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La sanction en éducation (Revue de Sèvres, septembre 2019) (présentations ToutEduc et blog Mediapart de Jean-Pierre Véran)

29 novembre 2019

La sanction en éducation : du tabou à la réalité (Revue de Sèvres)

"Le discours souvent utilisé par ceux qui ont infligé des châtiments corporels s’appuie, pour justifier cet usage, sur le concept de ‘Ai no muchi‘ qui signifie littéralement "fouetter des personnes par amour", constate Hiroshi Nakada dans le dossier du nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation de France Education Internationale (anciennement CIEP) consacré à "la sanction en éducation".

Eirick Prairat, professeur à l’Université de Lorraine et coordonnateur de ce dossier, témoigne de la difficulté à rassembler des contributeurs sur ce sujet : "Il est vrai que cette question de la sanction a été frappée, ces dernières années, d’indignité intellectuelle dans les pays européens et nord-américains. Question taboue, pratique honteuse. Si l’on sanctionnait, il ne fallait surtout pas en parler." Et pourtant s’intéresser à la sanction "c’est déjà apprécier le cadre socialisant que l’on offre aux enfants ou aux élèves, c’est aussi interroger les postures et les attitudes de ceux qui ont la responsabilité de les éduquer."

"Le Japon est l’un des premiers pays, en 1874, à avoir légalement banni les châtiments corporels dans les établissements", précise Hiroshi Nakada. Maître de conférences à l’université médicale de Takarazuka. Et pourtant, le "taibatsu", la punition par le corps est encore pratiquée : "Selon l’enquête nationale sur les conditions réelles des châtiments corporels réalisée en 2016, il existe même des cas de fractures, d’entorses, de contusions, de blessures corporelles et de blessures de la membrane tympanique".

Pratiques installées

Eirick Prairat souligne "toute la difficulté que peut avoir une institution pour rompre avec des pratiques installés de longue date". Plusieurs articles en témoignent : au Burkina Faso, la "chicotte" (sorte de fouet) est encore bien présente dans les salles de classes ; au Bénin, on a recours aux "pratiques humiliantes" ; en Russie, on pratique "la stigmatisation, la mise à l’écart ou l’isolement en ‘cellules disciplinaires’".

En France, comme le rappelle Sylvie Ayral, professeure agrégée, en cas d’infraction au règlement, tout un arsenal règlementaire encadre les sanctions mais "d’un collège à l’autre, l’appareil punitif fonctionne de façon totalement différente. Dans tel établissement, on décide tout à coup d’accentuer la répression, dans d’autres on constate un relâchement disciplinaire à certaines périodes de l’année ou encore un respect approximatif des principes du droit pénal, par exemple pour les violences sexuelles".

Des sanctions genrées

Elle constate que 80% des élèves punis dans les collèges français sont des garçons et démontre par de nombreux exemples que le système punitif français participe à la construction et à la reproduction des inégalités sexuées voire à une hiérarchie de genre à l’intérieur du monde des garçons : "Ceux qui sont punis, les dominants violents, sexistes et homophobes présentent des comportements conformes aux normes de la virilité, c’est-à-dire au sexe prescrit. Les autres sont déclassés dans la catégorie des sous-hommes, c’est-à-dire des faibles, des pédés et deviennent les cibles potentiels des premiers."

Si des contributeurs anglais et américains apportent une note d’optimisme notamment grâce au concept de "justice restaurative", Denis Jeffey, professeur à l’Université de Laval au Québec, pose clairement le problème de l’autorité du maître aujourd’hui : "La régulation des comportements s’est complexifiée au Québec avec la massification scolaire au cours des années 1960-1970, avec la diversification des populations scolaires venues de l’immigration et avec l’inclusion des élèves qui souffrent de problèmes de santé, de comportement et d’apprentissage dans les classes ordinaires. La gestion de classe, même pour les enseignants les plus expérimentés, est devenue un lourd fardeau." Une "lourdeur" qui s’accentue et "puisque tous les enseignants sont touchés par des problèmes graves de comportement de certains élèves, c’est ensemble qu’ils doivent trouver des solutions".

Extrait de touteduc ;fr du 28.11.19

 

La sanction en éducation : contraindre pour libérer ?

S’interroger sur la sanction en éducation, comme le fait la Revue internationale d’éducation de Sèvres dans sa dernière livraison, c’est mettre en lumière une question de fond : comment dépasser l’opposition entre la règle qui contraint pour permettre l’éducation, et le rôle émancipateur de l’école ?

Le dossier du n° 81 de la Revue internationale d’éducation[1], coordonné par Eirick Prairat, à travers une Odyssée en neuf escales, de l‘Amérique au Japon, de l’Afrique à l’Europe, nous conduit à revisiter la question de la sanction en éducation.

[...] Ce qui est au coeur de ce dossier, c’est le dépassement des oppositions binaires entre justice distributive et justice restaurative par une conception hybride, et celui des illusions sur la force des textes réglementaires. Mieux vaut privilégier la constitution patiente d’un horizon éducatif commun aux parents et aux enseignants. Il s’agit de dessiner une conception éducative qui ne relègue pas la sanction dans l’arrière-boutique de l’éducation (dans les collèges et lycées français, par exemple, la tâche noble est celle d’enseigner, la sanction est déléguée aux personnels de vie scolaire), mais la met au cœur de l’acte éducatif, avec sa double valence- positive (encouragement, valorisation) ou non (punition). L’essentiel est de se préoccuper toujours de la justesse, de la justice de cette sanction, et de son sens pour l’auteur d’un acte contraire aux règles de vie communes, comme pour sa ou ses éventuelles victimes, et, de toute façon, pour le collectif de la classe ou de l’établissement. La question de la règle et de son établissement, dans un processus collaboratif et non imposé qui, en associant les élèves à l’élaboration des règles, les fait gagner en autonomie responsable et regard critique, est fondamentale.

Extrait de mediapart.fr/jean-pierre-veran du 27.11.19

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