par une directrice de maternelle. Comment désamorcer la violence des parents, interroge un principal du 92.
C Veltcheff cite des exemples de stratégies de liens avec les parents en développant des moments conviviaux dès la rentrée. Sont soulevés aussi les questions de l’architecture scolaire qui facilite ou pas le bien être des élèves et la surveillance, et la multiplication des règlements dans les écoles. Au règlement intérieur s’ajoutent les règlements de classe, celui de la ville pour la cantine ou les animations souvent sans cohérence...
Le 7 avril, la délégation va remettre les prix du concours sur la lutte contre le harcèlement. Selon C Veltcheff, 800 établissements ont participé et réalisé des affiches et des vidéos en s’appuyant sur les savoirs diffusés par la délégation et les outils de diagnostics téléchargeables sur son site. Le concours a donc fait progresser les connaissances sur le terrain. Des coups de coeur académiques ont aussi mobilisé des équipes rectorales.
Cela clôt un bilan très positif de l’action de la délégation qui en peu de temps a réussi une véritable révolution culturelle sur la violence scolaire. Mais il reste une part d’ombre, celle de la violence institutionnelle d’un système éducatif de plus en plus injuste socialement et qui amène à l’échec une part non négligeable des élèves sur des critères sociaux et ethniques. L’Ecole semble encore mal préparée à anticiper et agir sur ce terrain et sur les contestations radicales du type de la Journée du refus de l’école.
François Jarraud
Extrait de cafepedagogique.net du 27.03.14 : Climat scolaire : Quelle prévention dans l’éducation prioritaire ?