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Dossier publié à la suite de la journée académique du 6 avril 2005 destinée à approfondir la réflexion, d’échanger et de mutualiser les expériences pour enrichir l’action auprès des enfants les plus pauvres.
« (...) malgré tous les efforts déployés et tous les progrès effectués , des obstacles à l(eur) réussite demeurent très souvent. Les relations avec les familles sont malaisées , la plupart du temps , en raison de malentendus et d’incompréhension. L’adhésion des élèves aux activités et les résultats scolaires ne sont pas à la hauteur des espérances et des initiatives , ce qui amène à s’interroger sur les effets des situations de grande précarité sur la motivation et la relation au savoir. »
Au sommaire du dossier
Interventions
– Définitions de la pauvreté. État des lieux en Franche-Comté (Frédéric Noroy, responsable des études de l’INSEE)
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– Attentes, peurs et besoins des parents (Henryelle Chevassu, militante d’ATD Quart Monde, Poligny. )
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– C’est difficile (Natacha Baudard, secrétaire départementale du Secours populaire à Besançon)
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– Conférence de Claude Pair (ancien directeur des lycées et recteur) : Les familles pauvres et l’école
▪ Le « malentendu » entre l’école et les familles pauvres
Cl. Pair approfondit les témoignages précédents, en se référant notamment aux analyses sociologiques (F. Dubet). Alors que l’école devrait rompre l’exclusion, elle la reproduit. Son regard, ses actions excluent ou sont ressentis comme facteurs d’exclusion. Son discours sur les manques plus que sur les droits culpabilise. Seules les familles concernées peuvent faire connaître aux enseignants leur vie, leurs attentes, leurs difficultés. Six points d’achoppement :
** l’école est de moins en moins gratuite, même en ZEP ;
** les préoccupations dues à la précarité familiale empêchent les enfants d’être disponibles aux apprentissages ;
** l’échec scolaire suit toute la famille ; l’école réveille les peurs passées ; en outre les enseignants sont perçus comme des gens de pouvoir et contribuent aux peurs présentes (être convoqué) ;
** les procédures ne sont pas comprises : on pense à leur place ;
** faute de connaissances, de disponibilité, les parents ne peuvent satisfaire les exigences scolaires (comme veiller au travail scolaire, accompagner des activités périscolaires) ;
** l’enfant ne s’exprime pas pour ne pas s’exposer ; à tort ou à raison, le regard des autres sur lui-même et sur ses parents, est senti comme différent, stigmatisant, lourd de menaces.
▪ « Le changement de regard » progressif
Un véritable travail d’équipe est nécessaire pour sortir de la dénonciation, connaître, comprendre et finalement reconnaître « loyalement ». La reconnaissance de la dignité des familles pauvres, sans que soient assimilées dépendance et déchéance, implique la reconnaissance de leurs savoirs propres. Se rencontrer signifie « croiser » dans une relation d’égalité les « savoirs savants ou scolaires, les savoirs vécus, les savoirs d’action et d’engagement » pour « construire un savoir libérateur ». C’est l’expérience qui a été tentée par un groupe de recherche Quart Monde-Université en 1999. Le partenariat impliquant dans le même projet enfants, enseignants et parents crée une « coéducation du citoyen ».
Lire l’intervention de Claude Pair, des extraits de L’École devant la grande pauvreté : changer le regard sur le quart monde :Les familles pauvres et l’école (lien inactif)
– Pauvreté et motivation scolaire (Anne Mansuy, professeur de technologie au collège [RAR] de Bethoncourt et formatrice académique)
Anne Mansuy, professeur de technologie au collège de Bethoncourt et formatrice académique, a expliqué très méthodiquement et concrètement quels moyens favorisent la nécessaire motivation de l’élève. Son calme souriant a été l’illustration même de ses propos.
▪ L’enseignant de ZEP a besoin de connaître non seulement les paramètres de la motivation scolaire, mais aussi les modifications que leur fait subir la pauvreté.
▪ Le sens doit être pensé en fonction des élèves eux-mêmes, et non d’exigences théoriques. Puisque le rapport à l’école est « relationnel avant d’être rationnel », il est essentiel de travailler l’accueil : loin de se laisser déconcerter par leur méconnaissance des codes de communication reconnus (langage, attitudes), il faut apprendre les leurs. L’accueil des familles et des enfants avant la rentrée, hors de tout contexte d’évaluation, est bénéfique. Puisque ces enfants préoccupés par le quotidien ont du mal à établir des liens, à se projeter dans l’avenir, il revient aux enseignants de leur faire repérer ce que les apprentissages révèlent de la vie, de les guider vers les questions fondamentales au sein de projets à court terme. La démarche inductive s’impose pour qu’ils prennent conscience de leurs capacités à élaborer personnellement leur savoir par la réflexion ; entraide et coopération sécurisent.
▪ Il faut aider les élèves à se sentir compétents alors que dominent chez eux un sentiment d’écrasement culpabilisant et la peur de ne pas être aimés. « L’effet prophétique des attentes » a été étudié. Aux enseignants donc de redonner confiance : à cet effet, ne vraiment marquer aucune différence, être toujours souriant, optimiste pour tous, proposer des activités accessibles, souligner les réussites, ne faire des reproches que circonstanciels, faire identifier les progrès.
▪ Les difficultés familiales durables ont souvent développé chez ces élèves une « impuissance apprise » qui conduit à la passivité ou à la révolte. Il faut donc leur redonner l’initiative, le « pouvoir d’agir » sur des activités maîtrisables : pour cela, bien penser le niveau proposé, aider à anticiper les évaluations, faire pratiquer l’auto-évaluation, la métacognition.
▪ Apprendre accroît l’anxiété. L’établissement d’un contexte sécurisant est un préalable. Les règles – protectrices – de l’école doivent être compréhensibles et respectées par tous. Cela implique des adultes « convaincus et convaincants », acceptant leurs émotions et capables d’aider les élèves à contrôler les leurs, des « pratiques justes » (au sens de justesse et de justice), l’« install[ation] de rituels de communication et de fonctionnement ».
Consulter l’intervention d’A. Mansuy : Pauvreté et motivation scolaire (lien inactif)
– L’éducation, parlons-en ensemble (Franck Vigneron, coordonnateur de la ZEP [RRS] Montmarin à Vesoul)
Franck Vigneron, coordonnateur de la ZEP Montmarin à Vesoul, a témoigné avec un optimisme combatif de sa longue expérience, qui est au départ celle d’un instituteur spécialisé. La perte actuelle de mixité sociale est inquiétante. Inventivité, performance, « excellence » pédagogiques peuvent seules restaurer l’égalité des chances. Les actions évoquées, volontaristes, reposent sur le concept d’ouverture – pédagogique, culturelle – maîtrisée. Les enfants issus de familles pauvres ont une perception parcellaire du monde, très éloignée de la culture scolaire. Les classes découverte, les sorties donnent du sens aux apprentissages, fondent un vécu commun. Bien préparées, elles sont compatibles avec le recentrage sur les fondamentaux. Les coordonnateurs de ZEP jouent un rôle majeur dans le développement de partenariats très divers : comités locaux, associations, nutritionnistes, PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse)… L’accent est mis sur le vecteur de réussite qu’est l’accompagnement scolaire. La présence des parents à l’école est source de motivation ; l’objectif est la co-construction du projet éducatif. Aussi faut-il les accueillir dès le début de l’année. Des expériences significatives seront reconduites : mise à disposition d’une salle informatique pour l’alphabétisation, réunions, en présence d’interprètes, sur des thèmes sensibles : parentalité, autorité, santé… (http://crdp.ac-besancon.fr/carep/Vesoul%20Parents.htm, lien inactif). De telles actions impliquent, de la part des enseignants, beaucoup de disponibilité et une profonde remise en cause.
Consulter l’intervention de F. Vigneron : L’éducation, parlons-en ensemble (lien inactif)
– Une marmothèque à l’école (Geneviève Humbert, directrice de la maternelle [RRS] Saint-Exupéry à Dole)
Geneviève Humbert, directrice de la maternelle Saint-Exupéry à Dole, a expliqué l’intérêt du projet pluridisciplinaire de « marmothèque » qui fonctionne depuis plusieurs années. La marmothèque est un lieu convivial aménagé dans le hall d’entrée, gérable par des enfants de cycle 1 (les pictogrammes sont supports de langage), lieu d’apprentissage de règles de vie commune centrées sur le respect du livre. La réflexion d’Eveline Charmeux sur la familiarisation précoce avec la lecture a servi de fondement théorique.
▪ Objectifs :
** travailler dans une véritable équipe à l’écoute des cas individuels ;
** attirer les enfants vers les livres, les lieux qui leur sont réservés, les guider, compenser l’absence de livres à la maison ;
**créer un partenariat avec des parents qui ont souvent échoué à l’école.
▪ Actions dans le temps scolaire :
** toutes les classes exploitent un spectacle fédérateur : activités de langage, de lecture, d’écriture ; le travail est valorisé, puisque pour Noël, les enfants reçoivent en cadeau le livre du spectacle et le rapportent chez eux ;
** le rôle du maître surnuméraire auprès de groupes restreints est fondamental ; il est centré sur la maîtrise du langage ;
** la marmothèque favorise la liaison maternelle/CP : actions de tutorat, théâtralisation…
▪ Actions hors temps scolaire :
** accueil des parents (et de leurs autres enfants) de 16 h 20 à 16 h 45 par un des membres de l’équipe éducative, auxiliaires de vie scolaire comprises ;
** organisation d’un prêt de livres aux enfants et aux parents (certains parents aident à la gestion) ;
• instauration d’une heure du conte, moment informel de rencontre, d’échanges sur tous les sujets, de responsabilisation des parents.
Malgré les obstacles, temporels notamment, le pari de soutien réciproque des enfants et des parents a été gagné ; le plaisir est réel.
Consulter l’intervention de G. Humbert : Une marmothèque à l’école (lien inactif)
– Le projet « Courte Echelle » (Christine Aubrun, coordonnatrice de la ZEP [RAR] Ile-de-France à Besançon)
Christine Aubrun, coordonnatrice de la ZEP Île-de-France à Besançon, a présenté le projet « Courte échelle », en cours d’expérimentation. Des chiffres précis ont été fournis : population du quartier, du REP (réseau d’éducation prioritaire), taux de chômage, taux de boursiers, nombre de CLIN (classes d’initiation) et de CLA (classes d’adaptation), de CP renforcés… Le projet se situe dans la perspective des travaux de Gérard Chauveau. Il est porté depuis plusieurs années par des enseignants, conseillers pédagogiques, animateurs… volontaires, fortement investis.
Les évaluations ont été soigneusement pensées. Celle de février est conçue comme un « contrôle technique » destiné à réactualiser le dispositif d’aide. Celle de fin d’année, centrée sur le « savoir lire et produire des écrits », permet de préparer les aides à l’entrée en CE1. Les parents sont avertis officiellement et l’enfant est impliqué.
Les partenariats avec la ville et le quartier sont bien engagés : maison de quartier, bibliothèques municipales, association PARI (accompagnement scolaire des enfants et de leurs familles). Ils permettent de mieux cibler les élèves à risque.
Ce projet ambitieux donne des résultats, oblige à interroger constamment les pratiques, les relations de quartier et les dysfonctionnements relationnels. Le soutien des parents joue un rôle fondamental dans la réussite des enfants : c’est dans le travail avec les parents qu’il faut innover.
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Evaluation des CP dans le cadre du projet « Courte Echelle »
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Compte rendu intégral établi pour le site Bien(!)Lire (avec une brève bibliographie)
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– Intervention de Jean-Michel Lévecque auprès des coordinateurs ZEP et REP concernant le REAAP « Réseau d’Écoute d’Appui et d’Accompagnement des Parents » (16.11.2005)
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Extrait du CAREP de l’académie de Besançon le 20.10.2005. Ecole, famille et grande pauvrete
Voir aussi la présentation du DVD Familles, Ecole et grande pauvreté (2008)