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Avec le label E3D, "on est encore sur du greenwashing" (entretien avec E.Bois)
La labellisation "E3D" (École ou établissement en démarche globale de développement durable) a été développée par le ministère de l’Education nationale pour reconnaître et encourager les écoles et établissements scolaires engagés dans une démarche de développement durable. Au total, au niveau national, 12 500 établissements sont engagés dans une démarche de développement durable (chiffres de l’Insee pour 2023). Il existe plusieurs niveaux de labellisation, en fonction du degré d’engagement.
Pour obtenir le label, la démarche de l’établissement doit répondre aux critères d’un dossier, ensuite validé (ou pas) par un comité académique qui détermine le niveau du label. La démarche se doit, entre autres, d’impliquer toute la communauté éducative, de s’appuyer sur l’ensemble des enseignements et sur des partenariats, et d’engager la gestion de l’établissement.
ToutEduc s’est entretenu avec Evelyne Bois, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation et de la formation (Université d’Orléans) dont les recherches portent sur l’écocitoyenneté et sur l’éducation au développement durable dans les établissements scolaires.
ToutEduc – Pourquoi l’Éducation nationale incite-t-elle à ce label ?
Evelyne Bois – Pour le ministère, ce label est une vitrine de l’éducation au développement durable. Le nombre d’établissements labellisés est un indicateur de l’objectif de développement durable (ODD) 4 "éducation de qualité". Cette information est ensuite remontée au niveau de l’Unesco, pour témoigner d’une éducation de qualité en France. Mais l’éducation de qualité n’est pas qu’une question de labellisation, il y a d’autres éléments derrière. Finalement, ce dispositif est un moyen de verdir l’établissement scolaire, de se dire "on fait quelque chose pour le développement durable" On est encore sur du greenwashing.
ToutEduc – A quel besoin est venu répondre ce dispositif ?
Evelyne Bois – L’éducation au développement durable répond aux préconisations des instances internationales comme l’Unesco et aux évènements nationaux afin de prendre en compte les enjeux globaux Comme pour toutes les "éducations à", l’objectif est de changer les comportements. Les instances internationales décident un certain nombre d’éléments et la labellisation est un élément parmi d’autres. C’est un dispositif qui permet de mettre en évidence ce qui se passe au sein des établissements scolaires dans le cadre de l’éducation au développement durable.
ToutEduc – Ce label n’aurait donc aucun intérêt ?
Evelyne Bois – Bien sûr il y a des intérêts. Dans beaucoup d’établissements, le dispositif permet de mettre en place des projets en lien avec l’éducation au développement durable. Mais c’est tellement vaste que dans les dossiers de labellisation peuvent être mis en avant des cours en sciences, en histoire-géographie, en langues etc., alors que l’éducation au développement durable est adisciplianire et thématique. Des projets sont également présentés dans ces dossiers comme le non-gaspillage à la cantine ou la création d’un jardin dans l’établissement, et le ramassage des poubelles de tri par les éco-délégués. Un certain nombre de ces actions devraient être obligatoires et automatiques et non récompensées par un label.
ToutEduc – Les établissements y ont-ils un intérêt spécifique ?
Evelyne Bois – Le label répond à un besoin de reconnaissance de l’établissement et des acteurs, que ce soit les enseignants, les gestionnaires ou le chef d’établissement. C’est aussi un outil de communication. Si la labellisation est bien mise en valeur, elle peut être affichée dans l’établissement et communiquée vis à vis de l’extérieur que ce soit les parents, la mairie ou les partenaires.
ToutEduc – Quelles sont les principales limites du dispositif ?
Evelyne Bois – Les limites tiennent à la composition des dossiers de labellisation. Ceux que nous avons examinés étaient une juxtaposition d’éléments sans cohérence entre eux. Par ailleurs, ces éléments sont mis au même niveau, alors qu’une approche globale et systémique pourrait être encouragée. Une place plus importante aux projets collectifs qui impliquent l’ensemble des acteurs devrait être valorisée dans ces dossiers, il manque également une dimension politique, essentielle à l’éducation au développement durable. Ce label invite plutôt à des écogestes à titre individuel et va donc plus dans le sens de l’écocivisme que d’une éco-citoyenneté engagée. Ce dispositif a du potentiel mais plutôt que d’inciter les académies à labelliser le plus d’établissement possibles, il serait plus intéressant de rentrer dans une démarche qualitative, notamment avec une incitation à réaliser des projets collectifs impliquant l’ensemble des acteurs d’un établissement et en les valorisant dans les dossiers de labellisation. Une reconfiguration du dossier de labellisation serait donc nécessaire.
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Propos recueillis par P. Kempf, relus par E. Bois
Extrait de touteduc.fr du 07.12.24
Note du QZ : on peut croiser dans le groupe 4 les deux mots-clés "CNR action locale " et "EDD" (91 réponses)