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Les chemins inattendus de la réussite étudiante
par Christine guégnard, Xavier Collet et Simon Macaire
Mondes sociaux
Le Magazine des sciences humaines et sociales
Quelles sont les situations de vulnérabilité que les étudiant·es rencontrent ? Comment illustrer leur caractère réversible, qui emporte certain·es sur des chemins inattendus de la réussite ? Notre propos trouve un écho particulier dans le contexte actuel de crise sanitaire qui a sans nul doute impacté les modalités d’étude et de vie de ces jeunes.
[...] Landrier S., Cordazzo P., Guégnard C., 2018, « Mes études, mes galères, mes réussites à l’université ».
Collet X., Macaire S. (coord.), 2019, « Vulnérabilités étudiantes, les chemins inattendus de la réussite », Céreq, Échanges, 12.
Cet article est publié dans le cadre d’un échange avec le Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ).
Quand l’équilibre ne tient qu’à un fil
Les étudiantes et les étudiants prennent des risques à travers leurs orientations, leurs conditions d’étude, leurs arbitrages et choix de vie, et sont donc confronté·es à des situations de vulnérabilité. Vécue au niveau individuel, la vulnérabilité n’en est pas moins socialement produite.
Les jeunes sont diversement armé·es quand elles et ils commencent leurs études à l’université et les inégalités sociales et économiques se révèlent alors d’autant plus fortement qu’elles affectent leur parcours. À Rennes par exemple, des étudiant·es vivent des situations de vulnérabilité telles qu’elles peuvent les conduire à abandonner leur projet. D’autres parviennent – souvent au prix de sacrifices élevés – à connaître des trajectoires d’intégrations plus positives.
Pour certain·es, notamment d’origine populaire, la poursuite d’études repose parfois principalement sur les aides publiques et le soutien de leur famille. Pour d’autres, la réussite aux examens sera au rendez-vous en dépit d’un contexte plutôt défavorable, mais les difficultés financières, de santé, etc. peuvent les amener à revoir à la baisse leurs ambitions initiales.
Nombre d’étudiant·es décrivent des situations tendues où l’équilibre des conditions de vie peut être mis à mal. Ainsi, Vanessa (en L3 Droit) gère seule à la fois ses études et sa vie de jeune étudiante autonome, avec de faibles ressources et le moindre caillou fait une grande ombre sur son quotidien. Il lui est arrivé de ne pas faire un repas complet, de différer des soins médicaux, de chercher un emploi pour payer son loyer, de sacrifier des heures de cours et d’emprunter de l’argent à des amis. Si elle estime être « un peu en galère », sa vie étudiante est associée à une précarité relativement consentie, considérée comme temporaire ou comme le prix à payer en attendant des jours meilleurs.
Pour mieux connaître les difficultés des étudiant·es et tenir compte de la complexité de leurs situations, un indicateur a été élaboré regroupant diverses dimensions : les problèmes financiers (impossibilité de faire face à ses besoins, ne pas manger à sa faim, renoncer aux soins), les conditions de vie (nécessité de travailler, de trouver un logement, perception de son état de santé), l’isolement social (absence d’aide des proches, sentiment de solitude).
Selon cet indicateur, près du quart des étudiant·es de Rennes sont en situation de vulnérabilité (7 967 répondant·es à l’enquête). À caractéristiques comparables, les plus fragiles sont notamment les étudiant·es venant de l’étranger, les plus âgé·es, celles et ceux qui ont quitté le domicile familial. Les étudiant·es en situation de vulnérabilité ont deux fois plus de risques de ne pas réussir les examens de fin d’année que les autres.