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Communiqué de la Cour des Comptes (17.07.12)
La politique de la ville. Une décennie de réformes
(Rapport thématique public, juillet 2012)
La loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a constitué un acte refondateur de la politique de la ville. L’ampleur du programme national de rénovation urbaine en témoigne. De nombreuses réformes se sont ensuite succédé, qui ont fait évoluer en profondeur les objectifs et les modalités de la politique de la ville.
Pour autant, dix ans plus tard, les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes environnantes ne se sont pas réduits, comme le montrent les mesures effectuées par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (l’ONZUS).
La Cour et les chambres régionales des comptes examinent les causes de ce mauvais résultat :
– une dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop important de quartiers ;
– des défauts persistants de gouvernance et de coordination ;
– un manque d’articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social ;
– une répartition inadéquate des crédits dédiés à la politique de la ville ;
– une trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun.
Le rapport tire de ces analyses un ensemble de recommandations visant à surmonter les difficultés constatées.
– Engager rapidement la réforme de la géographie des zones prioritaires
Préalable indispensable à toute nouvelle politique de la ville, la réforme du zonage doit permettre de concentrer l’effort sur les territoires qui présentent les difficultés les plus grandes, tout en harmonisant les zonages légaux et contractuels. La géographie prioritaire actuelle, trop dispersée et trop complexe, ne permet pas un ciblage précis des actions sur les territoires les plus vulnérables.
- Renforcer le pilotage interministériel à l’échelon central et celui des préfets sur le terrain
La politique de la ville manque d’une coordination interministérielle suffisamment forte dans un contexte où les intervenants sont de plus en plus nombreux, en particulier depuis la création des deux agences nationales : l’ANRU (l’agence nationale pour la rénovation urbaine) et l’Acsé (l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances). A l’échelon central, le pilotage assuré par le secrétariat général du comité interministériel des villes est insuffisant pour assurer une bonne coordination entre les interventions des agences nationales et les ministères concernés et entre ces derniers et les collectivités territoriales. Il en va de même sur le terrain où le rôle de coordination des préfets, notamment des préfets à l’égalité des chances, doit être renforcé.
- Mobiliser les intercommunalités
Les intercommunalités, moins impliquées jusqu’à présent que les communes dans la mise en oeuvre de la politique de la ville devraient être associées systématiquement aux contrats locaux. La notion d’intérêt communautaire nécessite une définition plus large. La répartition des rôles entre les différentes collectivités territoriales devrait être précisée.
- Etablir un bilan précis des engagements du programme national de rénovation urbaine (PNRU)
L’un des principaux constats de la Cour et des chambres régionales est que le financement du PNRU n’est pas assuré au-delà de 2013 : à ce jour plus de 40 Md€ ont été mobilisés : 10Md€ apportés par les collectivités territoriales, 12Md€ par l’Etat et l’Union de l’économie sociale pour le logement, 18Md€ par les bailleurs sociaux. Il est indispensable d’établir un bilan précis des financements effectivement disponibles ou mobilisables afin de sécuriser l’achèvement du programme, avant de définir de nouveaux objectifs.
- Consolider et amplifier les premiers acquis du PNRU
Trois préconisations sont avancées : engager les acteurs locaux à se fixer des axes de travail commun ; organiser la prise en compte des quartiers dans les politiques locales de droit commun ; mettre en oeuvre les plans stratégiques locaux préconisés par l’ANRU à l’issue des conventions actuelles.
- Réformer le cadre contractuel
La Cour et les chambres régionales recommandent de mieux articuler les interventions de rénovation urbaine et de cohésion sociale dans de nouveaux contrats uniques de la politique de la ville, qui lient ces deux volets et associent systématiquement les intercommunalités.
- Faire bénéficier les quartiers prioritaires de plus crédits
Une impulsion politique forte et continue est nécessaire pour mettre fin à un paradoxe persistant : les zones prioritaires restent aujourd’hui défavorisées dans les allocations de crédits au titre des politiques de droit commun. Les nouveaux contrats uniques doivent donc notamment engager l’Etat et les collectivités partenaires à mobiliser les politiques publiques dans les quartiers en inscrivant et chiffrant les moyens engagés par chacun.
- Renforcer la politique de l’emploi dans les quartiers prioritaires
Il est également recommandé de faire le bilan régulier de l’impact, sur les jeunes résidant en zones urbaines sensibles (ZUS), des contrats d’objectifs et de moyens en matière d’apprentissage pour 2011-2015. Elles préconisent de cibler les publics des ZUS dans les parcours d’accompagnement de Pôle emploi destinés aux demandeurs d’emplois ayant des difficultés de reclassement. Une fois la réforme de la géographie prioritaire engagée et le nombre de quartiers ciblés réduit, la présence de Pôle emploi dans les quartiers prioritaires devrait être encouragée.
Lire le rapport intégral de la Cour des Comptes (juillet 2012, 344 p.), ainsi que la synthèse (23 p.) La politique de la ville. une décennie de réformes
Parmi les 6 recommandations de la synthèse, nous avons relevé celles-ci :
– poursuivre le rééquilibrage territorial dans la répartition des crédits spécifiques de la politique de la ville au profit des six départements identifiés comme rencontrant les plus grandes difficultés (et dotés à ce titre d’un préfet délégué à l’égalité des chances : Bouches-du-Rhône, Essonne, Nord, Rhône, Seine-Saint-Denis, Val d’Oise ;
– évaluer les résultats obtenus par les associations, remettre en cause les conventions inefficaces ;
– renforcer la coordination entre le ministère de l’éducation nationale, l’Acsé et le secrétariat général du comité interministériel des villes pour
assurer une meilleure articulation des mesures éducatives financées dans les quartiers par les crédits de droit commun et par des crédits spécifiques ;
A - En matière d’éducation, une juxtaposition des dispositifs qui favorise les effets de substitution
L’éducation constitue l’un des thèmes prioritaires financés par les crédits spécifiques de la politique de la ville. Ainsi, l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) a consacré en 2010 126,2 M€ à l’éducation, soit 26 % du budget de ses interventions, dont près des 2/3 ont été affectés au programme de réussite éducative.
1 - Une diversité de dispositifs financés par des crédits spécifiques
a) Le poids prépondérant du programme de réussite éducative
b) Une multiplicité de dispositifs complémentaires dans le domaine éducatif. " Hors la réussite éducative, une dizaine d’autres interventions, évaluées globalement à 31,1 M€ en 2010, poursuivent plusieurs objectifs pour prévenir l’échec scolaire et le décrochage, promouvoir des parcours d’excellence afin de favoriser l’égalité des chances et accompagner les
familles dans leur rôle éducatif (soutien à la parentalité).
Il s’agit d’actions financées dans le cadre des contrats urbains de
cohésion sociale (actions locales sportives, culturelles et éducatives en lien avec l’école ), de celles relatives à l’école ouverte, de l’accompagnement scolaire et des contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS), des dispositifs spécialisés pour les primo-arrivants et des mesures déployées dans le cadre de la dynamique Espoir banlieues depuis 2008 (busing, internats d’excellence, accès aux grandes écoles et
aux filières d’excellence, actions de prévention du décrochage scolaire, cordées de la réussite)".
2 - Un manque d’articulation entre les actions de la politique de
la ville en matière éducative et celles de droit commun
a) De trop nombreux dispositifs juxtaposés "Les risques de redondance entre dispositifs, et de substitution des
moyens spécifiques de la politique de la ville aux moyens de droit
commun de l’éducation nationale sont, de fait, réels." Ainsi l’EN, avec l’accompagnement éducatif puis l’aide personnalisée, développe, comme l’Acsé, des réponses individualisées aux difficultés des élèves. "De plus, ce ministère développe de plus en plus des actions hors temps scolaire98, ce qui rend floue la frontière entre temps scolaire, traditionnellement occupé par l’éducation nationale, et temps périscolaire dans lequel s’inscrivent classiquement les actions de la politique de la ville".
b) Une coordination encore insuffisante Le rapport pointe en particulier un risque de redondance entre les CLAS et l’accompagnement éducatif mis en place par l’Education nationale. De même il recommande à l’EN de reprendre davantage à son compte l’"Ecole ouverte" (qui est proche des stages de remise à niveau que ce ministère assure) et à l’ACSE de concentrer son financement sur le dispositif "Ville Vie Vacances.
c) Une mise en cohérence à poursuivre. "Il conviendrait notamment d’établir un bilan de la mise en oeuvre
de la circulaire de la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville du 5 novembre 2010, adressée aux préfets afin de les inviter à renforcer l’articulation entre les dispositifs éducatifs soutenus dans le cadre de la politique de la ville et les dispositifs du ministère de l’éducation nationale".
En vente à la Documentation française
  :
Le ministre délégué à la Ville, François Lamy, qui doit remettre mardi à Jean-Marc Ayrault sa feuille de route, réagit au dernier
rapport de la Cour des comptes. Interview.
François Lamy : il faut une nouvelle carte de la politique de la Ville
Le Nouvel Observateur :Rénovation urbaine : "il faut casser la politique du ghetto"
Il existe actuellement 751 zones urbaines sensibles (ZUS) dispatchées sur l’ensemble du territoire. A ces espaces ayant droit à des aides spécifiques s’ajoutent 2493 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) dont 70% ne sont pas classés… en ZUS.
Le Parisien : Et si on n’aidait que 6 départements
Le soir même, le ministre chargé de la ville devait soumettre à Jean-Marc Ayrault l’idée d’une grande concertation où serait notamment discutée l’idée d’un ou deux contrats uniques fusionnant les dispositifs actuels en faveur des quartiers.
Localtis info : François Lamy soumet son "plan banlieues" à Jean-Marc Ayrault