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Quelles sont les questions d’éducation dont les médias ne parlent pas ou bien au contraire parlent trop ? Une enquête de l’Association des Journalistes Education-Recherche (AJE)

3 décembre 2012

Lancée à l’occasion du colloque du 30 octobre 2012 organisé par les Cahiers pédagogiques et consacré à la pédagogie dans les médias, série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias se poursuit.

 Luc Cédelle, journaliste au Monde, blogueur et auteur d’ouvrages sur l’éducation.

De manière générale, tout ce qui ne relève pas du marronnier ou du spectaculaire a tendance à être négligé. C’est le cas aussi de l’enseignement professionnel. Il me semble y voir un effet de classe assez marqué et caricatural chez les décideurs des médias. C’est un peu « tout sur Sciences Po, rien sur le lycée pro ». Même si Sciences Po est très intéressant, le déséquilibre est flagrant, c’est assez stupéfiant. Même chose pour un autre sujet assez général et généraliste comme le brevet des collèges, peu traité dans la presse. Le brevet n’est pas un événement pour un fils de cadre supérieur, alors que c’est important pour les gamins des quartiers populaires. Cette importance là n’est pas rendue dans les médias.

Luc Cédelle : « Un journaliste éducation ne devrait pas passer plus d’une semaine sans aller dans un établissement »

 

Nathalie Mons, professeure de sociologie, membre du comité de pilotage de la concertation pour la refondation de l’Ecole de la République

Certains sujets se prêtent difficilement aux traitements médiatiques. Or, ils sont au cœur de l’école. C’est le cas des méthodes et innovations pédagogiques. A l’opposé, d’autres sujets, comme la violence à l’école prennent trop de place par rapport à leur importance dans le monde scolaire notamment à la télévision. A suivre les médias audiovisuels, on peut imaginer que la violence scolaire progresse, or dans les statistiques sur le sujet nous montrent que ce n’est pas le cas. De façon générale, paradoxalement, sur les thématiques de l’éducation on entend très rarement la parole des élèves.

Education dans les Médias-Nathalie Mons : « Paradoxalement, on entend très rarement la parole des élèves »

 

Marie Duru-Bellat, Professeure à l’Institut d’étude politique (IEP) de Paris et chercheuse à l’Observatoire Sociologique du Changement et à l’Institut de Recherche en Éducation (IREDU)

Il y a des choses dont on ne parle jamais. Qu’apprennent les élèves ? Quels sont les programmes ? Comment apprennent-ils ? Les médias devraient davantage s’intéresser à ce qui se passe dans les autres pays européens. [...]

Il y a un autre sujet qui n’est jamais abordé dans les médias, c’est celui sur la manière dont l’école française accueille les enfants issus de l’immigration. Là encore ce serait intéressant de rendre compte de ce qui se fait à l’étranger, au Canada par exemple.

Marie Duru-Bellat : « On ne parle pas assez de ce qui se passe dans les autres pays »

 

 Philippe Watrelot, président du CRAP-Cahiers pédagogiques, enseignant. de Sciences économiques et sociales à des lycéens et formateur à l’IUFM.

Je trouve dommage qu’il n’y ait pas plus souvent des reportages “au fond de la classe”.

Philippe Watrelot : « Malheureusement la pédagogie n’est pas spectaculaire »

 

 Philippe Meirieu, Professeur de sciences de l’éducation à l’université Lumière Lyon 2, vice-président de la région Rhône-Alpes chargé de la formation tout au long de la vie (Europe Ecologie Les Verts)

C’est la pédagogie proprement dite qui est la grande oubliée. A l’exception de quelques débats biaisés – comme celui sur “la méthode globale” – les questions pédagogiques proprement dites sont peu traitées. Regardez le problème des rythmes scolaires : c’est, certes, un problème important – aux implications sociales et économiques importantes, avec une dimension chronobiologique que je suis loin d’ignorer -, mais ça reste un problème d’organisation de la tuyauterie. Cela ne touche pas à la question des contenus et des méthodes. Or, ce qui fatigue un enfant, en réalité, c’est l’échec ! Et la lutte contre l’échec doit passer par un vrai travail sur les programmes et les situations pédagogiques… Les “pédagogues” ont été discrédités, leur parole, leurs travaux sont peu connus et peu diffusés.

Philippe Meirieu : « On parle souvent d’éducation de manière segmentée »

 

 Yves Fournel, adjoint à l’éducation de la ville de Lyon et président du Réseau français des villes éducatrices

On perçoit bien à travers la concertation nationale sur la refondation de l’école ou les débats autour de l’Appel de Bobigny, que nous sommes confrontés à des enjeux éducatifs stratégiques pour l’avenir qui mériteraient des débats publics de fond hors du contexte émotionnel autour de tel ou tel événement : conception globale de l’éducation sur tous les temps et tous les espaces éducatifs, passage de la garde à l’accueil pour la petite enfance et transitions avec l’école maternelle, l’éducation artistique, l’école numérique, l’évaluation à l’école, la scolarité obligatoire, culture le socle commun, sécurité, l’école commune de tous les enfants. Ce sont autant de sujets non traités ou superficiellement.

Cela nous confronte à la question du temps court et de l’enfermement dans la réaction immédiate à l’actualité, là où les enjeux éducatifs exigent par leur complexité prise de recul et développement argumenté.

Yves Fournel : “Il n’y a pas de traitement de fond des enjeux éducatifs

 

 Emmanuel Davidenkoff, Directeur de la rédaction de L’Etudiant

Sujets mal traités
L’enseignement professionnel, et, dans une moindre mesure, l’apprentissage. Il y a plusieurs raisons à cela. D’une part, les journalistes ont dans leur immense majorité été scolarisés en lycée d’enseignement général, pas en lycée professionnel, et leurs enfants sont aussi scolarisés en lycée général. Ensuite, on écrit pour ses lecteurs et, malheureusement, les parents qui ont de quoi acheter la presse sont moins souvent ceux qui ont des enfants en lycée pro.

Emmanuel Davidenkoff : « On ne parle pas assez de l’enseignement professionnel »

 

 Michel Lussault,directeur de l’Institut français de l’Education (ex-INRP)

On n’aborde pas non plus la question de la formation tout au long de la vie, alors que cela permettrait aussi de se poser des questions sur le système éducatif, et en particulier l’échec scolaire.

Michel Lussault : « On ne voit pratiquement rien sur ce qui se passe réellement dans les classes  »

 

 Antoine Prost, Historien de la société française au XXème siècle

Sujets oubliés :
Tout ce qui concerne les rapports entre l’administration et le fonctionnement de l’école. Ces sujets, s’ils sont très techniques, n’en sont pas moins très importants mais en général assez obscurs : l’administration quotidienne, le management de l’Education nationale, le « comment ça marche ? ». Je pense par exemple, en primaire, à l’effet des inspecteurs sur l’éducation. Je pense aussi à la façon dont sont choisis les proviseurs. Ou encore au fonctionnement des rectorats.

Antoine Prost : « Un des travers de la presse française est de ne pas présenter d’abord les faits »

 

 Nicolas Demorand, directeur de la publication et de la rédaction de Libération

La solitude des profs, sur les épaules desquels repose, in fine, la capacité à faire fonctionner l’institution.

Nicolas Demorand : « L’interview télé d’un ministre de l’éducation ne rassemble pas les foules ! »

 

Extrait du site de l’ajé, Association des journalistes Education-recherche :
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