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La constitution des classes dans les écoles ZEP et ailleurs (IREDU)

7 mars 2005

Extraits d’un rapport intermédiaire de Christine Leroy-Audouin et Bruno Suchaut (Irédu-CNRS et Université de Bourgogne) de janvier 2005, sur la constitution des classes dans les écoles : contraintes de contexte ou stratégies d’acteurs ? Rapport accessible à partir de "L’Expresso" du 07.03.05.

Nous extrayons ci-dessous d’une part le sommaire, d’autre part quelques passages de cette étude passionnante de 82 pages. Ces passages ne forment pas un résumé mais reprennent les principales notations sur les ZEP. Leur lecture seule ne permet pas de connaître le rapport.

Sommaire

Introduction 3

I Les faits, entre cadre réglementaire et pratiques déclarées 10

I.1 Structure des écoles de l’échantillon 11

I.1.1 Nombre d’élèves, nombre de classes 11

I.1.2 Répartition du nombre d’élèves par classe 13

I.1.3 La composition des cours multiples 16

I.2 L’éclairage des directeurs d’écoles 20

I.2.1 Un calendrier contraint 21

I.2.2 La question de l’autorité 24

I.2.3 Une décision collégiale pour des priorités partagées 29

I.2.4 Une décision collégiale... pour des intérêts individuels aussi 33

II A chaque enseignant sa classe 35

II.1 Les usages en matière d’attribution des classes 36

II.1.1 L’attachement à « sa » classe 36

II.1.2 Le poids de l’ancienneté dans l’école 39

II.2 Profils d’enseignants et caractéristiques des classes 41

II.2.1 Le cas du directeur 41

II.2.2 Les nouveaux arrivants dans l’école 43

II.2.3 Les enseignants atypiques 45

III A chaque classe ses élèves 46

III.1 Les critères d’affectation des élèves selon les directeurs 46

III.1.1 Un critère consensuel : des classes équilibrées 47

III.1.2 La dimension relationnelle 48

III.1.3 L’affectation dans les cours multiples 49

III.1.4 L’intervention des familles 51

III.2 La configuration des classes constituées 54

III.2.1 Deux cours simples dans l’école 55

III.2.2 La probabilité pour un élève d’être affecté en cours multiple 62

III.2.3 Une décision locale et contextualisée 68
Conclusion 71

Bibliographie 75

Annexes 77

Extraits

(...)

Il est nécessaire d’interroger de façon globale, dans un premier temps, la relation entre le nombre d’élèves et le nombre de classes. Si on peut évidemment supposer que le nombre de classes dans une école dépend du nombre d’élèves scolarisés, il peut toutefois être intéressant d’examiner plus précisément la nature de cette relation. Les classes apparaissent alors presque alignées sur une droite, témoignant ainsi de la forte relation entre les deux indicateurs. Le nombre de classes par école est donc fortement déterminé par le nombre d’élèves scolarisés ; le coefficient de détermination (R²) est de 0,90 et laisse très peu de marge à l’aléatoire dans cette relation. Le graphique distingue par ailleurs les écoles ZEP des autres. On remarque que certaines écoles ZEP s’éloignent légèrement de la relation moyenne : dans ces écoles, le nombre de classes est supérieur pour un même nombre d’élèves. D’ailleurs, le fait de tenir compte de la variable ZEP permet d’augmenter le R² de près de 2%. Finalement, la variation du nombre de classes dans une école est déterminé à la hauteur de 92% par le nombre d’élèves et par le classement de l’école en ZEP ou non.

I.1.2 Répartition du nombre d’élèves par classe
Le nombre moyen d’élèves par classe est de 21,5 mais ce chiffre varie de 15 à 26 élèves d’une école à l’autre (écart-type de 2,5) et les classes situées en ZEP sont en moyenne moins chargées (20 élèves en ZEP contre 22 en hors ZEP).

Des variations dans le nombre moyen d’élèves par classe existent également au sein d’une même école et il est indispensable de s’intéresser à la façon dont les écoles répartissent les effectifs d’élèves dans chacune des classes. On peut supposer dans cette perspective qu’un des premiers critères concerne les effectifs en présence dans chacun des niveaux scolaires et que les enseignants souhaitent, quelle que soit la distribution entre les différents niveaux, se répartir les élèves de façon égalitaire. Pour tester cette hypothèse, il suffit de mesurer l’écart du nombre d’élèves par classe à la moyenne du nombre d’élèves par classe de l’école ; on peut mobiliser à ce titre l’écart-type du nombre moyen d’élèves par classe dans chaque école. Un écart-type élevé indique alors une forte hétérogénéité dans la répartition des élèves dans les classes et inversement, un écart-type faible (proche de 0) témoigne d’une répartition égalitaire du nombre d’élèves dans les classes. Sur l’ensemble des écoles, cet indicateur a une valeur moyenne de 2,75 et il varie de 0,71 (école dans laquelle les classes sont les plus homogènes du point de vue de la taille) à 5,8 (école dans laquelle les effectifs sont les plus hétérogènes d’une classe à l’autre).

Si l’unique critère de constitution des classes était une répartition égale des élèves dans les classes, 20% des écoles devraient présenter des classes d’effectifs équivalents. Ce n’est pas le cas : dans près d’un tiers des situations, le nombre moyen d’élèves par classe s’écarte de 2 élèves par rapport à la moyenne de l’école ; dans 60% des cas, cet écart s’élève à environ 3 élèves et 15% des écoles présentent un écart supérieur à 4 élèves. On peut s’interroger sur l’explication de telles variations d’une école à l’autre. Plusieurs variables peuvent être mobilisées pour répondre à cette question : la taille de l’école, le classement en ZEP ou non, et bien sûr la répartition initiale des élèves dans les différents niveaux scolaires.

Il apparaît tout d’abord que l’égalité de répartition des effectifs ne dépend pas de la taille de l’école : les classes ne sont pas plus équilibrées en termes d’effectifs dans les écoles les plus grandes. On remarque en outre que cette égalité est un peu moins respectée en ZEP ; la taille des classes par école y est plus hétérogène que dans les écoles hors ZEP.

(...)

Au-delà de ce fonctionnement global et commun à la majorité des écoles qui ont des opportunités d’organisation variables, des différences sensibles s’observent néanmoins au niveau de la marge d’incertitude qui touche aux prévisions. Celle-ci concerne d’abord les élèves dont on n’anticipe que difficilement les mouvements pendant les vacances ; près de la moitié des directeurs a évoqué cette difficulté, voire même le fait qu’en optant pour telle configuration en juin, ils aient pu prendre des risques : « là on a joué gros dans la mesure où ce quartier est en cours de construction de population [...] là on a joué à pile ou face ». On note que ce problème concerne à la fois des écoles de ZEP, situées dans des quartiers « reclus, qu’on veut fuir », dans lesquelles « il y a un grand nombre de familles qui ne sont pas rentrées le jour de la rentrée, des familles maghrébines notamment, turques, ils profitent des billets économiques [...] Certains ne rentrent jamais, d’autres rentrent plus tard », « avec un turn-over important, ça bouge énormément » qui comptent « pas mal de familles qui sont dans des situations précaires, des hommes et des femmes qui travaillent en intérim, donc qui peuvent se déplacer facilement » (école 6) mais aussi des écoles de quartiers beaucoup plus favorisés socialement, comme le centre-ville où « on a pas mal de mouvements » ou un quartier en expansion qui connaît « un mouvement de gendarmes, ça se renouvelle toujours »).

Les mouvements d’enseignants constituent la seconde source d’incertitude puisque les résultats des mutations (départs et arrivées) ne sont connus définitivement qu’en toute fin d’année scolaire, voire parfois même à la rentrée ; quatre directeurs d’école ont ainsi affirmé ne pouvoir valider les choix réalisés sans l’accord des « nouveaux venus ». Quoi qu’il en soit, les discours des directeurs laissent clairement apparaître que plus la marge d’incertitude est grande (ou vécue comme telle), plus les débats auxquels la procédure donne lieu paraissent pesants. Une illustration de cet état de fait peut être apportée par le témoignage du directeur de l’école 5, située en ZEP et comptant 14 classes : en effet, après des discussions houleuses en juin pour le choix de leur classe par les enseignants (qui s’étaient soldées par un tirage au sort et un « psychodrame » selon les termes employés), le directeur raconte qu’ »alors, ce qui s’est passé, on était sur des cours doubles pratiquement à tous les niveaux, mais comme on a eu beaucoup d’enfants [...] qui sont arrivés à la rentrée, on a eu une réouverture, ce qui nous a fait tout remettre à plat et on est reparti sur des cours simples ». L’école 6 a connu un cas de figure similaire, avec une ouverture de classe trois jours après la rentrée, qui a conduit cette fois, à la création de cours doubles. Il peut arriver cela dit que l’équipe elle-même souhaite que les estimations de juin et l’organisation qui en a découlé soient mises à mal à la rentrée, tant l’insatisfaction est grande : « on essaie de trouver la meilleure solution ou la moins mauvaise... comme cette année, c’est la moins mauvaise ... ». C’est le cas de l’école 15 dans laquelle « on ne peut pas, là. Je veux dire, on est dans une situation mathématique qui nous empêche. Donc, ça veut dire que le directeur, il prend les 29 [...] en se disant « pourvu qu’on gagne 4 élèves et puis que ça se partage en 14 et 15 »... mais c’est ces 4 élèves-là qui nous manquent en ce moment ».

(...)

La seconde raison majeure avancée par les directeurs afin de justifier l’évitement des cours multiples est celle de leurs conséquences en termes d’organisation de l’école d’une part, de la classe d’autre part. En effet, les cours multiples comptent en moyenne moins d’élèves que les cours simples et créer un cours multiple revient finalement à augmenter la taille des autres classes dans l’école : « alors par contre, on essaie toujours que les cours doubles soient à tout petit effectif. Par contre, le maître qui prend le cours simple sait qu’il prendra tout ce qui arrivera » (école 3) ; « alors les classes doubles, on fait en sorte de ne pas dépasser 20, 18 souvent, quitte à monter un petit peu les effectifs à côté » (école 10). Dans certaines écoles, cette possibilité n’est pas envisageable. Le directeur de l’école 15, située en ZEP, pense ainsi que « les élèves manquant d’autonomie et ayant besoin d’un regard pratiquement constant de l’enseignant », la répartition des effectifs n’est pas gérable dans son cas : « on a mis une limite moyenne à 20 élèves par classe en ZEP ; en cours double, il faut descendre à 15. Faire fonctionner un cours double à 15, ça veut dire qu’ailleurs, ça explose... ça veut dire qu’on contrebalance en en mettant 23, 24, 25 dans une autre classe ».

(...)
Il était tentant d’approfondir l’analyse de cette dimension locale des décisions en matière d’affectation des élèves, en recherchant si les écoles qui s’opposaient en la matière avaient des caractéristiques contextuelles et structurelles également différentes. Evidemment, le problème des effectifs se posait à nouveau et sans surprise, aucun résultat stable et consistant n’est apparu. Même en opposant les écoles indépendamment du niveau considéré (CE1 et CM1), aucun des indicateurs disponibles ne révèle de différences marquées ; ni la localisation en ZEP, en RPI ou la situation géographique, ni la tonalité sociale de l’école ou les caractéristiques du corps enseignant ne distingue clairement les deux groupes d’écoles. Les choix pédagogiques réalisés semblent donc dépasser ces caractéristiques structurelles et contextuelles qui se situent à un niveau relativement « macro » et ne délimitent finalement que le cadre au sein duquel les processus de décision vont se construire. Cette hypothèse est renforcée par le constat selon lequel, très souvent, les directeurs ont insisté sur le fait qu’ils « essayaient » de procéder à tel ou tel type de regroupement, qu’ils « essayaient » de mobiliser tel ou tel critère, laissant, d’une part entrevoir des ajustements et des tâtonnements successifs et d’autre part, supposer une certaine incertitude quant au résultat auxquels ils aboutissent.

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