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Sélection, orientation et Parcoursup : - un article de François Dubet et Marie Duru-Bellat (Esprit) - une soirée des amis de Jean Zay (ToutEduc)

14 octobre 2019

A bas la sélection ! Misère de la critique

La critique de la sélection à l’entrée de l’université repose sur une vision misérabiliste des étudiants de milieu populaire et ne remet pas en question les inégalités au sein du système d’éducation.

Il existe sans doute mille bonnes raisons d’être hostile à Parcoursup et à la réforme du baccalauréat, comme il existe de solides raisons de protester contre les conditions de travail des professeurs, des enseignants-chercheurs et des étudiants… Le propos de ce texte n’est pas de participer aux débats largement impensées et, de fait, les auteurs de ces motions et manifestes justifient certaines inégalités, en tolèrent beaucoup, en ignorent d’autres. Fondamentalement, la critique de la sélection apparaît comme une critique méritocratique de la mérito­cratie. Elle défend un idéal scolaire français fondé sur la croyance dans les diplômes et les concours, en passant souvent sous silence les inégalités des formations et de la valeur sociale et économique des diplômes. Ajoutons qu’à l’exception du cas des États-Unis, réduit au rôle de contre-modèle ultralibéral, ces critiques ignorent généralement le fonctionnement d’autres systèmes d’enseignement supérieur et d’autres conceptions de la justice scolaire. Elles restent confinées dans le cadre, paradoxal, de l’enseignement supérieur français  : celui d’un système ouvert, dominé par le public, où les frais d’inscription sont faibles et les bourses nombreuses, mais un système, également, caractérisé par une très forte reproduction des inégalités scolaires[2].

[Conclusion]
Une sélection méritocratique parfaitement juste n’a pas nécessairement des conséquences justes.

En observant les faits, la critique du fonctionnement de l’enseignement supérieur français aurait pu se dégager de cette orientation purement défensive. Mais ceci suppose de multiplier les critères et les principes de justice à partir desquels s’organise la critique. Si l’égalité des chances est un principe incontestable, il ne peut pas être le seul. En effet, une sélection méritocratique parfaitement juste n’a pas nécessairement, en aval, des conséquences justes, notamment quand les perdants de la sélection reçoivent une formation de faible qualité dans des institutions qui les intègrent peu. Plus encore, l’inégale utilité des diplômes est particulièrement inacceptable quand les vainqueurs de la compétition méritocratique se voient offrir, souvent pour la vie, des carrières assurées et valorisantes, alors que les vaincus sont confrontés à une période ­d’insertion chaotique et à des emplois précaires et peu qualifiés. Tant que le système scolaire reste aussi inégalitaire, tant que l’emprise des diplômes pour la vie entière est si forte, la dénonciation de la sélection a tout d’un vœu pieux puisque chacun a intérêt à être sélectionné et plus sélectionné que les autres, tandis que les indignations affichées et les pratiques privées ont peu de chances de s’accorder.

Extrait de esprit.presse.fr d’octobre 2019

 

Peut-on penser orientation sans sélection ? (Cercle des Amis de Jean Zay)

Les Amis de Jean Zay organisaient ce jeudi 10 octobre leur première Soirée-débat de l’année sur le thème "sélection et orientation", un thème particulièrement d’actualité, comme le soulignaient les organisateurs "au moment de la réforme du lycée et des difficultés rencontrées par Parcoursup".

Les orateurs, Jérôme Martin et Jérôme Krop, spécialistes de l’histoire de l’éducation pour le premier et de l’orientation pour le second, ont rappelé qu’à la question initiale de la transition primaire-emploi, se sont ajoutées plusieurs autres problématiques, d’où, en 1937 les premières classes d’orientation de Jean Zay, avec comme ligne force "si on veut encourager tout le monde il faut des critères objectifs de sélection".

Ces premières réponses institutionnelles à la question de l’orientation arrivent tardivement en comparaison d’autres pays. Nouveau tournant en 1968, comme le rappelle l’historien Antoine Prost, avec le conflit De Gaulle - Pompidou, le premier souhaitant que le Plan définisse les besoins par filière quand le second souhaitait plutôt une transition naturelle entre orientation scolaire et orientation professionnelle dans un cadre scolaire. "Mai 68 balaiera le projet autoritaire" précise l’historien de l’Éducation. Avec "l’idée de projet", à partir des années 80 et la démocratisation, de nouveaux acteurs entrent en scène, notamment les parents puisqu’on en arrive récemment à leur laisser "la décision finale". Le projet est mis en avant, mais en réalité, les procédures restent administratives.

Un retour aux années 60

Le système français fait "qu’il n’y a pas de pratiques pédagogiques liées aux orientations" ajoute Jérôme Martin. À quoi s’ajoute pour cet auteur des inégalités et une orientation fortement sociales, "une démocratisation ségrégative fortement hiérarchisée (…) avec des académies où il est plus facile d’accéder au bac que d’autres."

Parcoursup et l’instauration d’un continuum -3, +3 amènent à faite interagir plusieurs acteurs (lycées-région-université) avec une orientation qui commence en seconde. Mais J. Martin estime qu’ "on revient aux années 60 avec une orientation en fonction des notes et des bulletins. Tout le monde sait pourtant que les notes correspondent à un dispositif extrêmement fragile". Et il s’interroge : "les enseignants vont continuer avec la ’fiche avenir’, ce document destiné à approuver ou nuancer les vœux des lycéens ?"

Ces vœux s’inscrivent, selon une intervenante psychologue de l’université de Nanterre dans "l’idée que l’élève soit maître et non pas orienté, les CIO accompagnant l’élève dans ses choix. Beaucoup de jeunes sont aujourd’hui informés des stratégies, mais finalement les étudiants peuvent-ils vraiment choisir leur orientation ? Des parcours, des filières existent, des gens font psycho par exemple, ils arrivent à faire ce qui leur plaît sauf lorsqu’ils arrivent au niveau master et se heurtent au couperet de l’accueil ; c’est bien beau de leur permettre de faire des choix à partir de tests et de la prise en compte des leurs intérêts … mais la sélection arrive et ils doivent aller en Belgique pour poursuivre leurs études. Il y a aussi les ’sans fac’ qu’on n’a pas les moyens d’accueillir (...). Qu’est-ce qu’une société qui forme dans l’accompagnement et qui en réalité ne donne pas les moyens de réaliser leur projet ?"

Une question posée à la société française

Avec la massification, l’orientation a changé. En 1958, c’est à 17 ans en moyenne que la question ne se posait plus pour l’institution scolaire. "Aujourd’hui, quand on pense jeunesse, on pense jeunesse scolaire, et pourtant des millions de jeunes ne sont pas en système scolaire. S’agissant des flux pour les bac pro et techno, la question de la poursuite d’études est posée. Une étude de cohortes montre que la proportion de ceux qui poursuivent en STS ou IUT diminue. Est-ce qu’on parie sur l’avenir ou est-ce qu’on va limiter la poursuite d’études ?" Quoi qu’il en soit, nous assistons à une profonde transformation de la société française. Le caractère évolutif des projets personnels est-il pensable à la même aune pour tous ?

Michel Delachair

Extrait de touteduc.fr du 13.10.19

 

Note du QZ : La rubrique Ouverture sociale et ses nombreuses sous-rubriques, qui étaient rattachées auparavant à la rubrique VIII- POLITIQUE EDUCATIVE DE LA VILLE, sont maintenant rattachées à la rubrique Accomp. : en classe, en vacances, à distance.

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