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Mixité sociale des collèges : "une carte scolaire rebattue à Nîmes" (Libération) et "l’évitement généralisé" à Angers (Le Monde)

14 avril 2023

Reportage
A Nîmes, une carte scolaire rebattue pour redistribuer les atouts

En 2018, six collèges de la préfecture du Gard ont été resectorisés pour diversifier la fréquentation. Avec un bilan mitigé  : après de bons débuts, la mixité ne coule pas de source dans tous les établissements.

Situé au pied des tours de Valdegour, quartier que les Nîmois surnomment « la ZUP », le collège Diderot, évité par de nombreuses familles préférant inscrire leurs enfants dans le privé, a fermé en 2018. (Yohanne Lamoulère/Tendance Floue)

Pas de recette miracle pour mixer origines et profils sociaux sur les bancs de l’école. Le vaste chantier mené à Nîmes en témoigne : dans la préfecture gardoise, le public des différents collèges reflète depuis des lustres le clivage entre le centre-ville et les quartiers prioritaires de la périphérie. Comment changer la donne ? En 2016, le département s’empare du dossier et décide de fermer le collège Diderot. Situé au pied des tours de Valdegour, quartier que les Nîmois surnomment « la ZUP », ce collège REP + (réseau d’éducation prioritaire) est déjà évité par de nombreuses familles préférant inscrire leurs enfants dans le privé plutôt que de combler les rangs de cet établissement qui, pour 600 places, ne compte plus que 270 élèves.

Vice-présidente du département déléguée à l’éducation, Nathalie Nury profite de cette fermeture pour tenter d’ouvrir les portes à davantage de mixité dans d’autres collèges. Le projet est monté avec la rectrice et le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen), ainsi qu’avec l’homologue de Nathalie Nury à la mairie de Nîmes, Valérie Rouverand, adjointe en charge de l’éducation. Bien qu’opposées politiquement (le conseil départemental est à gauche, la municipalité à droite), les deux élues se lancent de concert dans cette entreprise. Les élèves de Diderot sont répartis dans d’autres collèges tandis que dans ces mêmes collèges, des enfants sont eux aussi redispatchés. Les secteurs de six établissements se voient ainsi modifiés afin de rééquilibrer leur recrutement. Pour renforcer ce dispositif, le rectorat bloque les créations de classes dans le privé pour contrôler l’hémorragie. Quant aux dérogations, jusque-là généreusement accordées, elles deviennent exceptionnelles. L’agglomération nîmoise organise le transport des collégiens vers leur nouvelle école. A la rentrée 2018, plus de 600 élèves sont ainsi déplacés.

« Il y a des clans et peu de mélange »
Quatre ans plus tard, le bilan s’avère mitigé. « Ces mesures ont bien fonctionné les deux premières années et elles ont eu le mérite d’enfin prendre en compte la réalité des élèves en éducation prioritaire », analyse Nadège Biot, secrétaire générale SE-Unsa du Gard. « Mais ensuite il y a eu le Covid, le départ de la rectrice, puis du Dasen, les restrictions budgétaires… et les stratégies d’évitement des parents. Dans certains quartiers privilégiés, tous les enfants vont dans le privé. » Ainsi, au collège Jules-Verne, implanté à proximité du quartier défavorisé de Pissevin, la non-mixité n’est pas moins flagrante qu’autrefois. A l’opposé, le collège Révolution, qui s’élève près du centre-ville et des jardins de la Fontaine, incarne toujours la crème du public. « Nous vivons loin de Révolution mais comme nombre d’autres familles, nous avons fait jouer nos relations pour y inscrire notre fille », confie un cadre nîmois. De fait, « ce collège n’offre quasiment aucune mixité sociale », constate Nadège Biot.

Les efforts du département, de la ville et de l’éducation nationale ont toutefois porté leurs fruits au collège Jean-Rostand. Cet établissement de taille modeste qui, en 2018, avait accueilli 130 enfants de « la ZUP », recrute toujours dans cette zone difficile comme dans les foyers plus aisés des alentours. « Les enfants des quartiers se sont intégrés, ça fonctionne très bien, assure Nathalie Nury, du conseil départemental. Les collégiens qui ont des facilités tirent les moins bons vers le haut. Car l’idée, c’était d’apporter de la mixité dans les établissements, mais aussi dans les classes. » Elliot (1), 12 ans, scolarisé depuis l’an dernier à Jean-Rostand, nuance : « Ça se passe plutôt bien, mais en dehors des classes, il y a des clans et peu de mélange. Et pour aller au collège, je ne prends plus le car qui vient de la ZUP, parce que j’ai eu des problèmes. Je prends celui qui passe dans les autres quartiers… »

« 40 % des élèves sont issus de quartiers cloisonnés »
Dans le nord-est de Nîmes, le collège délabré [REP+] Jules-Vallès, situé dans le quartier prioritaire du Chemin-Bas d’Avignon, a été rasé, reconstruit à 800 mètres de là et rebaptisé Ada-Lovelace. Ces locaux neufs et spacieux accueillent un public provenant de quartiers prioritaires mais aussi du quartier « mixte » de Courbessac et du village de Poulx. Pour Nathalie Nury, l’établissement incarne une autre victoire : « Son succès est tel qu’on va devoir l’agrandir. » Sabine (1), qui a fréquenté Jules-Vallès en tant que collégienne et travaille aujourd’hui à mi-temps à Lovelace, se montre moins optimiste : « Certaines options, ou la section destinée aux écoliers en difficulté, attirent plus de mixité mais la fréquentation n’a pas tellement changé. Des parents ont toujours une image dégradée de ce collège et envoient leurs enfants dans le privé. » Une stratégie d’évitement toujours forte : selon Nathalie Nury, plus d’un tiers des collégiens nîmois sont scolarisés dans un collège privé.

« Le sujet de la mixité se pose de façon particulièrement aiguë à Nîmes, où 40 % des élèves sont issus de quartiers prioritaires, complètement cloisonnés, où l’on vit dans l’entre-soi », affirme Valérie Rouverand, qui siège désormais dans l’opposition municipale. Souvent, souligne-t-elle, les enfants de ces quartiers, pour la plupart d’origine marocaine, ne découvrent un monde mixte qu’en arrivant au lycée. « Je me souviens d’avoir entendu dire un élève, en découvrant son nouveau collège : “Ici c’est la France, on n’est pas habitués.” Durant notre projet, il a fallu convaincre des familles paniquées à l’idée de voir leurs enfants sortir du quartier. »

Extrait de liberation.fr du 14.04.23

 

Mixité sociale des collèges : Angers à l’heure de l’évitement généralisé
Le poids du privé, les contours de la carte scolaire ou les dérogations entre établissements publics conduisent la plupart des familles angevines à ne pas choisir leur collège de secteur. Non sans conséquences sur le fonctionnement des établissements les plus contournés.

Lorsqu’il fait visiter le collège Claude-Debussy [hors éducation prioritaire, NDLR], aux lisières d’Angers, son principal, Eric Gauthier, est fier de montrer sa nouvelle cour avec les bancs qui absorbent le bruit, les arbustes qui apportent de l’ombre et cloisonnent les espaces ou la mare aux grenouilles qui a pris place devant l’entrée principale. Cour végétalisée, classe orchestre, section anglais-chinois… Eric Gauthier use de toutes les cordes de son arc de principal pour rendre son collège, qui compte aujourd’hui 430 élèves, attractif.

Dans la « sphère concurrentielle » que représente l’éducation à Angers, il en est même venu à organiser des journées portes ouvertes pour les parents d’élèves de CM1. Une « course à l’échalote » à laquelle il se sent contraint. Selon ses estimations, « près de la moitié » des élèves de CM2 du secteur ne franchissent jamais les portes de son établissement. La plupart vont dans les collèges privés des alentours. Tradition historique oblige, le Maine-et-Loire compte un grand nombre de collèges privés sous contrat, quasi exclusivement catholique, qui scolarisent près de la moitié des élèves.

Extrait de lemonde.fr du 13.04.23

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