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Esther Duflo, expliquer la pauvreté aux plus petits pour ouvrir les esprits
Par Minh Tran Huy
Esther Duflo s’est associée à l’illustratrice Cheyenne Olivier pour lancer une collection d’albums pour enfants avec l’ambition de déconstruire les préjugés sur la façon dont vivent les pauvres. Éditions Seuil jeunesse. 9,90 €. Dès 6 ans.
Esther Duflo s’est associée à l’illustratrice Cheyenne Olivier pour lancer une collection d’albums pour enfants avec l’ambition de déconstruire les préjugés sur la façon dont vivent les pauvres. Éditions Seuil jeunesse. 9,90 €. Dès 6 ans.
Avant la pandémie même, 356 millions d’enfants, soit un sur six, vivaient sous le seuil de l’extrême pauvreté (moins d’1,60 € par jour et par personne), selon la Banque mondiale. En parler avec les enfants de façon non simpliste ou caricaturale, créer des liens et des ponts, c’est l’ambition d’Esther Duflo, Prix Nobel d’économie en 2019 (conjointement avec son époux, Abhijit Banerjee, et avec Michael Kremer), qui a imaginé une série de dix albums jeunesse.
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Madame Figaro. – Pourquoi vous adresser à un public aussi jeune ?
Esther Duflo. – D’abord parce que j’ai le souvenir d’avoir été marquée dans ma jeunesse par des lectures qui m’ont fait me poser des questions. Dans l’avant-propos de notre livre Repenser la pauvreté (coécrit en 2012 avec Abhijit Banerjee, NDLR), j’évoque une BD lue à 7 ans sur Mère Teresa et la manière dont on vivait à Calcutta : elle m’a ouvert les yeux sur le fait que des enfants avaient des vies très différentes de la mienne. Plus tard, j’ai constaté que les représentations de la grande pauvreté à destination des plus jeunes étaient souvent caricaturales. Je pense qu’il est bon que les enfants prennent tôt conscience de l’étendue du monde, de son injustice et de leurs responsabilités, car avoir « atterri » dans une partie privilégiée de ce monde donne des responsabilités.
Pensez-vous que les enfants soient suffisamment mûrs ?
Le risque, c’est de ne pas prendre les enfants au sérieux. De se dire qu’il leur faut de la simplicité, au risque de ne faire passer qu’une idée : par exemple, évoquer la pauvreté en Afrique en montrant des enfants aux vies misérables, et en présentant les gens qui les aident comme des héros. Même vis-à-vis des adultes, il y a beaucoup de mythes, d’exagérations et de représentations univoques des pauvres. Ce sont soit des personnages désespérés, soit au contraire des entrepreneurs à succès… Or, les enfants sont capables d’entendre un discours plus subtil, selon lequel des congénères habitant des pays lointains rencontrent des problèmes différents mais aussi similaires. Des collections présentant des enfants comme eux, allant à l’école, etc. (je pense à Max et Lili, chez Calligram), utilisent ces situations pour les aider à analyser leurs relations, leurs émotions, leurs problèmes. Dans cette collection, on a voulu faire la même chose avec des enfants dont les conditions d’existence sont autres.
Vis-à-vis des adultes, il y a beaucoup de mythes, d’exagérations et de représentations univoques des pauvres [...]