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2S2C : Un rapport parlementaire pour un déploiement hors temps scolaire
« Le 2S2C ne peut pas, en période normale, empiéter sur le temps scolaire ». Présenté le 15 juillet devant la commission de l’éducation de l’Assemblée nationale, le rapport des députés Béatrice Descamps (UDI) et François Cormier-Bouligeon (LREM) a soulevé quelque réactions dans la majorité. Il montre que le déploiement du dispositif phare de JM Blanquer a touché très peu d’élèves, qu’il a augmenté les inégalités entre communes et qu’il ne peut devenir pérenne qu’en respectant le temps scolaire, alors même qu’il a été déployé par JM Blanquer sur ce temps.
Un dispositif de fortune ou l’avenir de l’école ?
A l’origine du dispositif 2S2C, l’incapacité d’accueillir tous les élèves lors du déconfinement de mai 2020. Dans l’urgence il a fallu mettre en place des systèmes de garde des élèves qui ne pouvaient pas être accueillis dans les salles de classe. Et l’Education nationale a fait appel aux collectivités locales pour mettre en place des activités sur le temps scolaire.
Baptisée 2S2C par JM Blanquer, cette roue de secours est devenue dans sa communication la préfiguration d’une évolution de l’école. « Nous avons à penser une place supplémentaire du sport et de la culture à l’école », dit le ministre le 19 mai. « Une contrainte forte peut nous amener à une évolution positive car on avait déjà l’objectif de développer la place du sport et de la culture. Ce qui préfigure cela c’est le 2S2C ». Ces propos inquiètent les professeurs d’EPS, d’éducation musicale et d’arts plastiques, qui voient des intervenants occuper leurs heures de cours. L’idée de confier aux collectivités locales ces enseignements semble s’imposer rue de Grenelle.
Un dispositif peu développé et inégal
Le rapport de Béatrice Descamps et François Cormier-Bouligeon montre pourtant la modestie du dispositif. Seulement 2.5% des écoliers ont été concernés (167 051 élèves de 2940 communes) et 7685 collégiens.
Le rapport montre aussi que le dispositif a créé une nouvelle inégalité entre les communes. Seules celles qui avaient gardé un PEDT actif et qui avaient développé des activités périscolaires importantes, c’est-à-dire par exemple les communes fidèles à la semaine de 5 jours, supprimée par Blanquer, ont pu trouver les ressources humaines pour la mise en place du 2S2C. Le dispositif nécessite aussi des équipements sportifs et culturels que seules des communes importantes peuvent financer. Enfin le rapport souligne aussi l’insuffisance de l’aide de l’Etat : l’éducation nationale donne 110€ par journée pour un groupe de 15 élèves, alors que certaines heures d’intervention coutent 110€.
Réactions enseignantes
« La communauté enseignante a également mal réagi, parfois, à la mise en place du dispositif, qui n’a pas pu faire l’objet d’une concertation poussée, notamment au plan pédagogique, eu égard au contexte dans lequel il s’est déployé », disent les rapporteurs. « Cela a aussi contribué à faire ressurgir la crainte, souvent agitée, jamais avérée, selon laquelle l’éducation physique et sportive pourrait être remplacée. »
Des enseignants ont aussi émis des doutes sur l’honorabilité des intervenants. Le rapport affirme que tous ont été controlés mais dit en même temps que ce contrôle repose sur les déclarations des collectivités locales…
Quel avenir pour le 2S2C ?
Pour l’avenir, les rapporteurs demandent que soit levée l’ambiguité vis-à-vis des enseignements. « Le 2S2C ne peut pas, en période normale, empiéter sur le temps scolaire, qui doit être consacré aux enseignements, même si ceux-ci peuvent et doivent favoriser l’intervention de personnes extérieures quand cela est pertinent et organisé par le corps enseignant lui-même. C’est une condition capitale, à notre sens, pour que le dispositif soit accepté de tous. Il faut ajouter à cela que ne doit pas être remis en cause l’enseignement de l’EPS et des matières artistiques par les professeurs des premier et second degrés », écrivent-ils.
Ils demandent aussi que soit garantie l’’égalité des enfants, ce qui suppose une réflexion à l’échelle départementale. « Une année scolaire est a minima nécessaire pour penser et organiser cette éventuelle réforme en concertation avec tous les acteurs », disnet-ils.
Ce rapport, rédigé par deux députées de la majorité, lève t-il les ambiguités ? Lors de sa présentation devant la commission de l’éducation, deux députés LREM, Béatrice Piron et Céline Calvez, cette dernière très proche de JM Blanquer, sont intervenues pour demander le maintien du 2S2C sur temps scolaire, c’est-à-dire à la place des enseignements. Pour B Piron il faudrait l’institutionnaliser dans les écoles à grand effectif. C Calvez demande la liberté de faire des expérimentations du 2S2C sur temps scolaire.
Si le rapport de Béatrice Descamps et François Cormier-Bouligeon n’envisage le maintien du 2S2C qu’en accord avec les enseignants, dans la majorité l’idée d’une école allégée pour les pauvres est toujours là. JM Blanquer vient d’ailleurs de l’adouber en proposant dans les collèges aux élèves faibles de prendre 5 heures hebdomadaires aux autres enseignements pour ne faire que du français et des maths. Promettre plus de culture et de sports tout en réduisant les enseignements aux « fondamentaux » aboutit à une même politique.
François Jarraud
2S2C : "un défaut d’anticipation", des obstacles nombreux, des perspectives dans le cadre des PEDT (mission flash de l’Assemblée nationale)
"Pour faire un bref bilan statistique, nous pouvons dire que le dispositif, s’il n’a pas été mis en place par beaucoup de communes, a connu une montée en charge très rapide tout au long des mois de mai et juin", estiment les rapporteur-e-s de la mission flash sur la mise en place du dispositif "2S2C", présentée, hier mercredi 15 juillet 2020, à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, François Cormier-Bouligeon (LREM) et Béatrice Descamps (UDI). En effet, "seules 1000 conventions avaient été signées début juin mais au 19 du mois, 2700 communes avaient contracté avec l’État". Au total, "8% des communes ont pu mettre en place le 2S2C et 2,5 % des élèves du premier degré y ont effectivement participé".
Cependant, si "certaines communes ont pu mettre en place le dispositif très rapidement, d’autres ont fait face à des obstacles nombreux et difficilement surmontables". Outre "la question des locaux disponibles qui s’est posée" (et du personnel pour effectuer le nettoyage, ndlr), le manque de moyens humains, notamment, a été souligné. D’autre part, "dans le domaine sportif, les professeurs d’EPS ont exprimé de vives craintes quant à la capacité des intervenants à conduire certaines activités sportives avec un niveau de sécurité suffisant". En outre, "la qualité des éducateurs de clubs a été parfois mise en cause" tandis que le niveau d’exigence pédagogique était d’autant plus élevé que "le dispositif était déployé sur le temps scolaire et non sur le temps périscolaire". Quant à l’appel à des bénévoles associatifs, il "n’a pas été possible" car "ces personnes avaient, elles-mêmes des activités professionnelles". Enfin, "il fallait également prendre le temps de vérifier les antécédents judiciaires de nouveaux intervenants".
"La question financière" n’a pas manqué d’être posée. Elle est même "revenue fréquemment" dans les réponses au questionnaire soumis par les rapporteur-e-s. Ainsi, "si l’État contribue jusqu’à 110 euros par jour et par groupe de 15 élèves, beaucoup d’activités se révèlent plus coûteuses et exigent que les collectivités en financent une partie, un facteur, du reste, préoccupant, d’inégalité entre les territoires mais aussi un frein à l’offre d’activités. En effet, en l’absence de financement complémentaire, beaucoup d’associations ne s’y retrouvaient pas sur le plan financier".
La liste des obstacles
"D’autres obstacles, note-t-on, ont aussi contribué à ce que le dispositif ne soit pas déployé partout sur le territoire. Le contexte politique, notamment, et électoral, dans certaines communes, a rendu plus difficile et plus lente la prise de décision." Par ailleurs, "ce dispositif a été mal vécu par les maires qui se sont vu confier une responsabilité nouvelle, sans anticipations réelle". Pour les autres, ils ont eu le sentiment que l’Etat se défaussait "après une période très difficile". D’autres encore "ont le sentiment qu’on leur envoyait le soin de faire garderie et que l’État leur faisait porter la responsabilité de gérer les conséquences de l’impossibilité pour l’éducation nationale d’accueillir les enfants sur les horaires habituels". "La question de la responsabilité judiciaire, notamment pénale, a été aussi très vite au cœur des inquiétudes."
"La communauté enseignante" a, de son côté, "parfois mal réagi à la mise en place du dispositif qui n’a pas pu faire l’objet d’une concertation poussée, notamment sur le plan pédagogique. Cela a pu susciter des inquiétudes de la part des enseignants du premier degré, en ce qui concerne l’éducation physique et l’éducation artistique et culturelle auquel ils sont très attachés". Dans le second degré, "les professeurs d’EPS ont pu voir d’un mauvais œil l’intervention du mouvement sportif" qui a pu être interprétée "comme une volonté de substituer l’action des collectivités à celle de l’Education nationale" ou que "l’éducation physique et sportive pourrait être remplacée". En somme, remarque-t-on, "un défaut d’anticipation et de communication a été à l’origine de ces craintes".
Possible pérennisation du dispositif ?
"Le dispositif 2S2C ne peut pas empiéter, en temps normal, sur le temps scolaire qui doit être consacré aux enseignements même si ceux-ci doivent favoriser l’intervention de personnes extérieures quand cela est pertinent, organisé par le corps enseignant lui-même", soulignent encore les rapporteur-e-s. "Il faut, pour cela, ajoute-t-on, augmenter le financement dédié à des activités proprement scolaires, assumer d’augmenter la polyvalence des enseignants du premier degré en renforçant les temps de formation."
Pour ce faire "il y a un élément à conserver dans ce dispositif, celui qui est à cheval entre l’école et le monde extérieur..., une opportunité pour repenser le temps périscolaire dans lequel les collectivités seraient responsables d’activités diverses proposées aux enfants mais en lien plus étroit avec l’école. Une forme de temps périscolaire qui ferait collaborer autour d’un projet local. Il pourrait s’agir de prendre appui sur ce qui existe déjà avec les projets éducatifs territoriaux, sans que cela soit un dispositif qui vienne s’ajouter encore et encore, sans créer une nouvelle instance de concertation ou un nouveau cadre de réflexion."
"Il faut, également, garantir l’égalité entre les enfants, à l’échelle des territoires" afin qu’ils puissent avoir "accès à des activités intéressantes, riches, diversifiées et de qualité. Une place importante est faite aux activités sportives... mais il faut, à l’avenir, faire place à la culture, aux activités liées à la santé et au civisme."
Une fédération pour le 1er degré ?
"Peut-être, faut-il favoriser l’émergence d’une fédération culturelle du premier degré sous l’égide du ministère de l’éducation nationale... , aller au delà de l’éducation populaire pour intégrer à des activités (culturelles et sportives) des problématiques plus larges comme la santé, l’environnement, le développement durable, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les discriminations ou encore la lutte contre la manipulation de l’information...". La mise en place d’un tel dispositif ne pourrait se faire en quelques semaines. "Une année scolaire est nécessaire pour mettre en œuvre cette éventuelle réforme."
Extrait de touteduc.fr du 16.07.20
Note du QZ : Lors du lancement du 2S2C, les réactions négatives sont venues essentiellement des ensengnants d’EPS, ce qui nous a amenés à classer les articles dans la sous-rubrique Disciplines : Sport, EPS (doc. généraux).
L’extension aux champs de la culture, de la citoyenneté et de la santé et l’éventuelle pérennisation du dispositif nous font maintenant reclasser rétroactivement la plupart des articles dans la sous-rubrique Rythmes scolaires et de l’élève : OTS (EN), Accueil périscolaire (Collectivités), Multi-âges (à l’intérieur de la rubrique VIE SCOLAIRE)