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Extrait de Fenêtres sur cours du 14.05.08 : Un nouveau projet éducatif ?
Entretien
Le GFEN a été à l’initiative de rencontres nationales sur l’accompagnement à Saint-Denis les 5 et 6 avril. Ces rencontres ont rassemblé plus de 230 personnes et ont été un véritable succès. Quelles étaient vos interrogations ?
La première concerne la politique éducative. Quelle est la place de l’accompagnement dans l’ensemble des mesures actuelles ? Quand parallèlement on ferme des postes, on restreint la formation continue et la scolarisation des 2 ans, n’est-ce pas un trompe-l’oeil laissant croire à l’opinion qu’on s’occupe des élèves en difficulté ?
Plus d’école après l’école pour mieux ne rien changer : l’accompagnement ne serait-il pas le lot de consolation d’une politique discriminatoire ? La seconde est pédagogique. Quels sont les effets réels de l’accompagnement ? Si certains usagers en sont apparemment satisfaits, les études dont nous disposons (notamment celles de Dominique Glasman et de Bruno Suchaut) sont moins optimistes : outre l’amélioration du climat scolaire, les déplacements sont assez ténus, voire mitigés.
Quelles incidences réelles sur l’envie d’apprendre, l’appropriation des contenus, les méthodes de travail ? Tout cela mérite d’être analysé en détail au moment où on souhaite généraliser l’accompagnement hors et dans l’école.
Quand on parle d’accompagnement éducatif, de quoi parle-t-on exactement ?
Il faut clarifier les termes : soutien scolaire, accompagnement scolaire, accompagnement à la scolarité, accompagnement éducatif. Le soutien scolaire est réalisé soit par l’équipe éducative sur le temps scolaire, soit par des personnes ou entreprises privées en dehors. L’accompagnement scolaire (charte de 1992), axé sur l’aide au travail et aux apprentissages scolaires, est dispensé hors du temps scolaire dans un cadre partenarial.
L’accompagnement à la scolarité (charte de 2001) concerne les élèves que les parents ont du mal à aider et propose, à côté de l’aide aux devoirs, des activités socioculturelles tout en cherchant à associer les parents au suivi. L’accompagnement éducatif (circulaire de juillet 2007) s’adresse initialement aux collèges de l’éducation prioritaire et aux réseaux ambition réussite. Il s’agit, dans le cadre scolaire, de proposer d’une part l’encadrement du travail personnel des collégiens, d’autre part des activités artistiques, culturelles et sportives.
Quels ont été les points forts de votre travail ?
Un constat partagé : l’accompagnement risque d’externaliser le traitement de la difficulté scolaire. Ceci étant dit, nous devons réfléchir sur les processus de disqualification des 15 % d’enfants les plus fragiles, dont on sait qu’ils viennent des milieux populaires. L’école sait-elle suffisamment parler aux enfants qui ne maîtrisent pas ses codes ? A cette première question forte, s’est ajoutée une seconde : l’école peut-elle rester seule pour relever le défi de la démocratisation ? La dégradation de conditions de vie d’une part, la recomposition de la cellule familiale d’autre part pèsent sur la scolarité.
L’école ne saurait rester seule pour poursuivre et élargir l’éducation des jeunes. Multiplier les expériences, les occasions d’ouverture au monde et aux autres et restaurer la confiance en soi : le partenariat a ici toute sa place. Mais encore faut-il agir de concert, éviter le chevauchement des prérogatives, sans oublier d’y associer les parents.
Vous avez aussi abordé les « malentendus » de l’école ?
Des enseignants ayant pratiqué l’aide aux devoirs disent regarder leur propre travail autrement. Bien des « évidences » professionnelles sont interrogées dès lors qu’on se penche sur les difficultés rencontrées. L’exercice peut révéler que la leçon n’est pas comprise. Que s’est-il passé dans l’espace du cours ? Est-ce à l’accompagnement d’y suppléer ? L’enseignant a demandé d’apprendre, mais que signifie réellement apprendre ? Est-ce la même chose pour lui que pour l’élève et sa famille ? Aquoi sert le travail du soir ? Est-ce pour préparer, exercer ou transférer ce qu’on a appris ? La nature de ce qui est demandé mais aussi les méthodes de travail ont-elles été suffisamment explicitées ?
Toutes ces questions interrogent en retour ce qui se passe en classe. C’est moins après qu’avant, dans le quotidien scolaire que l’aide, les appuis doivent être fournis aux élèves. L’accompagnement scolaire, conçu pour aider l’école, en interroge les limites. Si la relance du processus de démocratisation et l’éducation à la citoyenneté appellent un nouveau projet éducatif avec d’autres partenaires, l’école ne saurait éviter de repenser ses pratiques.
Propos recueillis par Daniel Labaquère