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Le vertige des notes, article de Marie Duru-Bellat dans Alternatives économiques

4 juillet 2022

Voir aussi le même article repris par L’observatoire des inégalités le 6 octobre 2022

 

Le vertige des notes
Marie Duru-Bellat
Sociologue

Vite éclipsée par les législatives, la polémique récente autour de l’harmonisation des notes du bac – quand des notes de spécialités ont été relevées en masse sans que les correcteurs en aient été informés – posait pourtant des questions cruciales, pour le système scolaire et bien au-delà.

[...] Les notes doivent donc à la fois tendre vers une moyenne moyenne et être assez dispersées pour illustrer la capacité du système à classer de manière juste les élèves sur la base de leurs seuls acquis. Méritocratie et donc concurrence non faussée obligent ! Dès lors que les notes ont une fonction de classement et de sélection, ce qui est particulièrement vrai pour les notes du bac (dans la classe, la fonction formative des notes peut parfois prendre le dessus), elles doivent être discriminantes, les écarts entre élèves s’en trouvant alors creusés.

Biais en tous genres
Les barèmes sont là pour assurer que l’évaluation des acquis sera fine et, bien sûr, juste. Ils facilitent certes la vie. Pour autant, dans les situations d’évaluation, de nombreux travaux de psychologie sociale montrent que des stéréotypes de tous ordres (sociaux, genrés) interfèrent avec les performances2 . Par exemple, il suffit, avant un exercice donné, de dire aux élèves que l’exercice ne fait en général pas de différence entre filles et garçons pour que les écarts sexués observés en l’absence de cette précision s’atténuent comme par magie !

C’est dire que les exercices les plus standardisés et les barèmes les plus pointilleux ne mesurent pas les acquis comme le thermomètre mesure la température, et n’éliminent pas le jeu du social et les injustices. Peut-être serait-ce « pire » avec des épreuves orales. Mais en tout cas, la notion de note juste, bien des enseignants en conviennent, reste un horizon…

Il n’en demeure pas moins que relativiser la valeur des notes – ce qu’elles mesurent et avec quelle précision – est une pente glissante. C’est bien pour cela que les pratiques d’harmonisation font peur : ne risquent-elles pas de miner la confiance dans les notes ? Car si l’on ne croit plus aux notes, comment classer et sélectionner ces élèves qui se pressent si nombreux aux portes des filières les plus prestigieuses et les plus attractives ? Si l’on ne croit plus aux notes, comment croire aux diplômes et aux compétences qu’ils sont censés sanctionner ? Et alors comment accepter que les salaires suivent fidèlement la hiérarchie des diplômes et admettre sans broncher le pouvoir de nos élites diplômées ? C’est toute notre logique méritocratique qui s’en trouve ébranlée. [...]

Marie Duru-Bellat

Extrait de alternatives-economiques.fr du 24.06.22

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