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Zones d’éducation prioritaires, une problématique européenne ? (Bulletin OZP, n° 4, novembre 1993)

3 novembre 1993

Bulletin de l’association OZP, n° 4, novembre 1993

 

Zones d’éducation prioritaires, une problématique européenne ?

par Anne-Marie Gille

Madame Gille, inspectrice de l’Éducation nationale et responsable de ZEP, se livre dans ce chapitre à une analyse de l’impact de la ratification du traité de Maastricht sur le système éducatif. Plus précisément, elle nous propose d’examiner les réponses données par les systèmes éducatifs européens à un problème commun : celui de "zone défavorisée".

Avant propos :

Au moment où on nous annonce la ratification du traité de Maastricht par l’Allemagne (dernier pays de la communauté à s’ exprimer en faveur de ce texte, ce qui permet ainsi sa mise en œuvre à brève échéance), il n’est sans doute pas inutile, dans le cadre d’un article abordant un problème d’éducation dans le contexte européen, d’évoquer les conséquences possibles ou probables sur l’école en Europe, de la mise en place de l’Acte unique en janvier 1993.

C’était d’ailleurs l’objet du "Monde de l’Éducation" (n° 200) publié à cette date et qui tentait, à travers une enquête par thèmes, de cerner "ce qui allait changer".

"Rien" diront ceux qui, usagers à divers titres, de notre système éducatif, n’ont effectivement repéré aucun changement, qui nous soit venu, explicitement, de décisions européennes. Dans notre système national les seules "réformes", volonté d’innovation voire de mutation, nous viennent, à ce jour, de notre gouvernement et de lui seul.

Dans son article "Construction européenne et devenir de l’éducation en France : quelques réflexions", Henri Dieuzeide évoquait ce problème. "Ce n’est pas le moindre paradoxe de notre temps que de voir l’Europe, projet de l’avenir par excellence, ne réserver encore qu’une place mineure à l’éducation, outil essentiel cependant pour façonner les citoyens européens de demain."

Le traité de Maastricht, texte de mise en application de l’Acte unique, introduit pour la première fois l’éducation, de façon formalisée, dans des objectifs explicites d’actions communautaires. En effet, s’il réaffirme l’inaliénable responsabilité des États membres dans l’organisation, la gestion et les objectifs de leur système éducatif, il engage des perspectives d’actions qui donnent une légitimité communautaire à quelques grands principes : l’égalité des chances, le refus de toute discrimination, la promotion des droits de l’homme, la protection de l’environnement, etc.

D’une façon générale, les pays européens ayant mené la même politique persévérante de démocratisation de l’enseignement, tous se retrouvent dans des déclarations qui tendent à promouvoir une forme d’éthique internationale à laquelle chaque système peut explicitement ou non se référer.

Il n’en reste pas moins vrai que le système éducatif d’un pays est le garant de son identité nationale et que, de ce point de vue, l’Europe des Douze est une Europe de "douze systèmes éducatifs" où prévaut la diversité : celle des structures, celle des pratiques, celle des gestions mais aussi celles des attitudes et des mentalités.

Mais il est un point de réelle convergence : celle des problèmes rencontrés.

Si nos identités nationales sont encore clairement affirmées, notre devenir, inscrit dans des façons de vivre et de travailler semblables, dans une évolution technique et économique commune, est globalement identique. C’est par le biais de ces mécanismes évolutifs de nos sociétés que des systèmes éducatifs complexes, nationalement très déterminés, convergent progressivement l’un vers l’autre.

Le sujet de cet article sera de ce point de vue exemplaire : aborder l’éducation en Europe par la notion de zones d’éducation prioritaires, c’est expérimenter cette convergence de nos systèmes à travers l’obligation d’une recherche de solution à une situation-problème commune : l’échec scolaire comme mécanisme d’exclusion.

L’ouverture du marché européen, non plus à la seule circulation des biens, mais à celle des personnes, aura obligatoirement des conséquences sur nos systèmes éducatifs.

Par le jeu d’un dosage subtil entre règlements (immédiatement exécutoires dans tous les pays membres), directives (contraignantes mais inscrites dans la durée pour une opérationnalisation progressive), résolutions (engagements à prendre en compte mais selon des modalités et des rythmes propres) et conclusions (sans engagement pratique) nos systèmes éducatifs participeront d’un dispositif de coopération et d’harmonisation assez souple pour respecter la diversité.

Les effets directs identifiables s’attacheront aux diplômes où il convient de distinguer équivalence et reconnaissance, mais aussi à la circulation des étudiants voire des élèves et à celle des enseignants.
Dans un contexte européen où l’une des disparités importantes tient à la pénurie d’enseignants dans certains pays et à leur nombre excédentaire dans les autres, la mise en œuvre de la mobilité sera infiniment complexe mais, au-delà des difficultés probables (discontinuité du statut de fonctionnaire, validité de la notion de concours etc...) il y aura cette circulation dynamique des méthodes, des pratiques et des matériels pédagogiques dont seront porteurs les représentants des divers systèmes. Cela devrait constituer un réel enrichissement mutuel.

Les effets indirects se situeront là sans doute, si les enseignants y consentent, dans cet échange d’informations, de modèles et d’expertises qui contribuera à cristalliser dans une direction européenne la solution de difficultés rencontrées dans les systèmes nationaux.
De plus, en référence à des valeurs communes il s’agira de favoriser "l’émergence d’une citoyenneté européenne positive" qui se fonderait sur "la recherche de la compréhension des autres", "une aspiration à plus d’invention et de savoir faire collectif et individuel", "l’affirmation d’une liberté critique face à la puissance des mécanismes du marché". J’emprunte là les mots de conclusion d’Henri Dieuzeide. Peuvent-ils être entendus autrement que comme une utopie morale inaccessible ?
Il eut été sans doute plus simple de "penser l’Europe" puis de "l’agir" dans un contexte économique moins préoccupant, qui réveille en nous l’inquiétude et de compréhensibles crispations sur des réalités rassurantes parce que familières et apparemment maîtrisées.

Mais c’est justement ce contexte de l’épuisement des modèles de référence, qui nous somme de penser l’avenir autrement. L’école ne peut échapper à ce défi-là.

1 Du côté de l’ éducation comparée : séductions et difficultés

Le désir de connaître en termes de proximité et de distance, voire de différence, les réponses données par douze systèmes éducatifs à un problème commun, ici, celui de l’échec scolaire et plus particulièrement celui qui s’articule étroitement à la notion de "zone défavorisée" fait partie de ces curiosités intellectuelles fécondes.
Toutefois cette démarche requiert certaines vigilances afin d’éviter le seul "tourisme pédagogique" qui consiste à se saisir d’informations (perçues positivement ou non) à partir de cette grille de lecture univoque de notre point de vue et de nos propres références dans le domaine concerné.

Les systèmes éducatifs sont inscrits dans des cadres politiques, culturels, et économiques qui ont historiquement façonné les caractéristiques nationales de chacun d’entre eux : ils constituent donc tous un noyau de complexité inscrit dans un contexte à la fois précis et fluctuant selon les événements. Ainsi vouloir décrire la situation du système éducatif allemand, malgré sa dimension fédérale très affirmée, ne recouvrira pas tout à fait la même réalité selon que l’on se situe avant ou après la réunification de l’Allemagne.

S’intéresser à la notion de zones d’éducation prioritaire en Europe nous place au cœur de cette difficulté : saisir une même réalité dans l’imbroglio des paramètres qui fondent la diversité des systèmes.

Cela implique un minimum d’information sur cette diversité : elle doit permettre de saisir comment, sur la base de principes et d’objectifs communs, les états européens ont su générer des réponses très diversifiées et souvent surprenantes au regard des modèles par lesquels nous avons été conditionnés, les uns et les autres, pour penser l’école.

La lecture d’un livre comme celui de F. Vaniscotte constitue de ce point de vue une première approche descriptive de cette diversité. Il présente de façon complémentaire les grandes priorités éducatives auxquelles doivent faire face les organisations européennes et internationales.

Il n’est pas possible dans le cadre d’un tel article de fournir l’ensemble de ces préalables à la réflexion, mais on peut mettre en lumière les éléments les plus représentatifs de l’ extrême hétérogénéité des systèmes.

Comme je l’ai signalé en avant propos, en s’attachant à une certaine exploration de ce que nous appellerons "zones d’éducation prioritaires", -même si la terminologie se révèle à l’usage souvent impropre dans un contexte international-, nous nous situons entre deux pôles de convergence :
 celui de la situation-problème : la concentration des formes cumulées de l’échec scolaire dans des secteurs socio-économiques défavorisés (le plus souvent les périphéries des centres urbains de plus ou moins grande dimension, mais pas de façon exclusive)
 celui de la volonté de remédiation par des dispositifs de prévention et d’accompagnement.

Entre les deux, il y a toute la complexité spécifique de chacun des systèmes qui donne une tonalité toujours différente à des projets ou des actions qu’un descriptif nous ferait croire similaires.

Peut-on dresser une typologie des différences qui s’apparentent souvent à une forme d’exotisme provocant ? Elle ne sera pas exhaustive mais elle devrait permettre une pondération nécessaire de l’approche comparative.

Les couples de paramètres contradictoires sont nombreux.
Nous retiendrons les suivants :
 centralisation / décentralisation administrative
 excédent ou pénurie d’enseignants
 existence ou non d’un statut de fonctionnaire
 affirmation ou non de la fonction de direction
 affirmation ou non du travail d’équipe
 existence ou non d’une dimension d’auto-évaluation régulatrice
 parents usagers ou parents commanditaires
 autogestion financière ou non etc..

Entre les extrêmes évoqués, la plupart des systèmes sont à la recherche d’équilibres, en jouant en permanence avec la tentation du contraire quand le modèle en place paraît constituer une situation de blocage.
L’exemple, presque caricatural en ce sens, nous est donné par la Grande Bretagne et la France, la première en recherche d’un centralisme qui temporiserait les dérives d’une décentralisation extrême, nous, représentant presque isolé de l’hypercentralisme en Europe, à la recherche d’une décentralisation et/ou déconcentration féconde vers une régionalisation ...tolérable (?) au regard de nos habitudes mentales et comportementales.

Je ne démultiplierai pas ici les exemples illustrant ces couples de réponses contradictoires ; il n’est d’ailleurs pas question de porter un jugement, a priori, sur ce qui est "bien" ou "préférable". Il y a une légitimité des réponses dans chacun des systèmes qui interdit une lecture décontextualisée.

Cependant, dans la réalité contemporaine, face à la démultiplication des problèmes liée à l’inflation des effectifs, à l’hétérogénéité des publics, aux conséquences d’une dégradation économique et sociale préoccupante, la quête d’un modèle opérationnel est partout à l’ordre du jour.
Et c’est sans doute là un des risques de l’éducation comparée : on peut construire une vitrine séduisante avec les ingrédients dominants de chacun des systèmes. Elle n’est jamais le garant d’une opérationnalisation dynamique et positive dans le cadre extensif des pratiques quotidiennes dans les classes dans le système donné (nous le savons dans le cadre de notre expérience propre) ; et si elle l’était, rien n’autorise à croire, à priori, à la validité et à la possibilité d’un transfert .

Reste la richesse de la démultiplication des points de vue, des stratégies et les relectures qu’elle permet de notre propre système ; nous sommes alors en situation de décentration par rapport à nos représentations et la confrontation à d’autres modalités de réponses constitue une occasion formatrice de déstabilisation et de reconstruction d’un point de vue à partir de données nouvelles.

C’est en ce sens que la découverte des réponses multiples à des problèmes communs peut constituer, au-delà de la simple curiosité une démarche fructueuse de co-formation individuelle et collective des enseignants en Europe

2 Existence d’une problématique commune des sociétés développées

Les sociétés développées du monde occidental sont confrontées à des difficultés identiques.

Celles-ci apparaissent selon des calendriers différents. Ainsi la crise économique en Grande Bretagne, apparue plus tôt, a engendré depuis plus longtemps l’émergence d’une société duale et les phénomènes liés à un chômage endémique et à la pauvreté, particulièrement un échec scolaire massif dans ces secteurs de grande fragilité sociale.
Leurs modes d’expression sont plus ou moins exacerbés selon les pays : le chômage des jeunes en Allemagne est moins important que dans les autres pays européens malgré l’accélération du phénomène dans le cadre de la réunification.

Ces sociétés doivent faire face à une montée préoccupante de l’échec scolaire et donc à l’absence de formation puis d’ insertion d’un nombre croissant de jeunes de milieux défavorisés. La crise économique et le processus de récession reconnus renforcent le phénomène.

Contradictoirement le dynamisme des sociétés contemporaines requiert une optimisation de la formation du plus grand nombre ("le capital humain" vu sous l’angle "des gisements de matières grises", et de "la gestion des ressources humaines", vocabulaire étrangement déshumanisant mais significatif de notre logique actuelle de développement).

Enfin l’exclusion devient un problème économique et se pose en terme de coût qui ne saurait être absorbé par les budgets nationaux et/ou internationaux s’il croît dans les proportions actuelles.

Quelles sont les tentatives de réponse des systèmes éducatifs à la gravité d’un tel problème ?

Il semble important de réidentifier tout d’abord la logique dans laquelle les systèmes éducatifs ont évolué au cours des trente dernières années.

Ce que j’évoquais en avant propos comme "la même politique persévérante de démocratisation de l’enseignement" s’est cristallisé dans les années 1960.
En effet les sociologues ayant mis en valeur la dimension ségrégative d’une école pour tous qui demeurait sélective, la plupart des pays industrialisés se sont orientés vers des formes voisines de ce que les anglo-saxons appellent la "comprehensive school" proche de notre "école unique".

Elle s’est alors caractérisée par :
 l’allongement de la scolarité pour tous (l’ insertion professionnelle différée dans le temps vue comme facteur d’égalité)
 le brassage social,
 une innovation pédagogique opposée à l’encyclopédisme
 le primat de "l’épanouissement individuel" .

Si la majorité des états européens se sont ralliés à ce modèle, la RFA d’alors, le Luxembourg et les Pays-Bas ont maintenu - et c’est important de le prendre en compte -un système sélectif de filières.

L’enseignement égalitaire a très progressivement montré ses limites, voire ses effets pervers : il est évident maintenant qu’il renforce les inégalités et que l’organisation formelle de l’égalité des chances ne recouvre pas l’égalité de résultats.
A partir de ce constat la différenciation pédagogique s’imposait à nouveau, mais avec la mise en place, si possible, d’ un accompagnement effectif de tous les élèves, dans leur spécificité.

Au point ou nous en sommes, il semble que la réflexion internationale s’attache désormais à l’analyse de "l’échec de la lutte contre l’échec scolaire" .

Ce phénomène complexe de l’échec scolaire présente une triple dimension emboîtée :
 sa forme individuelle et ses conséquences psycho-affectives pour le jeune,
 sa forme institutionnelle, échec potentiel d’un système (avec la charge réactive du corps professionnel impliqué qui se sent alors contesté),
 sa forme sociale, procès implicite d’une évolution peu maîtrisée ou mal anticipée d’une société (et on se situe alors dans la sphère des réactions idéologiques et politiques).

Ces trois formes de l’échec scolaire font l’objet de traitements spécifiques. Mais on est obligé de constater une relative impuissance des dispositifs nationaux à régler ce problème à partir du pilotage de réformes et/ou d’innovations globales.

Les seules mesures efficaces dans ce domaine relèvent de mesures spécifiques et locales : tel est le cas de ce que nous pouvons appeler "zones prioritaires d’éducation" en Europe et qui, dans leur réalité et leur évolution, recouvrent, le plus souvent, deux formes conjuguées d’action :

- les programmes compensatoires :

Ils consistent à engager un effort plus important au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin et appartiennent à un milieu socio-culturel défavorisé.
Il s’agit, à travers une dynamique de prévention et/ou d’accompagnement spécifique, de retrouver une normalisation de la scolarité de la majorité des enfants et des adolescents concernés. Le principe d’égalité des chances est bien ici réinvesti, en tenant compte de l’échec constaté ou probable de l’école "compréhensive" ou unique.

Ce qui est alors proposé au plan pédagogique c’est un enseignement différencié, s’adaptant à la diversité des attitudes face aux savoirs et aux savoir-faire. Il implique par ailleurs une discrimination positive qui s’oppose à la seule identification restrictive voire négative de la différence.
Il y a là, en effet, un risque important de dérive possible et de "ghettoïsation", qui a très vite donné lieu à des positions critiques (cf Bernstein )

- les dispositifs d’éducation globale

Ils sont fondés sur le constat que l’acquisition des connaissances chez un élève n’est pas segmenté et ne saurait relever du seul espace scolaire. Il est d’abord un enfant ou un adolescent qui se situe dans un espace multifonctionnel (social, culturel, familial, etc..) qui participe de son expérience sensible.
Cet espace est globalement éducatif, source de stimuli, images, savoirs, expériences, qui se coordonnent plus ou moins positivement avec les objectifs, les attentes et les méthodes de l’école.

Il faut alors inscrire l’école dans la complexité du processus et introduire une continuité éducative qui s’appuie sur des complémentarités et non sur des discriminations et des ruptures : cette démarche n’est d’ailleurs pas l’objet d’expériences pour les seuls enfants en difficulté, mais elle se révèle particulièrement fructueuse pour eux.

Dans les divers exemples donnés plus loin, on verra que les actions expérimentales engagées en Europe dans ce domaine coordonnent les deux démarches, dans et hors l’école.

Un programme compensatoire implique toujours une attribution particulière de moyens qualitatifs et quantitatifs qui permettent la mise en œuvre de projets spécifiques qui ne soient pas fondés sur la seule bonne volonté ou l’engagement militant voire sacerdotal des acteurs concernés.

Il existe d’ailleurs dans tous les systèmes éducatifs ces modes d’intervention qui peuvent, très vite, se confondre avec une forme de charité sociale ambiguë. Et s’il est indéniable que les qualités personnelles d’écoute, de compréhension et l’intérêt des enseignants pour cette forme de fonction font partie des "facteurs facilitants", il n’en reste pas moins vrai qu’un professionnalisme de haut niveau, s’inscrivant dans des programmes d’action clairement définis constitue la seule vraie garantie des résultats escomptés.

3 Quelques exemples : d’une stratégie nationale à des mises en œuvre spécifiques

Royaume Uni

Le concept de discrimination positive appliqué à l’attribution de moyens est d’origine britannique et coïncide avec le principe fondateur des ZEP en France : "accorder plus de moyens là où il y a le plus de besoins".

"Dès 1967, le rapport Plowden prévoyait d’affecter des subventions supplémentaires aux écoles accueillant des enfants de niveau socio-économique très modeste. Le rapport proposait également de concéder ces ressources à des zones comportant plusieurs établissements : Educational Priority Areas (EPA).
L’objectif central était d’apporter aux familles et aux enfants en difficulté une aide, à partir de l’école, de façon à compenser le handicap social. Il est vrai que dans le Royaume Uni, la tradition des communautés éducatives favorise considérablement ce type de démarche. L’autonomie de la communauté au plan pédagogique, l’implication des parents dans la vie scolaire ont permis une rapide mise en œuvre du dispositif.

Le rapport Plowden proposait 8 critères pour permettre d’identifier les zones :
 profession des parents
 taille de la famille
 allocations ou aides reçues de l’état
 surpeuplement des logements
 taux d’absentéisme à l’école
 taux d’enfants handicapés ou retardés
 nombre de familles monoparentales
 enfants ne parlant pas anglais.

Les zones ont été établies à partir des écoles primaires.

En 1968, 572 écoles regroupant 150 000 élèves ont bénéficié de crédits spécifiques. La plupart de ces subventions étaient accordées à des projets approuvés et finançaient surtout des centres de ressources et de stage de formation continue pour les enseignants, des cours d’anglais aux migrants, des centres de conseils aux familles.
La crise économique et les changements politiques ont arrêté le développement des EPA. Il en demeure cependant un certain nombre. Comme dans d’autres pays, les ressources affectées aux E.P.A. se sont ensuite reportées sur des programmes facilitant l’insertion sociale et professionnelle des adolescents.

Pays Bas

Trois grands projets de type compensatoire ont été engagés :
 le projet d’innovation d’Amsterdam ( IPA.)
 le projet de différenciation de l’enseignement (GEON.)
 le projet "Environnement et milieu social" (OSM)

Ce dernier est le seul qui se poursuive aujourd’hui et c’est dans le cadre de celui-ci qu’a été mis en place un réseau de zones prioritaires impliquant des écoles primaires, secondaires et spécialisées ainsi que des institutions d’assistance sociale. (Il s’agit d’une politique nationale de discrimination positive en faveur des groupes sociaux en difficulté qui vise la réduction de l’échec scolaire mais aussi celui de la criminalité.

Un projet éducatif de quartier est élaboré par les enseignants mais aussi l’ensemble des partenaires de la communauté éducative (bibliothèques, centres socio-culturels, maisons de quartier, fermes pour enfants etc..) avec les centres pédagogiques.
Ceux-ci jouent un rôle important dans la mise en œuvre du dispositif : financés par l’Etat et la commune ce sont des centres-conseil au service des enseignants ; ils réalisent des recherches mais interviennent aussi directement sur le terrain.

Le projet éducatif a des objectifs similaires à ceux de la plupart des zones prioritaires : ouverture sur l’environnement, contribution des divers partenaires, adaptation de l’enseignement aux besoins spécifiques des enfants, actions de soutiens, rôle nouveau donné aux parents.

Évalué en 1986, particulièrement en termes de résultats dans le domaine cognitif, il semble que le dispositif O.M.S. n’ait pas apporté les remédiations attendues mais le projet doit sans doute s’inscrire sur le long terme pour prétendre à plus d’efficacité. Le rapport d’évaluation insiste sur la nécessité d’une organisation rigoureuse de celui-ci, d’un "climat scolaire" favorable et sur l’insuffisante implication des parents perçue comme un obstacle important.

Portugal

La réforme scolaire en cours élargit à l’ensemble du territoire national, dans les secteurs où l’échec scolaire est devenu très préoccupant, les expériences menées dans quelques quartiers défavorisés.

Un effort particulier est mené dans le domaine de la santé avec une participation très importante du corps médical et des travailleurs sociaux. Tenant compte des erreurs commises par d’autres systèmes en Europe, une attention toute particulière est portée à la formation spécifique des maîtres.

Les maires des communes sont aussi très impliqués et peuvent être animateurs des équipes locales de zone prioritaire.

Un groupe de pilotage interministériel (Éducation, Santé, Jeunesse, Agriculture, Emploi) assure la direction, la gestion et l’évaluation du programme et coordonne actions et ressources.

Dans une expérience menée dans un quartier de Lisbonne on peut retenir deux options particulières :
 la prise en compte du rôle des "bandes"" qui, sans légitimité, ont pu trouver une forme de reconnaissance et d’intégration au tissu social par l’intermédiaire de clubs sportifs et de rencontres sportives avec les écoles. C’est une façon de restituer à cette "autorité parallèle" impossible à nier, un rôle positif.
 un enseignement à travers des activités pratiques quotidiennes : ateliers de réparation de bicyclettes ou des objets de la vie quotidienne, par exemple.

L’école est devenue ainsi progressivement une zone de neutralité sociale puis un lieu refuge et un pôle de conseils pour les mères en particulier.

Cette expérience témoigne d’une intégration rare de l’école répondant de façon aussi adaptée aux besoins spécifiques d’un quartier Elle exige sans doute des enseignants d’exercer "un autre métier" que celui qui était initialement le leur, mais les objectifs semblent globalement atteints voire même dépassés puisque l’école devient lieu ressource pour la communauté locale sans que l’on puisse toutefois évaluer de façon fiable la validité dans le temps d’un tel dispositif.

Espagne

Une direction générale de la promotion de l’enseignement et une sous-direction chargée de l’enseignement compensatoire ont été créées par le Ministère de l’Éducation.

L’objectif est de satisfaire les besoins d’instruction des personnes de tous les âges. C’est là une initiative très particulière et très ambitieuse.
Dans plusieurs pays existent des directions responsables de la formation des adultes mais aucun n’a confié la responsabilité de tous les groupes défavorisés du pays, adultes ou enfants à une direction unique. L’enseignement compensatoire en Espagne est assez éloigné de la formule des zones prioritaires. Il s’agit de prendre en charge les enfants qui ne sont pas adaptés au système traditionnel.

Cinq types de programmes ont été mis en œuvre :
 des programmes en zone rurale où sont organisées des sortes de classes uniques qui accueillent ensemble des enfants de 6 à 14 ans
 des programmes concernant les enfants quittant prématurément le système éducatif
 des programmes pour les enfants de 14 à 16 ans pour la poursuite d’une formation dans les régions où les problèmes socio-économiques sont importants
 des programmes adaptés à la fréquentation irrégulière des gitans
 des programmes organisés au profit des enfants des gens du voyage (saisonniers - gens du cirque etc.)

En 1986 ces programmes ont été complétés par deux autres, à destination des enfants d’immigrés et des enfants hospitalisés.

Ces écoles compensatoires bénéficient d’une grande autonomie pédagogique et construisent leur propre projet éducatif.
Les conditions d’enseignement y sont sensiblement meilleures que dans les établissements traditionnels : ainsi 23 élèves bénéficient de l’enseignement de deux professeurs. Ceux-ci sont volontaires et généralement très qualifiés. En 1988 le système compensatoire accueillait 10 000 élèves sur les 4 millions d’enfants scolarisés.

Outre cette approche rapide, et non exhaustive, des dispositifs proches de la notion de ZEP dans quelques pays européens, vous trouverez ci-dessous un résumé d’actions présentées dans le Rapport pour la CEE de R. Rivière sur la prévention et le traitement de l’ illettrisme en Europe.

Italie

"Projet d’alphabétisation des jeunes de Naples et sa banlieue"

Caractéristiques :

La demande d’alphabétisation provient de plus en plus de jeunes qui ont quitté prématurément l’école (esodo scolastico) Ils suivent ces cours afin d’obtenir le diplôme de fin d’études obligatoires (titolo di licenza media) et d’obtenir un emploi. Les objectifs de base du projet sont d’établir un lien entre connaissance de base et formation professionnelle.

Pour répondre à l’hétérogénéité du public, des modules ont été mis en place ; leur souplesse permet une adaptation aux besoins spécifiques de chacun, en proposant des formations adaptées qui s’attachent au développement personnel des jeunes dans le cadre d’un projet global dit de "formation permanente".

L’équipe qui encadre ces jeunes (4 professeurs d’enseignement général, 1 d’éducation technique et 1 d’éducation artistique pour 60 à 70 élèves et 21 h de cours par semaine) travaille en liaison constante avec :
 le CEDE (Centro Europeo dell’Educazione),
 le centre informatique de la faculté de Naples,
 des entreprises spécialisées en informatique,
 la délégation régionale du Ministère de la Culture,
 la Faculté d’architecture,
 l’École normale d’instituteurs,
 l’Institut central pour la Restauration du patrimoine culturel.

Les cours sont enrichis par la contribution d’experts et des visites guidées. Au terme de cette année de formation, il est délivré, avec l’obtention du diplôme, une attestation qui donne priorité à ces jeunes pour leur admission aux cours professionnels prévus lors d’une seconde année.

Évaluation :

Celle-ci est réalisée et contrôlée par un comité qui est composé par :
 le proviseur de l’établissement où sont donnés les cours,
 les représentants de l’IRRSAE de Campanie (Instituto Regionale per la Ricerca, la Sperimentazione a l’Aggiornamento Educativi),
 l’inspection académique de Naples,
 quelques experts ayant participé au module.

Très peu motivés au départ pour reprendre un enseignement général, les jeunes en acceptent ensuite le principe à partir du moment où ils prennent conscience de sa réalité de passage obligé pour accéder à un métier.

Pays-Bas

Caractéristiques de l’action :

Objectifs poursuivis :
 Prévention et lutte contre les inadaptations du système éducatif auprès des populations à risque afin d’améliorer les performances des enfants et les amener à suivre l’enseignement scolaire dans de bonnes conditions.
 Développer l’enseignement de la langue néerlandaise comme seconde langue.
 Favoriser l’engagement des parents.
 Développer l’éducation pré-scolaire en liaison avec les organismes sociaux.

Publics concernés :
 Les enfants avant cinq ans et leurs parents.
 les enfants des écoles primaires et secondaires en zone prioritaire (9 zones, 100 écoles primaires, 30 écoles secondaires).

Le bureau du projet (OVB) jouit d’une certaine autonomie et est chargé d’une mission de conseil des "organisations éducatives locales" ainsi que d’une fonction de production de matériel didactique pour les élèves issus de milieux défavorisés.

Évaluation :

Les effets attendus sont une optimisation des parcours scolaires de tous les enfants et une réduction de l’inégalité des chances. Les institutions concernées pensent aussi acquérir un certain professionnalisme face à ce nouveau type de situation en milieu urbain. L’originalité de la démarche tient à une approche globalisante des problèmes éducatifs ; toute la ville est concernée et l’ensemble des problèmes relatifs aux enfants socialement défavorisés sont pris en compte.

Une évaluation permanente de l’opération est réalisée (programmes et matériel) ainsi qu’une évaluation continue des acquisitions des élèves. En outre, au plan national, a été mise en œuvre une évaluation de la politique d’éducation prioritaire.

Danemark

"Recherche appliquée sur le terrain de prévention et de lutte contre l’analphabétisme". Municipalité d’Hirstals (15 000 habitants).

Objectifs :

Mettre en évidence les raisons pour lesquelles les jeunes acquièrent ou n’acquièrent pas les outils pour apprendre et rechercher les solutions qui permettraient à chacun de progresser.

Au-delà de l’analyse, le projet a aussi pour objectif de former des instructeurs qui auraient pour vocation, dans le cadre d’un réseau local, de former les parents afin que ceux-ci stimulent leurs enfants et les aident à acquérir les "outils culturels" requis.

Le principe de base de la politique engagée par la ville est de considérer que les efforts de tous les partenaires éducatifs doivent être coordonnés dès la naissance afin de réaliser une éducation globale.

Un "groupe de projet" a été constitué, qui a pour but de conduire et d’évaluer l’opération. Il est formé de divers conseillers, pédagogues, psycho-pédagogues, psychologues et chercheurs. Il se réunit tous les deux mois pour assurer le suivi.

Le travail de recherche et ses conclusions ont conduit à privilégier trois approches éducatives :
 travail préliminaire dans l’âge préscolaire de 0 à 6 ans, retenu comme une période décisive au cours de laquelle les parents doivent être en mesure de créer autour de l’enfant un environnement culturel favorable, en particulier en ce qui concerne l’écrit.
 travail pendant la scolarité de 7 à 17 ans. Là, tous les partenaires interviennent pour la formation de l’enfant et échangent leurs expériences.
 le contrôle des jeunes de 17 à 25 ans. A ce niveau, il s’agit de rechercher comment compenser les déficits et non plus comment les combler.

Évaluation :

Des enquêtes de suivi accompagnent la mise en œuvre du dispositif. La commune d’Hirstals collabore par ailleurs avec d’autres communes d’Europe intéressées par ce type de démarche (Espagne : Salamanque ; Portugal : Garganta ; Irlande : Dublin).

5 Les ZEP en Europe : une situation de presque consensus

Issues d’une problématique commune et d’ objectifs de régulation partagés, il semble possible d’affirmer que les ZEP en Europe témoignent d’une proximité de mise en œuvre .

A partir de stratégies générales, inscrites dans les politiques nationales d’éducation, la mise en place des ZEP s’appuie sur les points suivants :
 la mise à disposition de moyens qualitatifs et quantitatifs supplémentaires et/ou spécifiques
 une relative autonomie de décision et d’action des expériences locales
 une dynamique de projet concerté qui implique : le travail d’équipe dans les établissements scolaires, des relations inter-niveaux et inter établissements, un travail partenarial au sein de la communauté éducative dans sa réalité sociale globale, ceci afin d’assurer :
 la continuité et la cohérence de l’aide et de l’accompagnement de tous
 la mise en place d’un dispositif d’ auto-évaluation pour une auto-régulation des actions engagées
 une évaluation externe complémentaire qui assure l’évolution de la politique engagée (pérennisation - prolongation - réorientation - abandon).

Dans le cadre de cette trame méthodologique commune, une autre forme de consensus apparaît, celle de l’introduction systématique d’une pédagogie différenciée bien sûr, mais qui, contrairement à un système de filières très vite lieu possible de relégation, affirme la volonté d’un accès qualitatif pour tous aux apprentissages cognitifs

Mise en œuvre humaniste d’une authentique égalité des enfants devant le savoir ou réponse impérative à des pressions économiques sans précédent ?

Les actions entreprises procèdent sans doute de cette double visée, la seconde introduisant dans le domaine des seules intentions, l’urgence de la dimension d’efficacité obligée.
Ainsi la démarche de discrimination positive et les programmes compensatoires constituent le nouvel arsenal de l’égalité des chances, mais si celui-ci vise toujours la réduction des inégalités c’est bien dans une perspective d’optimisation de la réussite, dans le domaine des apprentissages, de tous les élèves.

Nous verrons d’ailleurs, en conclusion, les conséquences des expérimentations de type ZEP sur l’ensemble de chacun des systèmes éducatifs.

La mise en place de Loi d’orientation de 1989 en France est, de ce point de vue, très intéressante et Lionel Jospin, alors Ministre de l’Éducation affirmait lui-même clairement l’identité de la Nouvelle politique pour l’école avec les innovations positives expérimentées et valorisées dans les zones d’éducation prioritaires.

Si l’on se réfère aux différentes évaluations conduites dans plusieurs systèmes mais aussi à certains rapports internationaux (CEE - OCDE) tous s’accordent à remarquer que l’évolution positive des politiques entreprises ne pourra réellement s’affirmer que si les vigilances suivantes sont mises en place :

 une formation (et on dit de plus en plus une professionnalisation) des corps d’enseignement mais aussi de l’ensemble des acteurs du corps social intervenant dans l’espace éducatif, réellement adaptée à leurs nouvelles missions dans un contexte socio-économique et psychosocial bien identifié.
Dans le cadre de l’école, par exemple, la qualification des maîtres joue - on le sait de façon certaine maintenant - un rôle déterminant dans la régulation préventive et positive de l’échec possible. Ce constat pose partout la même question : "Quelle formation opérationnelle pour les nouveaux formateurs ?". Le passage d’une culture professionnelle de l’enseignement à celle de l’accompagnement des apprentissages de chacun des enfants est partout à l’ordre du jour ;

 l’existence d’un groupe de pilotage comportant une représentation des instances impliquées mais aussi des chercheurs, des théoriciens et des spécialistes, partie prenante dans la réalité d’un projet, qui puissent faire bénéficier l’ensemble du dispositif d’une méthodologie de conception et de régulation bien maîtrisée.

 le rôle déterminant de ce que nous appelons le "coordonnateur de ZEP", fonction introduite en 1989 en France mais existant sous des formes voisines dans d’autres pays. Je reprends-là les propos de Robert Rivière qui, dans son rapport à la CEE, les nomme "animateur méthodologue" : "Partout où nous avons pu observer l’existence de cette fonction, l’expérimentation prenait une autre dimension.
Interface entre l’enfant et l’institution, l’école et son environnement, animateur pédagogique, organisateur des processus, il veille à ce que le projet se prépare, se déroule et s’évalue. Il évite l’improvisation, l’amateurisme, la superficialité."

Il faut d’ailleurs remarquer qu’il a, dans d’autres systèmes, un statut et un profil beaucoup plus défini que ce qui à ce jour a été fait en France.

 un dispositif évaluatif performant qui fasse une place précise au diagnostic initial, à une régulation et une remédiation formatives en cours d’action et un état bilan au regard d’objectifs initiaux clairement définis.
Cette culture de l’évaluation, fondée sur des dispositifs méthodologiques mais aussi sur des attitudes d’auto-régulation est encore souvent étrangère aux pratiques dominantes même si elle est désormais toujours évoquée comme passage obligé de toute politique responsabilisée donc régulée.

Avant de conclure on pourra s’étonner d’une absence d’exemples venus d’Allemagne. Ce pays connaît, comme tous, les limites de ses propres stratégies éducatives sous forme d’un certain échec scolaire.
Toutefois, sans se livrer à des considérations abusivement simplificatrices, on peut noter dans le système fédéral allemand un certain nombres de spécificités inscrites dans la réalité globale des établissements scolaires :
 une pédagogie du projet qui ancre les savoirs abstraits sur la réalité pratique et ce, dès le début de la scolarité des enfants,
 le statut non discriminatoire du travail manuel qui peut s’inscrire dans un authentique projet de promotion social,
 une pratique quasi culturelle de l’alternance qui crée une interface extrêmement féconde, à tous niveaux d’enseignements, entre le monde de l’école et celui du travail.

Ces caractéristiques semblent constituer un faisceau de pratiques moins fatidiquement sélectives alors que curieusement le système, nous l’avons vu, avait résisté à "l’école compréhensive". On est également obligé de reconnaître que dans la situation actuelle de l’Europe, l’Allemagne est le pays où le taux de chômage des jeunes est le plus bas, même si la réunification est venue bousculer des statistiques restées tolérables.

En guise de conclusion

Voici ce que dit Robert Rivière des ZEP françaises dans son rapport, déjà mentionné, sur l’échec scolaire en Europe communautaire :

"Les zones prioritaires en France constituent le premier exemple d’une politique cohérente, globale et efficace de lutte contre l’échec scolaire. Elle s’est aussi révélée comme un remarquable champ d’ investigation et d’innovation pédagogique préfigurant l’évolution de l’ensemble du système éducatif.
Cette dernière remarque tendrait à confirmer que la pédagogie des élèves en situation d’échec ne ressortit pas à une stratégie particulière dissociable de l’enseignement de tous les enfants. Tout au contraire elle apparaît plutôt comme une forme très élaborée de formation, plus exigeante et plus féconde."

Nous sommes alors en 1989. La mise en place de la Nouvelle politique pour l’école en France, à travers la notion de projet d’école, de cohérence des cycles et d’évaluation en terme de compétences en cours de construction est venue confirmer ces affirmations.

Ce qui est remarquable dans cette évolution possible de notre système c’est que cette démarche est finalement beaucoup plus coûteuse en énergie de changement pour nous - et cela explique les réticences et les résistances - que pour les pays déjà familiarisés avec le travail en équipe, le partenariat institutionnel ou avec les familles, l’autogestion régulative.

Toutefois il est important de découvrir que les mutations qui nous sont demandées, loin de s’inscrire dans les aléas d’une "politique du moment", participent d’une transformation progressive de la réalité de l’école dans tous les pays, autour d’un consensus méthodologique plutôt réconfortant quand il s’agit d’affronter la complexité de l’évolution de nos sociétés et la gravité des enjeux contemporains.

Nous avons sans doute quelques difficultés à nous convaincre collectivement que l’école doit se doter de l’ambition réaliste de réussir avec tous, tant la tâche paraît insurmontable et profondément contredite par trop de paramètres qui échappent à notre action. Mais si l’école ne peut pas tout faire, elle est là pour bien faire ce pour quoi elle est faite : favoriser, accompagner, et stabiliser les apprentissages cognitifs de chaque enfant.

Le devenir d’une école démocratique, qui soit réellement pour tous, passe par cette voie de "l’innovation-qualité", évoquée par Gérard Chauveau et c’est de plus la voie d’une optimisation globale des résultats de nos systèmes éducatifs européens, tant il est vrai que "dans une école où tous apprennent bien, les meilleurs apprennent mieux".

Les expériences et les innovations pédagogiques menées dans les zones d’éducation prioritaires sont en train de s’imposer comme les priorités de l’ensemble des systèmes éducatifs. L’exemple français n’est pas, de ce point de vue un exemple isolé.

Anne Marie Gille, Inspectrice de l’Éducation nationale,

Responsable de ZEP

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