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Interview
JO de Paris 2024 : « Les politiques se servent du sport comme d’un outil d’insertion des populations défavorisées »
Alors que de nombreux spectateurs des JO jurent, au lendemain de la clôture de l’événement dimanche 11 août, qu’ils vont se mettre à l’exercice, la sociologue Marina Honta revient sur l’instrumentalisation des pratiques sportives par les pouvoirs publics, des projets totalitaires aux enjeux sanitaires ou sociaux de la politique de la ville née dans les années 80.
Un corps sain pour une nation saine. Avec la fin des JO, le sport amateur s’attend à une hausse des demandes d’inscriptions dans les structures sportives. Un engouement qui suscite l’intérêt des politiques : depuis plus de vingt ans, la pratique sportive est activement promue par les pouvoirs publics, pour des raisons de santé publique comme d’insertion sociale pour les populations défavorisées. Que ce soit sur le long terme ou de manière ponctuelle, par exemple après des émeutes dans les quartiers populaires, les élus voient de nombreux intérêts dans la construction d’infrastructures sportives, explique Marina Honta, enseignante-chercheuse en sociologie à l’université de Bordeaux et spécialiste des politiques publiques du sport et de la santé.
Quand on parle de sport comme projet politique, l’imaginaire qui nous revient, c’est celui de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie. Est-ce que le sport a une idéologie politique ?
Il y a eu effectivement ces entreprises d’instrumentalisation du sport et de redressement des corps à des fins identitaires et totalitaires. Ces figures sont heureusement datées, même si pendant les Jeux olympiques de Paris, la fonction identitaire du sport a été exaltée, au service d’un sentiment collectif et de fierté nationale, de manière très différente des régimes totalitaires, heureusement. Il y a toutefois d’autres formes d’instrumentalisation politique du sport et de sa pratique. Il y a des finalités sanitaires, bien sûr, et sociales. [...]
Extrait de liberation.fr du 13.08.24
La place du sport dans les quartiers populaires
Le sport a longtemps été considéré comme une activité et un loisir réservé aux classes les plus aisées. Même si aujourd’hui la pratique sportive s’est grandement démocratisée, 64% des Français qui pratiquent au moins une fois par semaine une activité physique, le sport continue d’être une pratique inégalitaire (Les Chiffres clés du sport, 2017). En effet, le sport est une question de génération, de genre mais aussi de milieux sociaux. Certaines activités sportives peuvent être très coûteuses car elles nécessitent des équipements spécifiques comme le ski, le golf, le canoë ou bien même le polo. Mais Pierre de Coubertin, fondateur du Comité International Olympique, rappelle que l’idée d’insérer “les classes populaires grâce à la pratique sportive fait partie du mythe fondateur du sport depuis le début du XXe siècle”.
L’importance du sport
La pratique sportive est essentielle pour les jeunes, d’autant plus dans les quartiers populaires, car elle représente un outil d’éducation et de transmission. En effet, à travers le sport, les jeunes acquièrent de nombreuses valeurs comme la persévérance, la détermination, l’esprit d’équipe et la ponctualité. Ces valeurs sont primordiales car elles constituent un savoir-être nécessaire essentiel dans la vie quotidienne et citoyenne mais aussi dans le monde professionnel. D’autre part, le sport représente un levier d’intégration sociale en structurant le temps libre des jeunes et créant un nouveau lien de confiance entre le jeune et l’adulte. Ainsi, le sport représente un moyen important de lutter contre la délinquance mais surtout de pacifier les banlieues. Dans certains quartiers populaires où les bandes de jeunes s’affrontent, des associations les font s’entraîner tous ensemble et la communication renaît ce qui permet d’apaiser les tensions entres les différents groupes opposés. Finalement, les jeunes sportifs doivent adopter un mode de vie sain afin d’être plus performant lors des entraînements ou compétitions. La rigueur et la discipline du sport leur est donc très bénéfique sur le court et long terme d’un point de vue médical.
Les politiques de la ville et le sport
Dans les politiques de la ville visant à “revaloriser certains quartiers urbains dits sensibles et à réduire les inégalités sociales entre les territoires”, le sport possède une place de choix (Ministère des Sports). Les différents acteurs ont bien compris la fonction socialisatrice du sport et les politiques publiques soutiennent le développement des dispositifs sportifs dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) où 42% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (CESE, 2018). Une partie de ces acteurs apportent un soutien financier aux associations locales qui gèrent des actions d’insertion et d’éducation par le sport. Par exemple, la Mission locale de Paris organise des tournois sportifs inter-quartiers accompagnés d’ateliers d’information. Le sport partage les mêmes objectifs que les politiques de la ville que sont l’inclusion sociale et la mixité sociale (Ville et Banlieue, 2011)
Le sport dans les banlieues
Cependant, en pratique, le sport dans les banlieues reste très inégalitaire. Le manque d’équipement et d’installations sont les principaux freins. Gasparini et Vieille-Marchiset expliquent que l’entraînement sportif dans les banlieues est plus faible et moins diversifié que sur le reste du territoire. Les QPV et les territoires ruraux sont les zones possédant le moins d’infrastructures sportives, 2 fois moins que sur le reste du territoire d’après un rapport de 2014 intitulé “Equipements sportifs et freins à la pratique sportive en Zus”. A cause de cela, il est plus rare de trouver des jeunes de banlieues faisant de l’équitation ou du water-polo par exemple. Les installations nécessaires ne sont pas disponibles au sein même des quartiers et les frais de déplacement pour s’y rendre sont trop élevés. Leur choix est donc limité aux installations disponibles : une grande majorité du temps ce sont les terrains de football et de basketball et les salles de boxe. Ce sont aussi les seules activités sportives où les jeunes de banlieues forment la majorité des licenciés (AFP, 2018). Les municipalités doivent donc répondre à la demande d’équipements sportifs de haute qualité à proximité de la population afin d’accroître l’offre sportive dans ces quartiers populaires.
Extrait de impulsion 75.fr du 11.11.23
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