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Pour un renouveau de l’éducation prioritaire, par Hélène Salmona, membre du bureau de l’OZP (septembre 2002)

2002

Renouveau de l’éducation prioritaire : une proposition

par Hélène Salmona (10.09.2002)

Aujourd’hui, vingt ans après sa création, l’Éducation prioritaire et son dispositif ZEP - REP est devenue un élément constitutif du système scolaire, et sa nécessité, comme dans la plupart des pays européens, ne fait plus aucun doute.

Pour autant, ne faut-il pas remettre en chantier la réflexion sur ce qui fut, en 1981, un immense espoir : construire une école plus juste, une école égale pour tous ? L’OZP le pense et avance une proposition.

En prenant acte du constat sociologique - les conditions sociales dans lesquelles vivent les élèves ont statistiquement une influence sur leur adaptation scolaire - les décideurs de l’époque furent poussés à questionner la tradition égalitariste, à chercher à inscrire dans la réalité sa valeur fondatrice : que l’école, service public, assure pleinement ses missions d’enseignement et d’éducation auprès de tous les enfants, de tous les jeunes et partout sur le territoire, telle est la vocation de l’Éducation prioritaire ; et certains d’entre nous, à l’OZP, n’hésitent pas à penser que ce fut pour l’école un moment comparable dans son esprit - n’exclure personne, reconnaître et traiter les différences - à la création, au début du siècle, de l’AIS (dispositif d’adaptation et d’intégration scolaire).

D’une autre manière, plus près de nous, on peut voir dans la création des ZEP une conséquence logique de l’instauration du collège unique, qui, en instituant une scolarité égale pour l’ensemble des jeunes, devait élever le niveau culturel du pays, indispensable au fonctionnement d’une nation industrialisée.

Durant ces vingt années, des mesures ont été prises qui étaient destinées à améliorer le fonctionnement et la force du dispositif. Ont-elles toutes été pertinentes ? Ont-elles été appliquées ? Des effets pervers ont-ils été pris en compte ? Enfin, les ZEP ont-elles eu le soutien et la vigilance continue indispensables à la réussite de ce projet novateur et exigeant ?

La réponse n’est pas simple et nous nous bornerons ici à soulever deux aspects de l’histoire institutionnelle des ZEP : l’implication des autorités rectorales et académiques dans le dispositif et l’accroissement du nombre des ZEP et REP.

Durant la première vague des ZEP, de 1981 à 1989, peu d’académies ont assuré leur responsabilité de pilotage ; dans la période 1990 à 1996, une majorité a pris en charge ce secteur et, après un temps extrêmement positif, en 1997 et 1998, une partie s’est laissé aller au désintérêt ou à la facilité démagogique, enfant du peuple = ZEP-REP ; certaines, cependant, ont résisté avec courage. C’est ainsi que nous constatons une hétérogénéité des ZEP, une disparité de leur réussite.

En 1999, le nombre des ZEP - REP a été accru de façon considérable, et, à notre avis, inconsidérée. Sans doute, le ministère a-t-il voulu répondre à l’afflux des demandes et a-t-il été influencé par le climat général de plainte émanant des enseignants sur la difficulté à assurer le métier, quel que soit d’ailleurs le lieu d’exercice. Ainsi, infiltrant une grande partie du système scolaire, le caractère spécifique de l’Éducation prioritaire se dissolvait dans la masse.

Un moindre intérêt et une extension trop large ont été à l’origine de dérives ; nous n’hésitons pas à dire que l’Éducation prioritaire a été malmenée et a perdu le sens qui l’avait conçue : venir en aide aux plus démunis. Un exemple : le nombre de collégiens en ZEP - REP s’élève à 17 % en moyenne nationale et à 25 % dans certaines académies ! Ainsi des centaines d’établissements qui ont la caractéristique d’accueillir des enfants de classe populaire sont renvoyés dans un dispositif spécial ! Ne faut-il pas alors s’interroger sur les mesures à prendre pour l’ensemble de la scolarité obligatoire ? redéfinir les savoirs, les programmes, promouvoir les modalités d’enseignement qui ont fait leur preuve depuis bien longtemps et qui demeurent cependant marginales ?

Il faut donc refonder l’Éducation prioritaire, la réinstituer, revenir à son sens premier. Il est, nous semble-t-il, hors de question, de désintégrer le dispositif tel qu’il existe actuellement. Des ZEP ont mis en place des équipes, elles ont acquis des méthodes de travail, de partenariat, un professionnalisme qui sont une véritable richesse pour l’Éducation nationale, si elle savait les mettre en valeur et les diffuser. Mais les acquis sont toujours fragiles et ces équipes ont besoin d’aide. Les acteurs du terrain réclament une attention et une implication de la hiérarchie, une écoute, un soutien, une reconnaissance du travail accompli. Ainsi peuvent-elles accomplir leur mission - qui est de maintenir l’unité de l’école.

Mais cette relance des ZEP n’est pas suffisante. Car certains lieux sont en grand péril, en déshérence d’école. Nous pensons qu’il faut revenir au fondement de l’Education prioritaire tel qu’il a été défini en 1981 : aider des territoires très sinistrés à surmonter les difficultés rencontrées par les élèves.

Il semble donc urgent de repérer, dans le dispositif actuel ZEP et REP, les lieux où les résultats scolaires et éducatifs sont les plus déficients, les endroits où l’Education nationale n’assure plus sa fonction.

Nous insistons sur le fait qu’il ne s’agit pas de réitérer des découpages selon des critères sociaux, mais de déterminer la qualité prioritaire sur la base de l’efficacité de l’école, c’est à dire à partir des résultats scolaires et éducatifs.

Selon notre estimation, 5% des élèves pourraient être concernés par la création de ce que nous nommons provisoirement " sites urbains prioritaires ". Le repérage de ces lieux n’est pas difficile à mener, mais doit être effectué de façon très précise. Ils peuvent recouvrir des unités territoriales restreintes (le quartier, voire l’établissement) ou des secteurs plus larges (le collège et ses écoles). Il ne s’agit pas de suivre des découpages administratifs mais de localiser des ensembles réels d’enseignement.

Parmi les mesures à prendre, les stratégies à promouvoir, citons-en quelques unes bien connues mais qui sont des conditions sine qua non :

L’analyse des besoins doit être menée avec rigueur par des personnes locales aidées d’experts afin qu’un projet spécifique puisse être élaboré, que des partenariats s’installent. La création ou la stimulation d’un tissu associatif est essentielle, qui s’adresse tant aux jeunes qu’aux adultes dans des actions culturelles ou formatrices.
L’évaluation régulière des résultats scolaires sert à guider l’action pédagogique et à orienter les enseignants dans des actions de formation adaptées et souples.

Le recrutement des personnels d’encadrement est un élément clé ; les enseignants devraient être cooptés en fonction des compétences acquises dans d’autres lieux, de leur motivation, sans exclure les sortants d’IUFM qui sont de plus en plus demandeurs.

Les sites devraient bénéficier prioritairement des expérimentations lancées par le ministère, celles-ci pouvant être le fer de lance du projet local. Ainsi retrouverait-on la vocation des ZEP : devenir les laboratoires pédagogiques.

Enfin, redisons que ce dispositif de " sites urbains prioritaires " doit être pensé et perçu comme exceptionnel, répondant à des situations extrêmes. Une durée est à fixer en fonction des objectifs ; elle peut être variable, mais a nécessairement une certaine ampleur.

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