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Le privé sous contrat : l’Etat seul compétent pour fixer les règles applicables aux personnels, y compris en Polynésie (une analyse d’A. Legrand) (ToutEduc)

1er août 2022

Le privé sous contrat : l’Etat seul compétent pour fixer les règles applicables aux personnels, y compris en Polynésie (une analyse d’A. Legrand)

Compte tenu de l’autonomie du territoire, le droit métropolitain n’est pas automatiquement applicable en Polynésie française. Comme le rappelle le premier alinéa de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, "dans les matières qui relèvent de la compétence de l’Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin". Ainsi, lorsqu’un texte applicable en Polynésie française est modifié, cette modification ne s’applique que si le texte modificateur comporte une mention expresse d’applicabilité. La loi prévoit cependant huit catégories de matières où les dispositions législatives et réglementaires sont, par dérogation au principe, applicables de plein droit, même si elles peuvent être adaptées à l’organisation particulière du territoire. Y figurent, en particulier, celles relatives aux agents publics de l’Etat.

Le décret n° 2008-263 du 14 mars 2008 a codifié l’article 10 du décret du 22 avril 1960 qui disposait qu’en "matière d’accidents scolaires (dans l’enseignement sous-contrat), la responsabilité de l’Etat est appréciée dans le cadre des dispositions de la loi du 5 avril 1937" et étendait donc au bénéfice des enseignants des établissements privés sous contrat le principe de la substitution de la responsabilité de l’Etat à celle de l’enseignant en cas d’accident scolaire. Il a de ce fait abrogé cet article. Mais, même s’il a repris des dispositions très proches des siennes dans l’article 442-40 du code, il a omis de préciser que cet article était applicable à la Polynésie. Il ne reviendra sur cette omission qu’avec le décret n°2021-1907 du 30 décembre 2021.

Depuis la loi Jean Zay du 5 avril 1937, "dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis , soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle des dits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants" (article L. 911-4 du code de l’éducation). Cette protection a été étendue aux enseignants de l’enseignement privé sous contrat d’association par la loi Debré de 1960. En mai 2014, un élève d’un établissement privé sous contrat de l’église protestante situé dans ce territoire a été victime, à l’occasion d’une sortie scolaire, d’un accident grave qui l’a laissé tétraplégique. Lors du contentieux qui s’en est ensuivi, le tribunal civil de Papeete a considéré que le régime de substitution de la responsabilité de l’Etat à celle des enseignants n’était plus applicable en Polynésie au moment de l’accident, faute de déclaration d’applicabilité, et il a déclaré l’enseignante organisatrice de la sortie responsable des conséquences de celui-ci. Appuyée par sa compagnie d’assurances, elle a fait appel de ce jugement et, saisie de cet appel, la Cour d’Appel de Papeete a sursis à statuer en renvoyant au Conseil d’Etat une question préjudicielle, lui demandant de statuer sur la légalité de l’abrogation de l’article 10 du décret de 1960, dans la mesure où elle n’a pas rendu les dispositions de l’article R. 442-40 applicables en Polynésie.

Dans un arrêt du 27 juillet 2022, bien éclairé par les conclusions du rapporteur public Laurent Domingo, parues sur ArianeWeb, le Conseil d’Etat estime que "la règle de substitution de la responsabilité de l’Etat posée pour les enseignants des établissements privés du second degré par l’article 10 du décret du 22 avril 1960 est demeurée applicable en Polynésie française, malgré l’abrogation de cet article 10 par le décret du 14 mars 2008".

En premier lieu, indique le Conseil, en vertu de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, "l’Etat demeure seul compétent pour fixer les règles applicables aux personnels des établissements d’enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l’accomplissement de missions d’enseignement en ce qu’elles procèdent à l’extension à ces personnels des dispositions concernant les enseignants titulaires de l’enseignement public". En second lieu, comme on l’a déjà dit, les dispositions concernant la substitution de responsabilité ont été codifiées dans l’article R.442-40 du code de l’éducation ("en matière d’accidents scolaires, la responsabilité de l’Etat est appréciée dans le cadre des dispositions de l’article 1242 du code civil et de l’article L. 911-4 du présent code") et ces dispositions ont été rendues applicables en Polynésie. Il n’est donc pas possible de prétendre que la substitution de responsabilité ait pu disparaître.

"Le décret de 2008, comme plus récemment celui de décembre 2021 (…) sont des décrets essentiellement techniques, écrit le rapporteur public, et on ne peut leur donner une portée de fond aussi grande que celle suggérée par la question renvoyée". D’autant, ajoute-t-il, que l’enjeu va bien au-delà de cette dernière : "si vous êtes saisis du seul article 10, c’est plus largement sur le régime même du contrat d’association en Polynésie que vous prenez parti. Juger que la substitution de la responsabilité de l’Etat à celle de l’enseignant de l’établissement privé sous contrat d’association n’était plus applicable en Polynésie entre 2008 et 2022, ce serait juger que le régime de l’enseignement privé sous contrat d’association n’existait plus pendant cette période. Or le décret de codification n’a pas eu cet objet et n’a pu avoir cet effet."

André Legrand

Extrait de touteduc.fr du 01.08.22

 

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