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Les propositions éducatives du rapport Cap22 sur la dépense publique. Analyse du Café pédagogique

23 juillet 2018

Dépense publique : les mesures explosives du rapport Cap 22 dévoilées

Longtemps gardé secret, le rapport Cap 22 qui doit permettre à l’État de faire une révision générale des politiques publiques et de dégager des économies a été dévoilé. Le document préconise plusieurs mesures chocs pour réaliser d’ici 2022 "une trentaine de milliards d’euros" d’économies.

[...] Education
Dans ce domaine jugé prioritaire par le gouvernement, l’une des pistes serait d’évaluer les établissements "pour les responsabiliser", avec les résultats des élèves, les conditions d’étude, de sécurité et de bien-être, etc. Les auteurs du rapport préconisent par ailleurs de donner davantage de "marges de manoeuvre" aux chefs d’établissement pour constituer leur équipe pédagogique.

Le document de 152 pages prévoit également de revoir la formation des enseignants en développant notamment les "pré-recrutements", comme l’a déjà évoqué le ministre Jean-Michel Blanquer. Il se prononce en outre en faveur de la création d’"un nouveau corps d’enseignants" dans le secondaire : sur la base du volontariat. Le temps d’enseignement y serait supérieur ainsi que la rémunération, mais la flexibilité accrue.

Enfin, une proposition vise à conditionner davantage le financement des universités à "la performance, à l’atteinte d’objectifs ou de résultats", notamment en menant des évaluations plus fréquentes.

Extrait de bfmtv.com du 22.07.18 : Dépense publique : les mesures explosives du rapport Cap 22 dévoilées

 

Cap 22 : Comment Macron va réformer l’Etat et l’Ecole

Rendu public par un syndicat, le rapport "Service public : se réinventer pour mieux servir" vise à réduire le coût des services publics. Pour cela les fonctionnaires sont aux premières loges des économies à réaliser et les enseignants en premier. Le rapport invite le gouvernement à créer une nouvelle catégorie d’enseignants qui travailleront plus et seront bivalents. Il les confiera à des chefs d’établissement managers ayant le pouvoir de les recruter et de décider de leur salaire. Dans la suite de la RGPP imaginée sous Sarkozy, ce rapport va plus loin dans le Nouveau Management Public pour conseiller des réformes dont les effets négatifs ont été constatés ailleurs.

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Un nouveau corps d’enseignants

Tout un chapitre est consacré à l’Ecole. Sous prétexte de "réduire les inégalités", le rapport ne traite en fait que la gestion des enseignants, comme s’ils étaient à l’origine du problème.

Le rapport invite à "responsabiliser davantage les chefs d’établissement notamment en leur donnant plus de marges de manœuvre pour constituer leur équipe pédagogique". Il leur promet "un déroulement de carrière plus attractif afin qu’ils jouent pleinement leur rôle de manager".

La principale réforme consiste à créer un nouveau corps d’enseignants. L’objectif est "d’augmenter le temps d’enseignement des enseignants du secondaire actuels avec un recours à deux heures supplémentaires, ce qui conduira à améliorer leurs rémunérations, et créer pour cela un nouveau corps d’enseignants qui pourrait se substituer progressivement à celui de professeur certifié. Pour ce nouveau corps, que les enseignants pourraient rejoindre sur la base du volontariat, le temps d’enseignement serait supérieur à celui des professeurs certifiés mais la rémunération serait également supérieure... Ce corps serait soumis à des obligations supplémentaires (bivalence, annualisation d’une partie du temps d’enseignement, obligation de remplacement dans l’intérêt du service) qui offriraient plus de souplesse aux chefs d’établissement"

5 jours en plus dans les obligations de service

Il envisage une réforme de la formation des enseignants avec une formation initiale de deux ans à partir de L3 et des pré-recrutements étudiants.

La formation continue "doit elle aussi être repensée, en rendant certaines formations obligatoires, en laissant le choix aux enseignants pour les autres et en effectuant les formations en dehors des heures de cours tout en les valorisant pour que les enseignants qui s’y rendent... La proposition est donc d’intégrer un temps réservé à la formation, de 3 à 5 jours, pleinement intégrée aux obligations réglementaires de service".

Pourtant les rapporteurs semblent avoir trouvé la solution aux congés de formation : "Le numérique constitue une solution temporaire pour assurer des formations de remplacement en cas d’absence d’un enseignant", dit le rapport. C’est simple...

Le rapport annonce aussi la réforme territoriale qui se met en place. Il veut "faire de l’académie l’échelon de décision stratégique pour la mise en oeuvre de la politique éducative. Par ailleurs, le périmètre des académies serait revu pour se rapprocher de la carte des services de l’Etat sur le format des nouvelles régions".

De la RGPP au Conseil des ministres

Pour tous ceux qui suivent l’Ecole depuis des années, ce rapport éveille des réminiscences. Le rapport Cap 22 rappelle la Révision générale des politiques publiques lancée par N Sarkozy avec le même objectif entre 2007 et 2012. La RGPP affichait clairement son intention de réduire les postes d’enseignants. Cap 22 ne le dit pas mais tout ce dispositif réaliser cet objectif. C’est ce que veut dire le pilotage par la masse salariale, ce qu’entrainera l’annualisation des services des nouveaux enseignants. Au final la RGPP s’est traduit par une nette détérioration de la qualité de l’enseignement particulièrement dans les zones d’éducation prioritaire. On se rappelle que Paris avait été relativement beaucoup moins touché par les suppressions de postes que Créteil par exemple.

Ce texte n’est pas qu’un rapport de plus. Plusieurs de ses préconisations ont été actées au Conseil des ministres du 12 juin. Celui ci a acté "l’élargissement du recours au contrat" dans la Fonction publique, la volonté "d’assouplir les contraintes qui pèsent sur les employeurs publics dans leurs choix de recrutement", " la refonte de la rémunération des agents publics, avec une remise à plat complète des modalités de rémunération des agents publics et la généralisation de la rémunération au mérite" et "l’allègement des commissions administratives paritaires".

Un projet idéologique

Ce rapport n’invente rien non plus sur le fond en matière scolaire. Cette politique de gestion managériale avec la dilution des statuts et la mise à genoux des syndicats a déjà largement été expérimentée ailleurs. C’est tout simplement l’application, avec 20 années de retard, du New Public Management qui a gagné déjà les pays anglo-saxons et une bonne partie de l’Europe.

Le pays qui est allé le plus loin sur cette voie est celui qui connait l’échec le plus retentissant : la Suède. Dans les années 1990, la Suède a pris la tête des pays réformistes dans l’optique du New Management. Le pays est passé en quelques années d’un système éducatif étatique et centralisé à une décentralisation totale. Les enseignants sont devenus des employés communaux. Les établissements sont gérés par des chefs d’établissement qui ont une totale liberté de gestion sous tutelle de la municipalité et une large autonomie pédagogique. L’Etat attribue par contrat aux communes une enveloppe globale pour ses services en échange de services.

Vingt ans après la réforme, l’OCDE pointe le faible niveau de compétences des élèves suédois et la baisse régulière des performances en compréhension de l’écrit, en maths et en sciences dans les évaluations PISA depuis 10 ans. En détruisant le statut des enseignants, la Suède affronte une grave crise de recrutement qui l’amène à embaucher des personnels beaucoup moins qualifiés. Même les chefs d’établissement se sont fatigués d’être des managers. La crise de recrutement les concerne également.

Cet échec n’est pas propre à la Suède. On le retrouve aussi , comme l’ont montré Florence Lefresne et Robert Rakocevic (Depp) en Angleterre et aux Pays Bas. C’est la philosophie même du New Public Management qui est maintenant remise en question y compris par une organisation internationale comme l’OCDE. Mais ce rapport n’en tient aucun compte.

Il nous dit en fait deux choses importantes. La première c’est que les idées émises par JM Blanquer dans ses livres successifs sont celles de l’équipe présidentielle. Cela donne évidemment un poids très puissant à la politique ministérielle. Le ministre est en accord et va appliquer le programme gouvernemental.

Le second enseignement c’est que cette politique est purement idéologique. Il n’y a aucun "pragmatisme" dans cette politique. La grande réforme de l’Education nationale est lancée et appliquée à bride abattue alors que les résultats néfastes sont clairement prévisibles.

François Jarraud

Le rapport Cap 22.
Voir la proposition 8, qui concerne l’éducation.

Extrait de cafepedagogique.net du 24.07.18 : Cap 22 : Comment Macron va réformer l’Etat et l’Ecole

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