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Journée OZP 2008. Table ronde : Quelles exigences, quelles perspectives pour l’éducation prioritaire ?

23 juin 2008

Journée nationale OZP : 17 mai 2008

Table ronde

Quelles exigences, quelles perspectives
pour l’éducation prioritaire ?

avec la participation de :
Véronique Decker, directrice d’école maternelle à Bobigny (Seine-Saint-Denis), représentant l’ICEM-Pédagogie Freinet
,
Jean-Claude Guérin, IGAENR honoraire, représentant la Ligue de l’Enseignement,
Nicolas Renard, principal de collège RAR à Asnières (Hauts-de-Seine) et président de l’OZP.

Animateur : Bernard Bier, chargé d’études et de formation à l’Unité Recherche Etudes Formation de l’INJEP) (Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire)

[NDLR . Nous avons gardé à ce compte rendu de table ronde son style oral]

L’animateur propose d’organiser la table ronde autour de trois axes qui reviennent en quelque sorte aux fondamentaux de l’éducation prioritaire.
 Les ZEP c’est un projet éducatif.
 C’est un projet éducatif sur un territoire.
 C’est un dispositif partenarial.

Bernard Bier : Aujourd’hui, pourquoi les ZEP et pour qui les ZEP ? Quelle est le sens d’un projet pédagogique dans ces territoires pour ces populations ?

Véronique Decker : J’aime bien venir aux journées de l’OZP parce que cela me rappelle qu’il existe de vraies ZEP avec de vrais coordonnateurs. Chez moi, à Bobigny, il n‘y a plus rien et évidemment pas de projet. J’ai l’impression que, paradoxalement, c’est là où il y a le plus besoin de ZEP qu’il n’y en a pas.

Un projet ce serait un vrai projet commun entre différents acteurs, les acteurs territoriaux, qui veulent que leur territoire fonctionne, les acteurs institutionnels. plus soucieux de leur carrière, et les acteurs de terrain qui cherchent souvent à fuir le territoire sur lequel ils travaillent.

Pour l’ICEM, une ZEP idéale ce serait la coopération et le travail, nos deux principes. La différence entre une école en ZEP et une école lambda c’est que la coopération y est plus difficile et que cela nécessite plus de moyens.
Nous sommes contre la « réussite », dont tout le monde parle et qui ne concerne qu’une élite. Le « progrès » des élèves c’est quand on y va tous ensemble. Trois élèves de Montfermeil à l’ENA c’est bien, mais pour nous l’essentiel c’est que les 18 000 autres avancent.

Jean-Claude Guérin : Nous sommes dans un contexte politique où un certain nombre de concepts et de principes sont remis en cause. La liberté surveillée et l’égalité des chances (ou égalité « positive ») remplacent la liberté et l’égalité tout court.
Il nous faut tenir compte de la situation actuelle, résister mais aussi faire des propositions.

Pour moi, la ZEP c’est
 une autre organisation du temps et des activités ;
 une autonomie contrôlée des équipes ;
 une insertion dans un espace concerté avec un projet de zone. On peut penser à un « bassin de vie », avec un travail de tous les acteurs et une forte régulation (rendue encore plus nécessaire avec l’assouplissement de la carte scolaire).

Il ne s’agit pas seulement de donner plus à ceux qui ont moins mais de donner plus et mieux à ceux qui ont moins et plus mal. Il s’agit de travailler autrement.

Je ne crois plus aux replâtrages. Il faut trouver d’autres organisations : réinventer, réfléchir, sortir du système « une classe, une heure, un prof . »
Mais le faire sans vouloir aller trop vite, à marches forcées et à coup d’injonctions.
Cela ne fait jamais que 27 ans que les ZEP existent. Beaucoup de choses ont déjà été tentées. Relisons les textes ; ils concernent tous les niveaux, école, collège, lycée.

Nicolas Renard : Dans le même sens, il me semble important de ne pas être prisonnier, en collège, des rigidités de l’emploi du temps. Il faudrait pouvoir aménager des temps de travail avec des groupes de taille différente. Il est fondamental de faire travailler des élèves ensemble.
Il est indispensable d’articuler les deux formes d’action : l’individuel (avec le difficile diagnostic des difficultés de chacun) et le collectif

Le collectif cela concerne aussi les adultes qui travaillent avec les élèves. Aller voir le cours d’un autre enseignant cela aide à relativiser ce qu’on croit être intangible.
Il est nécessaire également qu’un enseignant du secondaire aille voir comment cela se passe dans une école, qu’il ait des contacts avec les parents dans le quartier. Et qu’il y ait d’abord bien sûr une rencontre, un dialogue entre le professeur et l’élève.

Le socle m’inquiète. La définition d’un corpus commun de connaissances est nécessaire et il me semble qu’il s’agit d’une réforme fondamentale. Mais elle ne pourra aboutir que si un effort cohérent est mené pendant de longues années. Le socle ne va-t-il pas se diluer dans les sables d’ici 2 ou 3 ans ?

Bernard Bier : Parlons maintenant de la cohérence entre l’intérieur et l’extérieur de l’école.

V. Decker : Nous assistons à une scolarisation progressive de la vie de l’enfant. Et on continue plus que jamais à empiler les dispositifs avec des activités diverses qui se déroulent en même temps : études dirigées, centre culturel, maison de quartier, etc.

L’intérêt au moins pour les parent c’est que les devoirs sont faits.
Faut-il choisir entre le scolaire et le périscolaire ? C’est un débat qui a occupé longtemps l’ICEM (comme la question de l’alphabétisation des parents). Aujourd’hui, cela n’intéresse plus. Quant à l’administration, elle ne se préoccupe plus guère que des performance aux évaluations nationales.

J.-C. Guérin : S’agissant des ZEP, la notion de territoire est à définir.
La priorité c’est le contact étroit avec les collectivités territoriales. Il faudrait étudier la notion de bassin, dans laquelle se calerait l’éducation prioritaire, le tout avec un accompagnement national et une cohérence de toutes les actions.

Il faut considérer l’éducation globalement, à la fois sur le plan individuel et collectif. Continuons à travailler sur le concept de projet partagé et, comme le font les CEMEA, sur le lien entre éducation formelle et éducation informelle.

N. Renard : Nous sommes en face d’un dispositif qui « existe trop ». On a ajouté sans cesse des couches de soutien et on ne sait plus où l’on va et il est absurde de faire refaire plusieurs fois les mêmes exercices dans des dispositifs de soutien différents.

Je ne remets pas en cause l’intérêt d’un soutien individuel dans une structure extérieure ou à la maison, mais n’oublions pas qu’un élève construit d’abord son travail avec le groupe et aussi que les élèves ont besoin d’adultes, surtout dans le secondaire.

B. Bier : Comment sortir de cloisonnements non productifs entre enfant et territoire.
Et qui pilote ? Quel est le rôle des élus ?

V. Decker : Il existe une très grande diversité des situations dans les ZEP.
Je dirais d’abord qu’un pilotage démocratique des ZEP est essentiel. Quant aux avantages pour les enseignants en ZEP, ils doivent consister surtout en temps de formation et d’information.

Une action importante également est d’organiser des réunions d’enseignants de CM2 et de 6ème, mais c’est difficile à mettre sur pied.

J.-C. Guérin : Ce qui a été fait jusque-là avec les conseils de zone n’est pas probant.
Il faudrait un pilotage à plusieurs niveaux : national et interministériel (c’est le rôle du délégué à l’éducation prioritaire mais le poste, vacant, n’a pas été pourvu), académique, local (projet éducatif local), avec un va-et-vient entre ces différents niveaux de concertation.

N. Renard : Il faut bien reconnaître que le travail collectif, dont je parlais à l’instant, comporte beaucoup de déperdition et mange beaucoup de temps. Si je considère toutes les réunions partenariales et les grandes assemblées auxquelles j’ai participé depuis 10 ans, que de temps perdu ! Mais, en même temps, cela a permis de faire bouger certaines choses et d’abord les représentations des uns et des autres.

Un principe d’efficacité pour le partenariat est que chacun fasse son travail, qu’on délimite le rôle des uns et des autres et qu’on se réunisse seulement sur les tâches et problèmes partagés.

B. Bier : Quels sont les leviers immédiats pour faire avancer les choses pour tous les élèves de ZEP et pas seulement pour les élites ?

V . Decker : Le levier essentiel est la concertation des équipes. Je ne crois pas à l’action individuelle.

N. Renard : Le levier important c’est le pilotage. Pour les réseaux Ambition réussite, cela fonctionne assez bien, mais il n’existe aucun pilotage pour les EP2 et les EP3, C’est catastrophique !
Il faut travailler à accompagner localement les équipes, faire travailler ensemble les collectifs de coordonnateurs et de référents pour mieux définir leur métier respectif.
Une autre question est de faire travailler les réseaux entre eux, par académie.
On a aussi besoin de personnes extérieures qui portent un regard critique sur notre action.

J.-C. Guérin : Regardons d’abord ce qui s’est déjà fait et demandons une concertation entre tous les acteurs, y compris les territoriaux.
En ce qui concerne l’aide aux devoirs, je rappelle en passant que les textes interdisent aux enseignants de donner des devoirs aux élèves de l’école élémentaire. Où est la cohérence ?

Le levier essentiel est de réduire le nombre des ZEP, en prévoyant une période transitoire... Il faut mettre le paquet sur 400 établissements avec des échéances précises.

Débat

[NDLR Les interventions ont été regroupées par thème]

Que devient le partenariat ?
Francine Best (IGENR honoraire) : Dans le concept d’éducation prioritaire il y a l’idée de territoire. Le maire est au centre de l’espace éducatif concerté. Cette collaboration étroite avec les collectivités locales a bien marché dans une vingtaine d’endroits. Depuis, on s’est privé de la collaboration des élus et toute une expérience a été perdue, alors que la concertation continue à fonctionner avec d’autres services publics.

Une professeure référente en RAR, militante de l’ICEM : Si je n’abdique pas, c’est grâce à mon engagement dans un mouvement pédagogique.
Un mouvement comme l’ICEM peut être un recours au sein de l’école en diffusant des outils, des revues, des livres. Je mets mon espoir dans cette action.
On dit que le partenariat prend du temps et c’est vrai, mais animer des réunions de concertation cela s’apprend et je l’ai appris à l’ICEM. Si on ne change pas nos pratiques d’animation, au bout de 3 séances, les gens ne viennent plus.

Un formateur TICE dans un REP : Le travail périscolaire des associations représente un enjeu financier important. Certaines disposent de gros moyens pour faire du soutien pour 4 élèves, d‘autres sont menacées dans leur existence faute d’un minimum de financement.

Les ZEP sont-elles des laboratoires de l’innovation ?
Jean-Michel Zakhartchouk (CRAP) : Les ZEP doivent redevenir des laboratoires d’innovation. Xavier Darcos invite fortement les réseaux Ambition réussite à innover mais par ailleurs on ne prône guère l’innovation.

J.-C. Guérin :
L’innovation cela ne dure jamais très longtemps. On peut d’ailleurs se demander si une institution comme l’Education nationale a la possibilité de faire de l’innovation.

Didier Bargas (IGAENR) : J’ai pu le constater dans tous les établissements que j’ai visités : les ZEP sont rarement des terrains d’innovation pédagogique. On y pratique le plus souvent une pédagogie très classique. L’innovation c’est en centre ville qu’on la trouve.
[Note du rédacteur : Ne pourrait-on parler plutôt d’expérimentation, comme le montre l’exemple de l’accompagnement éducatif, expérimenté d’abord en collège avant d’être généralisé, puis expérimenté à nouveau à la rentrée prochaine dans les écoles en ZEP et les 200 lycées les plus en difficulté ?]

La formation des acteurs
Didier Bargas : On parle beaucoup des jeunes enseignants et de leur formation mais ils ne sont pas si mal formés que cela, surtout depuis quelque temps . On ne dispose pas de beaucoup de moyens pour améliorer vraiment les choses, mais c’est loin d’être la catastrophe que certains disent.

Véronique Decker : Je ne sais pas si les jeunes enseignants sont mieux formés mais je sais qu’il faut cesser de les envoyer systématiquement affronter de grandes difficultés en banlieue. Les équipes pédagogiques doivent respecter un équilibre des âges. Là, où je suis, la plupart des enseignants ont moins de 3 ans d’expérience.

Une participante : En ce qui concerne l’accompagnement éducatif, qui va coordonner la formation commune entre les différents acteurs ?

Quelle attitude adopter devant la nouvelle donne : résister, transiger ou réinventer ?
Michel Ducom (GFEN) : Il ne faut surtout pas en rabattre sur l’ambition pour les élèves comme pour les enseignants et les accompagnateurs associatifs.Diider Bargas :
Ne pas en rabattre sur le partenariat. Cette première rencontre de l’OZP et des associations du CLIMOPE est un pas important. Poursuivons dans ce sens. Diider Bargas :
Ne pas en rabattre non plus sur l’ambition culturelle de l’Education nationale, y compris dans les ZEP, avec le théâtre, la musique, etc. Sinon, on tombe dans le savoir minimum.
Ne pas en rabattre enfin sur la formation des acteurs.

Une responsable d’association : Ne nous faisons pas trop d’illusions : le libéralisme et l’argent ont gagné la bataille de l’éducation.
Il nous faut faire le deuil d’une certaine école centrée sur l’heure de classe au moment où la question de l’éducation est saisie par les collectivités territoriales.

Jean-Michel Zakhartchouk (CRAP) :
La guerre n’est pas perdue. Ne refusons pas le combat sur le terrain de l’opinion publique. N’ayons pas peur de nous mouiller, y compris à propos des apprentissages fondamentaux, même si nous n’en avons pas la même conception que le ministre. Nous sommes trop timorés sur ce point.

Jean-Claude Guérin : Je signale simplement quelques pistes
 procéder à une opération « débrouillage » (au sens de « dissiper le brouillard ») et relancer la définition des ZEP ;
 analyser les références idéologiques de certaines mesures, par exemple le projet du ministère, dont il a été question dans l’intervention de ce matin, de définir pour tous les établissements des quotas d’accès aux prépas : 5% de méritants d’un côté et 95% de restants de l’autre ;
 revoir la question du sens des apprentissages pour les enfants et de l’effort qui leur est demandé. Nous avons perdu le sens de l’utilité.

Olivier Masson (Ligue de l’enseignement) : Il nous faut d’abord définir ce qui est prioritaire, réfléchir à de nouvelles formes d’organisation, par exemple à des formules de budgets consolidés d’établissement qui tiennent compte de l’âge des enseignants et à des mesures permettant de lutter contre le turn-over des enseignants.

Didier Bargas : Voilà 12 ans que je passe une partie de mon temps à inspecter des ZEP en regardant ce qui marche, et je peux dire qu’il y a une minorité de ZEP qui font un travail de remédiation remarquable.
Le coeur du problème de l’éducation prioritaire ce n’est pas l’aide aux devoirs ni la réussite éducative ni même l’accompagnement éducatif, c’est la remédiation interne par petits groupes, intégrée au travail pédagogique dans l’établissement.

On constate dans les établissements et écoles une insuffisance de savoir-faire pédagogique.
Les maîtres ne sont pas formés à l’hétérogénéité des publics. Il faut d’abord redécouvrir ou réinventer la pédagogie, avec l’aide de l’institution.

Il est indispensable également de renouer la confiance avec les familles, et plus encore avec les familles populaires. Il est essentiel que l’élève se sente encouragé par les parents, même si ceux-ci n’ont pas les moyens de l’aider. C’est une longue entreprise mais on constate sur le terrain des progrès encourageants.

Nicolas Renard : Je crois que nous sommes contraints de redéfinir l’éducation prioritaire et que nous devons le faire ensemble.

Il y a trop de turbulences et de trous d’air dans le système éducatif actuellement pour que nous fassion l’impasse sur cette réflexion de fond. Le débat de ce soir est hélas trop court !

Compte rendu rédigé par Jean-Paul Tauvel

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