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Laïcité : la loi de 2004 au crible de la critique d’universitaires, historiens, juristes, spécialistes de l’éducation (ouvrage)
La loi de 2004 sur "le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics" représente-t-elle pour la République un "changement de paradigme", inaugure-t-elle des "changements essentiels" ? C’est à cette question que veut répondre, 20 ans après sa promulgation un ouvrage collectif publié par les Presses universitaires de Lyon.
Philippe Portier (EPHE) qui signe la contribution conclusive ne cache pas qu’il a choisi son camp. "Deux thèses, puissamment argumentées, se font face. Certains auteurs, comme Patrick Weil (...) considèrent que le texte de 2004 s’inscrit dans le prolongement de la loi du 9 décembre 1905" et "préserve les jeunes filles musulmanes - car c’est bien d’elles qu’il s’agit - des pressions religieuses venues de leur milieu social. D’autres, comme Jean-Fabien Spitz (...) estiment au contraire que la loi du 15 mars indique un tournant (...) en rupture avec la ligne libérale posée par Aristide Briand et Jean Jaurès (...). On se situera ici plutôt du côté de la thèse de la rupture." A-C. Husser (Lyon 1), P. Marlin (Lyon 2)et Y. Verneuil (Lyon 2), qui coordonnent l’ouvrage, le notent : la loi "continue à diviser la forces politiques, notamment à gauche. Elle demeure une question socialement vive."
Même si d’autres élèves et d’autres religions ont pu être concerné.e.s, notamment les sikhs, c’est le voile porté par des femmes musulmanes qui est visé. Mais quel rôle les tenues vestimentaires jouent-elles dans le dialogue entre politiques et religieux ? Comment le voile est-il devenu un enjeu dans les pays musulmans, en Tunisie et en Turquie, puis, dans un mouvement inverse, en Iran ? En quels termes, après "l’affaire de Creil" en 1989, le Conseil d’Etat a-t-il été amené à se prononcer ? Pourquoi François Bayrou a-t-il publié une circulaire qui "se donne le droit d’interpréter des signes religieux, ce qui est précisément ce que le Conseil d’Etat s’était refusé à faire" ? Pourquoi une loi ? Quelles furent alors les prises de position des syndicats "issus de la scission" de la FEN et comment, au sein de l’UNSA, le syndicat des enseignants et le syndicat des personnels de direction ont-ils été amenés à prendre des positions divergentes ? Que signifiaient les positions des syndicats de la FSU qui se répartissaient "sur un spectre oscillant du ’non, mais...’ au "non / oui, mais..." ? Et comment les divers mouvements féministes se sont-ils opposés frontalement sur ce texte ?
Outre les contributions historiques, l’ouvrage propose avec celle de Gwénaële Calvès une analyse juridique de la loi qui "n’est pas aussi bien comprise qu’elle devrait l’être". Elle ne porte pas "sur des signes ou des tenues mais sur ce que l’élève, en les arborant, dit à ses camarades, à ses professeurs, à l’institution tout entière", sans en avoir nécessairement conscience. Deux autres contributions, de Bruno Poucet et de Françoise Lantheaume, portent sur l’attitude des établissements catholiques. Aucun "ne s’est opposé au port d’un signe d’appartenance religieuse non catholique en son sein - position inimaginable dans les années 1960", mais dans les faits, ils ont, "la plupart du temps", mis en oeuvre la loi et n’ont pas accepté d’accueillir les "refusées" de l’enseignement public.
Dans sa postface, le recteur Chanet relate l’histoire d’un jeune instituteur qui, au tout début du XXème siècle, débarque ans un village et refuse d’enlever le crucifix qui est dans sa classe, "il ne me gêne pas et je crois qu’il n’a jamais gêné personne !" Il ne conteste pas les motifs de la loi, mais il revendique sa liberté pour son application.
Les autres contributeurs de l’ouvrage sont O. Saaidia (Lyon 2), André D. Robert (Lyon 2), M. Zancarini-Fournel (Lyon 1), P. Foray (U. de Saint-Etienne).
"Laïcité scolaire, la loi de 2004 vingt ans après", Presses universitaires de Lyon, 220 pages, 20€
Laïcité scolaire
La loi de 2004 vingt ans après
Sous la direction de Anne-Claire Husser, Philippe Martin et Yves Verneuil
Presses universitaires de Lyon, 2024
Fustigée par les uns, encensée par les autres, la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de « signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les écoles publiques marque-t-elle l’avènement d’une « nouvelle laïcité » en France ? Afin d’aborder cette question de manière dépassionnée, cet ouvrage inscrit la réflexion dans le temps long des spécificités du signe et du vêtement religieux et étudie, en partant des premières polémiques sur le « f...
ISBN numérique : 978-2-7297-1462-8
Année d’édition : 2024
ISBN (Édition imprimée) : 978-2-7297-1461-1
Nombre de pages : 224
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Sommaire
Résumé
Auteurs
Anne-Claire Husser, Philippe Martin et Yves Verneuil
Introduction
Vêtement religieux et société
Philippe Martin
Le vêtement religieux : diversité de discours
Oissila Saaidia
Les voiles dans les sociétés musulmanes : retour sur un vieux débat (années 1880-1989)
Élaboration et réception de la loi
Yves Verneuil
De l’« affaire de Creil » en 1989 à la loi du 15 mars 2004
André D. Robert
Les différentes positions des syndicats issus de la scission de la FEN
Michelle Zancarini-Fournel
Des féministes divisées
Sens et effets de la loi
Gwénaële Calvès
Comment comprendre et appliquer la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l’école ?
Philippe Foray
La loi du 15 mars 2004 a-t-elle instauré une « nouvelle laïcité » ?
Bruno Poucet
Les milieux de l’enseignement privé face à la loi du 15 mars 2004
Françoise Lantheaume
Enseignement privé et diversité culturelle, entre œcuménisme et invisibilisation
Philippe Portier
Conclusion
De la laïcité de liberté à la laïcité de contrôle ? Une lecture de la loi du 15 mars 2004
Jean-François Chanet
Postface
Références bibliographiques
Annexe 1
LOI no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
Annexe 2
Circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
Présentation des auteurs