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Décès de Jacques Pain, spécialiste des violences à l’école (et de l’école) et de la pédagogie institutionnelle : - un hommage collectif dans le Café - une bibliographie complète

19 janvier 2021

Jacques Pain, figure inspirante de la pédagogie et des sciences de l’éducation
Ce dimanche 17 janvier 2021, Jacques Pain, professeur honoraire en Sciences de l’éducation à l’université Paris Nanterre, « a rejoint le ciel des pédagogues après une longue nuit de lutte », selon les mots de sa femme Christine qui a annoncé son décès à ses amis. Nous lui devons tous beaucoup : c’était, à tous égards, un vrai pédagogue, chaleureux, toujours présent auprès de ceux et celles qui avaient besoin de lui. C’était un homme qu’on n’oubliait pas : tendre et truculent à la fois, fidèle en amitié et soucieux de contribuer, de manière constructive, aux initiatives éducatives qui, dans le monde entier, promeuvent l’émancipation et la coopération. Car Jacques était tout à la fois, un militant et un chercheur infatigable : militant pour un monde plus juste et qui laisse moins d’enfants et d’adolescents au bord du chemin… et chercheur curieux et rigoureux, sans cesse en quête de nouveaux outils d’analyse et toujours habité par une exigence théorique qui lui a permis d’élaborer des modélisations infiniment précieuses.

Né le 1er juillet 1943 à Mâcon (71) dans une famille populaire, Jacques Pain apprend à lire dans une classe Freinet. Lors de ses études secondaires, à Macon puis à Nevers, il participe à des journaux lycéens, montrant un goût certain pour l’écriture et se faisant remarquer par ses positions contestataires. En 1967, il débute des études de psychologie à l’université Paris X-Nanterre. Il obtient en 1969 une licence de sciences de l’éducation dans cette même université, où cette discipline vient d’y faire son entrée. C’est à cette époque qu’il fait la rencontre décisive de Fernand Oury et découvre la pédagogie institutionnelle (PI) dans les Groupes d’Éducation Thérapeutique (GET). Bien que Fernand Oury soit d’une méfiance « primaire » à l’égard des universitaires , il accepte que Jacques Pain co-rédige avec lui la Chronique de l’école-caserne, publié en 1972. Leur compagnonnage ne cessera qu’avec le décès de Fernand Oury.

Militant un temps engagé au parti communiste, Jacques Pain n’en est pas moins toujours resté un esprit libre, luttant sans relâche et dans de multiples institutions, pour une éducation toujours plus émancipatrice et solidaire. Entre février et octobre 1972, il est responsable de la formation des assistants universitaires de l’université de San Salvador. Cette expérience en contexte politique extrême le marquera considérablement : il en gardera un souci constant à l’égard des plus défavorisés et une volonté inébranlable de soutenir les politiques en leur faveur. De retour en France, il enseigne au Collège d’Enseignement Technique de Cormeilles-en-Parisis (95) de 1973 à 1975. Il y pratique les techniques Freinet et la pédagogie institutionnelle. Freinet, Marx, Freud, les travaux anglo-saxons sur les groupes, la psychothérapie et l’analyse institutionnelle constituent ses points d’appui, avec les arts martiaux et la pensée japonaise. À l’époque en effet, il pratique intensément le karaté-do Kyokushinkai (dont il est ceinture noire 1ère dan) et l’enseigne (1973-1978).

En 1979, Jacques Pain soutient un doctorat de 3e cycle en sciences de l’éducation, sous la direction de Gilles Ferry, intitulé Une formation à la pratique de l’institutionnel : Pédagogie institutionnelle et formation. Il est nommé assistant en sciences de l’éducation à Nanterre en 1981. Convaincu qu’une véritable formation des éducateurs et des enseignants se doit d’être cohérente avec les valeurs et les principes qu’elle affirme, il met en pratique le modèle de formation élaboré dans sa thèse : multiréférentialité et analyse de pratiques, mise en place d’ « institutions »… . Les années 1980 sont extrêmement prolifiques. Il intervient dans d’innombrables lieux d’éducation et de formation, auprès d’équipes de professionnels dans les champs éducatifs (de l’Éducation surveillée puis de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, à la « Maison de nos enfants » en Belgique et dans des établissements de Protection sociale de l’enfance…) et pédagogiques (dans les écoles La Source à Meudon, Ganenou à Paris 11e, dans les établissements scolaires sensibles de l’académie de Versailles…). Il se joint à Françoise Dolto et à Fernand Oury pour accompagner l’école de La Neuville, dirigée par Fabienne d’Ortoli et Michel Amram .

En 1983, il fonde les éditions associatives Matrice, avec Daniel David et Christine Vander Borght . Elles permettent de diffuser largement la pédagogie institutionnelle, ses ouvrages classiques et actuels, sans lesquels la PI ne ferait certainement pas autant parler d’elle encore aujourd’hui. Des universitaires et des praticiens reconnus y côtoient des professionnels experts. À cette période aussi, Jacques Pain participe à la création du VIRFO (Violences recherches et formations), un collectif d’une vingtaine de chercheurs et de professionnels des sciences humaines et sociales pratiquant tous un art martial ou un sport de combat. Il s’agit d’aider, aux plans professionnel et personnel, à mieux comprendre et à maîtriser les formes de violence à une époque où peu en parlent, par la mise en pratique et la théorisation au plus près des sujets et des groupes. De nombreux stages ont lieu, centrés sur l’approche de la violence dans le champ éducatif et scolaire, la formation des maîtres et des éducateurs, la pédagogie institutionnelle et les méthodes actives. Il devient maître de conférences en 1988.

En 1993, Jacques Pain soutient son doctorat d’État, Pratique de l’institutionnel, recherche-intervention et recherche-formation dans le champ éducatif, sous la direction de Jacques Natanson, puis fonde l’équipe de recherches « Crise, École, Terrains sensibles ». Professeur des universités en 1995, il est une figure incontournable de l’université Paris X-Nanterre participant à sa gouvernance, élu dans divers conseils (1992-2002), siégeant à la commission de discipline (fin des années 1990), dirigeant le service universitaire de la formation des maîtres (1989-1992). Le recteur de l’académie de Versailles le charge d’une mission sur les questions de violence en milieu scolaire entre 1992 et 1994.

Jacques Pain n’en poursuit pas moins ses activités de recherche-intervention. En France et à l’étranger, c’est un intervenant et un conférencier très demandé et apprécié. Il donne des cours dans des universités belges (Mons, Liège, Bruxelles) et suisses (Genève). Il est professeur invité dans les universités de Kyoto (Japon), de Paraïba (Brésil), de Séville (Espagne). Toujours attentif aux pratiques pédagogiques innovantes et fidèle à ses convictions, il est proche de mouvements pédagogiques tels l’ICEM, les amis de Freinet, le GFEN ou les CEMEA. Dans ses recherches, ses interventions et ses cours, il aborde souvent des objets d’étude inédits, qu’il s’agisse du harcèlement ou du décrochage scolaire, de la sanction, de l’autorité ou de la crise. En se spécialisant sur les pratiques de l’institutionnel et la violence, il tient le yin et le yang de la condition humaine, sans oublier le politique et la psychanalyse, à laquelle les longs compagnonnages avec Jean Oury, Félix Guattari, Pierre Delion ou encore Mireille Cifali l’ont acculturé. Sa culture scientifique témoigne d’une curiosité intellectuelle éclectique et insatiable. Ses textes sont parfois ardus, mais sa production scientifique est impressionnante : 19 ouvrages, 26 ouvrages collectifs, 211 articles, 102 jurys de thèses et/ou HDR dont 19 sous sa direction . Sur la forme, ses manuscrits révèlent une écriture à l’esthétique fine et toujours très lisible. Passionné de littérature, il écrivait aussi des poèmes et des romans policiers.

La pédagogie institutionnelle reste l’affaire de sa vie, son univers d’espérance en un monde plus juste et respectueux de celles et ceux que le sort a écartés. « Attention, être humain ! » écrivait-il, transposant le serment d’Hippocrate à la relation éducative pour en faire le premier invariant des pratiques de l’institutionnel . Il fut l’artisan des rassemblements nationaux des groupes de pédagogie institutionnelle à l’école de la Neuville (1994), à l’INRP (2000), à Lille (2004), à la clinique de la Borde (2006). C’était un pédagogue, praticien et intellectuel, porteur d’un fort message d’humanité, comprenant la vie intérieure des sujets en mal de société bienveillante. Il savait susciter et accompagner les plus désespérés d’entre eux vers le meilleur d’eux-mêmes, pour s’effacer ensuite. Sa forte présence en faisait une figure inspirante, charismatique et iconoclaste. Il savait encore que la lutte était quotidienne, dans ce monde où aucune valeur n’est jamais définitivement acquise. C’était un homme chaleureux et qui aimait la vie.

C’est ainsi que celles et ceux qui ont été proches de lui souhaitaient lui rendre hommage, un hommage collectif.

Michel Amram, Fernando Andrade, Halima Belhandouz, Laurence Bergugnat, Yannick Breton, Olivier Brito, Sylvie Canat, Rémi Casanova, Mireille Cifali, Sylvain Connac, Nadine Chéron, Françoise Cros, Pierre Delion, Huguette Desmet, Danielle Emo, Édith Heveline, Jean Houssaye, Marie-Anne Hugon, Gérard Jean-Montcler, Philippe Jubin, Frédérique Landoeuer, Jean Le Gal, Daniel Hameline, Alain Lenfant, Lucien Martin, Philippe Meirieu, Fabienne d’Ortoli, Sébastien Pesce, Catherine Pochet, Jean-Pierre Pourtois, Eirick Prairat, Bernard Quérol, Bruno Robbes, Marie-France Schrèque, Fanny Salane, Alain Vulbeau

Le site de J Pain

J. Pain : L’école se comporte comme une marâtre

J Pain et la pédagogie institutionnelle

Extrait de cafepedagogique.net du 19.01.21

 

Présentation et CV de Jacques Pain
Publié par Jacques PAIN le 20 décembre 2016

Professeur Émérite de Sciences de l’Éducation.
Fondateur du secteur de recherches “Crise, école, terrains sensibles” (1993).

Pédagogie et intervention institutionnelles.
Violences à l’école et dans les institutions.
Formation des maîtres et des éducateurs.

Fondateur des éditions associatives Matrice (1983), avec Daniel David et Christine Vander Borght.
cf Champ social édition, 34 bis rue Clérisseau, 34000, Nîmes (2011)
site : http://www.champsocial.com/

(Matrice : Champ social, Espace Pédagogie Institutionnelle, direction Sylvie Canat, Jacques Pain)

Bibliographie (ouvrages) :
•Chronique de l’école caserne (avec Oury F.), 1972, Paris, Maspero ; 1998, Vigneux, Matrice.
•La formation par la pratique. Pédagogie institutionnelle et formation, 1982, Vauréal, Micropolis ; 1998, Vigneux, Matrice.
•Intégrer la violence (avec Hellbrunn R.), 1987, Vigneux, Matrice.
•Placés, vous avez dit ? Techniques Freinet et Pédagogie institutionnelle en maison d’enfants, (collectif), 1987, Vigneux, Matrice.
•École : violence ou pédagogie ?, 1992, Vigneux, Matrice.
•La pédagogie institutionnelle d’intervention, 1993, Vigneux, Matrice.
•De la pédagogie institutionnelle à la formation des maîtres, (collectif), 1994, Vigneux, Matrice.
•Violence à l’école. Une étude comparative européenne à partir de douze établissements du second degré, en Allemagne, Angleterre, France (avec Barrier E., Robin D.), 1997, Vigneux, Matrice.
•Banlieues : les défis d’un collège sensible (avec Degois M.-P., Le Goff C.), 1998, Paris, ESF.
•La non-violence par la violence, une voie difficile, 1999, Vigneux, Matrice.
•Les classes-relais. L’école interpellée (avec Hugon M.-A.), 2001, Paris, CRAP.CRDP Amiens.
•La société commence à l’école. Prévenir la violence ou prévenir l’école ?, 2002, Vigneux, Matrice.
•L’invention de l’autorité (avec Vulbeau A.), 2003, Vigneux, Matrice.
•Pour des pédagogies actives.Avec ou sans l’école ?,2003,Vigneux, Matrice.
•Penser la pédagogie, 2003 ,Vigneux, Matrice.
•Paysages et figures de la violence, (collectif), 2003 ,Vigneux, Matrice.
•L’école et ses violences, 2006, Paris, Anthropos-Economica.
•La pédagogie institutionnelle de Fernand Oury, 2009, (avec Martin L., Meirieu P.), Vigneux, Matrice.
•Mondialisation : l’éducation fera la différence, 2011, Turquant, L’àpart éditions

Participation à 23 ouvrages collectifs. Auteur de 200 articles.
Jury de 90 thèses et/ou HDR, dont 19 sous sa direction.

Voir aussi : Préfaces
•Violences entre élèves, harcèlements et brutalités, de Dan Olweus, préface de Jacques Pain, 1999, Paris, ESF.
•Prévenir et agir contre la violence dans la classe, de Rémi Casanova, préface de Jacques Pain, 2000, Paris, Hattier.
•Démarrer une classe en pédagogie institutionnelle, de Édith Héveline, Bruno Robbes, préface de Jacques Pain, 2000, Paris, Hatier.
•Trente mots de Françoise Dolto à l’usage des parents et des éducatifs, de Françoise Chébaux, préface de Jacques Pain, 2000, Paris, PUF.
•Pratiquer la formation réciproque à l’école, sous la direction de Claire Héber-Suffrin, préface de Jacques Pain, 2005, Lyon, Chronique sociale.
•Arts martiaux, sports de combat et interventions psychosociales, sous la direction de Jacques Hébert, préface de Jacques Pain, 2011, Montréal, PUQ.
•Former les élites autrement, sous la direction de Catherine Nafti-Malherbe, préface de Jacques Pain, 2012, St Léger éditions..

Jacques PAIN
2 chemin des potiers
les 3 maisons
59 570 Hon Hergies

Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Sciences de l’Education200, avenue de la République
92001 Nanterre Cedex

Extrait de jacques-pain.fr du 20.12.16

 

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