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Entretien avec Marc Bablet, responsable départemental ZEP à Paris (Bulletin OZP n° 10, juin 1997)

10 juin 1997

Bulletin de l’association OZP, n° 10, juillet 1997

Entretien avec Marc Bablet, IEN,
responsable du dispositif ZEP à Paris

Note : Marc Bablet est actuellement (en 2009) inspecteur d’académie adjoint en Seine-Saint-Denis, après avoir occupé la même fonction dans le Val-de-Marne.

OZP : Après avoir interrogé, dans de précédents bulletins, des coordonnateurs puis des responsables de ZEP, nous vous avons demandé cet entretien afin d’entendre un responsable départemental évoquer sa fonction. Comment envisagez-vous celle-ci ?

Marc Bablet : Cette fonction est à l’articulation de l’impulsion nationale et des dynamiques locales. Or, la première comme les secondes ont beaucoup évolué depuis 1981 je ne vous aurais donc pas donné la même réponse en 1982, en 1990 ou même encore en 1993. De plus, ici, à Paris, le contexte local a toujours été particulier.

OZP : A quoi tient ce contexte particulier ?

M. B. : On connaît la concentration urbaine, ainsi que certaines différences administratives, mais il s’agit essentiellement de questions démographiques ; l’image d’une ville riche et peuplée de célibataires âgés est totalement en décalage avec une partie importante, au nord et à l’est surtout, composée de populations à faibles revenus, jeunes et fortement marquées par des flux migratoires récents et variés.
De bonne foi, certains s’étonnent parfois de l’existence de ZEP à Paris : l’examen de données statistiques, les catégories socio-professionnelles en particulier, ou des visites sur le terrain, ont vite fait de montrer la nécessité de projets de zones et la carte actuelle des ZEP, qui a été fixée en 1990, est un acquit.

OZP : Le chantier de la carte scolaire des ZEP n’étant pas ouvert à ce jour, quels sont vos axes de travail, au niveau départemental (ou académique puisqu’ici les deux sont assimilés), en cet été 1996 ?

M. B. : Nous travaillons sur les objectifs du dispositif prioritaire et sur ses acteurs, pour ce qui ne peut être ni de la responsabilité de chaque zone ni de celle du ministère. Chaque département repère quelles sont ses nécessités propres et définit ses priorités.
Pour nous, en ce moment, notre rôle est d’analyser les besoins des ZEP et d’examiner la mise en œuvre des projets de zones.
A ces deux axes, s’articule une recherche sur les milieux populaires. Ce rôle étant défini, un choix de priorités a été fait par l’adoption de champs de travail pour le groupe de pilotage départemental prévu dans la réglementation du dispositif.

OZP : Quelle est la fonction précise, aujourd’hui, de cette instance dans votre département ?

M. B. : Le groupe de pilotage des ZEP de Paris n’est pas un outil pour définir et conduire une politique, celle-ci, pour le moment, étant stabilisée ; il est un outil pédagogique au service de l’objectif du dispositif prioritaire, la réussite scolaire. Les ZEP, leurs projets, les coordonnateurs et les responsables sont en place, c’est la réussite scolaire qui doit suivre.
Nous ne partons pas de zéro : depuis 1982 pour certaines, 1990 pour d’autres, du travail efficace a été fait : il s’agit de le développer. Le groupe de pilotage est donc formé de groupes de travail pédagogiques qui se nourrissent des observations, des difficultés et des réussites du terrain. Chaque groupe de travail aborde l’un des champs choisis comme priorité départementale.

OZP : Quels champs de travail avez-vous choisis ?

M. B. : Nous en avons trois : la langue, les droits et devoirs en milieu scolaire et les relations école - parents d’élèves ; un autre est envisagé pour la prochaine année scolaire sur l’accompagnement scolaire.

OZP : Pour le premier champ, comme dans d’autres départements, vous avez élargi les problématiques liées à l’apprentissage de la lecture, dans les années 80, à celles liées à la langue ?

M. B. : Oui, mais l’élargissement s’opère sur différents plans, et pas seulement dans le domaine disciplinaire : d’abord, en effet, la lecture doit être replacée dans un contexte plus large avec l’expression écrite et la langue " orale " ; mais depuis quelques années nous avons des moyens extrêmement fins d’analyse que nous commençons seulement à utiliser méthodiquement : les évaluations CE2, sixième et seconde sont pleines d’enseignements, comme les analyses factorielles désormais disponibles grâce aux logiciels statistiques Casimir et SAS.
Nous avons des éclairages nouveaux. Le groupe de travail interdegrés de 12 membres qui assure ces analyses, à partir de relevés faits par trois d’entre eux, débouche sur les propositions de travail aux ZEP.
L’élargissement concerne aussi les conséquences : outre l’adresse aux ZEP, ces analyses sont traitées en formation continue avec les enseignants. L’objectif est bien ce qui se passe au quotidien dans les classes : on les atteint par la structure de zone mais aussi par les stages et journées de formation.
Enfin, élargissement aux relations interdegrés : la langue est le sujet par excellence qu’il faut traiter en continuité de la maternelle au collège et le dispositif prioritaire est la structure la meilleure pour cela. Nous prévoyons une publication académique en collaboration avec la MAFPEN.

OZP : Le second champ, celui des droits et devoirs en milieu scolaire, est-il aussi vaste ?

M. B. : Non, à la fois par sa nature et parce que notre groupe de travail n’est pas aussi avancé que le précédent. Nous cherchons à l’aborder par les questions comportementales, par la citoyenneté et, enfin, sous l’angle juridique. Le groupe de travail a commencé par les règlements intérieurs des écoles et des collèges : quels en étaient le contenu et, surtout, l’appropriation effective par les différentes composantes de la communauté éducative de chaque ZEP, y compris les parents d’élèves.
Même si ce champ semble plus simple que celui sur la langue, il recèle en fait de nombreux pièges, est l’objet de nombreuses études variées et parfois contradictoires, engendre plus facilement les mots d’ordre que des réflexions sérieuses : le groupe de travail, dont la composition est semblable au précédent (des instituteurs, professeurs de collèges et coordonnateurs, un principal et un IEN), se trouve donc confronté à des questions complexes mais pourtant essentielles pour nos ZEP.

OZP : Le troisième groupe de travail traite des relations école - parents d’élèves : est-ce une nouveauté ?

M. B. : Au contraire, c’est un sujet de travail ancien dans les ZEP de Paris : nous pouvons donc travailler sur des acquits et les développer : des ZEP ont mené des actions d’information ou de formation en direction des parents d’élèves, d’autres, nombreuses, ont organisé des cours d’alphabétisation, problème qui reste très important à Paris alors qu’il décroît en province.
Ce groupe de travail publiera prochainement un document intitulé " École, famille : lutte contre l’exclusion scolaire " pour présenter ses réflexions : une bibliographie et des propositions d’animations et de formation en écoles et au collège s’y ajouteront.

OZP : On imagine l’utilité de ces groupes de travail, dès lors qu’ils sont en prise avec le terrain, mais le responsable départemental d’un dispositif de zones d’éducation prioritaires ne peut être seulement un pédagogue...

M. B. : Il est nécessaire qu’il le soit, mais une politique académique ou départementale n’existe pas longtemps si elle n’est pas accompagnée : cela signifie que le réseau de responsables et de coordonnateurs doit vivre, d’abord par des réunions régulières et des mandats clairs (les coordonnateurs ont une lettre de mission) ; cela signifie aussi que des formations soient méthodiquement entreprises ; enfin, que des ressources soient offertes aux enseignants : dans ce but, le CEFISEM (Centre de formation et d’informations pour la scolarisation des enfants de migrants) a créé un centre de ressources.

OZP : Vous êtes aussi responsable du CEFISEM ?

M. B. : En effet, et le cumul de ces deux fonctions, ZEP et CEFISEM, se justifie à Paris : ici, la carte scolaire de l’immigration est semblable à celle des catégories défavorisées : les ZEP sont les zones d’immigration intense de Paris et il serait absurde de dissocier ces deux questions.
Je comprends qu’ailleurs on soit attentif à ce que les ZEP ne soient pas réduites à des zones d’immigration et que les immigrés hors ZEP ne soient pas oubliés, mais à Paris la géographie incite à traiter les affaires ensemble : le projet 1996 - 1997 du CEFISEM expose clairement à la fois les responsabilités générales vis-à-vis des populations immigrées de tous les quartiers de Paris et celles, massives, vis-à-vis des zones où elles sont concentrées, c’est à dire d’abord les ZEP.

OZP : Les actions de formation continue des enseignants apparaissent importantes dans votre fonction.

M. B. : Elles sont fondamentales. Les projets de ZEP n’auraient pas de sens hors de la formation : nous visons l’amélioration des résultats scolaires, donc des modifications positives dans les classes, au quotidien. Tout ce que font les membres des groupes de travail pédagogique, les responsables de ZEP et les coordonnateurs n’ont que cela pour objectif, même si la relation n’est pas toujours directe.
En bout de course, les acteurs principaux sont les enseignants devant leurs élèves, avec les multiples problèmes pédagogiques à la fois communs à tous les enseignants et ceux propres à ces zones.
La mise en œuvre des formations est complexe, surtout pour les actions interdegrés : on le sait dans tous les départements. Ici, nous sommes parvenus à avoir un contingent de remplaçants pour les stages d’établissements et les stages ZEP, non seulement dans le premier degré mais aussi dans le second où ils sont cinq qui enseignent la méthodologie lors de leurs remplacements, la discipline du professeur important alors peu.
Il faut dire que nous sommes épaulés de façon efficace par la MAFPEN qui, notamment, a mis en place un réseau de correspondants ZEP et établi un protocole d’accueil pour les nouveaux arrivants en ZEP.

OZP : La surface de votre département étant réduite, vos stages de formation continue doivent donc toujours être de niveau départemental...

M. B. : Pour certains, oui, mais il y a aussi des stages locaux : il faut se rappeler que la politique ZEP est d’abord celle de zones. L’échelon départemental impulse et accompagne mais les problématiques sont d’abord locales et, tout naturellement, les rassemblements se font souvent sur place.
De plus, je constate qu’en restant sur le terrain, on risque moins de dévier vers l’institutionnel, le diplomatique, pour rester centré sur les problèmes de réussite scolaire, ce que souhaitent les collègues.
Enfin, les actions de formation s’appuient souvent sur une analyse locale des difficultés et des blocages : ce travail ne peut se faire qu’entre partenaires locaux, se faisant confiance et unis pour améliorer les résultats des élèves.

OZP : Vous semblez réservé devant l’institution et la diplomatie.

M. B. : J’ai employé une formule, n’en tirez pas plus qu’elle ne dit . Il existe le risque de voir des enseignants perdre leur temps dans des réunions où le représentant de ceci ou de cela va discourir sur la politique de la Ville et celle des ZEP.
En revanche, d’une part les réunions institutionnelles sont nécessaires (et j’en organise moi-même certaines en veillant à les rendre efficaces), d’autre part, sur un sujet social ou pédagogique précis et à un moment donné, des échanges entre enseignants et partenaires peuvent être fructueux et sont parfois même indispensables. Quant à la diplomatie, elle est comme la langue d’Esope...

OZP : Pour une bonne marche du dispositif, vous évoquiez les ressources.

M. B. : J’ai déjà cité le CEFISEM qui publie des informations sur le système scolaire, sur les classes d’initiation, les classes d’accueil ou les ZEP, par exemple, qui établit des collections d’outils, cela depuis longtemps, sur différents thèmes comme les relations école-parents, et qui édite une bibliographie gratuite.
Mais il y a aussi le CRDP avec sa revue Points d’appui, dont la dernière livraison aborde les ZEP de façon remarquable, et d’autres. Cependant, les ressources n’ont d’intérêt que si elles sont liées à la formation continue et au fonctionnement quotidien du dispositif : il nous faut donc à la fois créer, ou solliciter, ou repérer des ressources, à la fois travailler pour que l’envie de les utiliser existe et à la fois veiller à ce que ce soit abordable.

OZP : Le responsable départemental des ZEP ne manque pas de travail !

M. B. : Certes, comme les enseignants de ZEP dans leurs classes, mais les enjeux sont essentiels pour la qualité du service public d’Éducation nationale à Paris.

OZP : Merci pour ce temps accordé.

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