> II- EDUCATION PRIORITAIRE (Politique. d’) : Types de documents et Pilotage > EDUC. PRIOR. Concepts et labels > Concept et labels d’éducation prioritaire > A propos des "200 lycées les plus en difficulté", la "profusion des (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

A propos des "200 lycées les plus en difficulté", la "profusion des mesures, classifications, labels prioritaires" qui rend peu lisible ce qui est réellement prioritaire inquiète l’éditorialiste de l’Expresso.
Il met en avant la situation en Belgique

14 mai 2008

Extrait de L’Expresso du 14.05.08 : Quels sont les établissements prioritaires ?

Nous reprenons l’intégralité de l’éditorial de L’Expresso :

En recevant les représentants des syndicats lycéens, Xavier Darcos a annoncé vendredi 9 mai qu’il mobiliserait « 1 500 assistants pédagogiques et assistants d’éducation", afin de soutenir les lycéens des "200 établissements [lycées généraux et professionnels] les plus en difficulté".

A nouveau on voit une priorisation des lieux affichée dans une politique ministérielle. Il est vrai que s’agissant des lycées, de telles annonces sont plus rares que pour des écoles primaires ou des collèges. Il n’en reste pas moins que la profusion de mesures, classifications, labels prioritaires ne donne pas au final une grande lisibilité à ce qui est réellement prioritaire dans la politique éducative.

Cette question vive accompagne l’histoire de l’éducation prioritaire depuis son émergence en 1981. Et l’association Observatoire des Zones Prioritaires qui tient samedi sa dixième journée nationale s’est déjà fait l’écho de cette préoccupation. Des critères scolaires ont laissé progressivement la place à des critères sociaux et les titres pour qualifier les établissements se sont multipliés au fil des exercices ministériels. Ceci provoqua des polémiques, tantôt sur des critères particuliers qui conviennent à tels types d’espace notamment ruraux, tantôt sur la variabilité des consignes rectorales.

Il serait utile qu’une certaine objectivation préside au classement des établissements, à la fois condition et objectif de l’inscription dans la durée.

Il est intéressant de regarder une expérience qui a été menée à bien en communauté française de Belgique il y a presque dix ans. Jean-Marc Nollet, ministre de l’Enfance investi en 1999 avait hérité d’une situation où des écoles rassemblant 21% des effectifs scolaires étaient classées en éducation prioritaire. Le principe d’un resserrement sur 12,5% des effectifs fut retenu et une commande fut passée auprès d’universitaires pour retenir des critères sociaux facilement applicables et permettant une actualisation régulière. La situation de la Belgique est particulière, puisque la Constitution de 1831 prévoit une « liberté totale de choix du chef de famille », ce qui donne une situation de « quasi-marché scolaire ». Le recrutement des écoles est donc très socialement marqué.

Les universitaires ont alors retenu des indicateurs multicritères qualifiant des quartiers, voire blocs d’immeubles et c’est le domicile de l’élève qui donne une valeur au recrutement de l’école. La mise en place du premier nouveau classement provoqua bien sûr des réactions locales face auxquelles le ministère tint bon. Il eut la prudence de prévoir une diminution progressive des moyens supplémentaires accordés aux écoles qui sortaient du classement « prioritaire », en utilisant les moyens accordés pour le refinancement de la communauté française. Il dut ensuite faire face, et c’était plus inattendu, aux pressions des journalistes qui voulaient connaître le classement complet des écoles, ce qu’il refusa de faire : il n’était pas utile d’ajouter encore à la logique du marché scolaire. Aujourd’hui, un des éléments de débat en Belgique est d’étendre ce dispositif prévu initialement pour les moyens matériels aux moyens humains.

Il serait sans doute illusoire de vouloir appliquer mécaniquement les mêmes outils en France. Mais on pourrait utilement s’inspirer de la démarche : définition de critères à partir de l’avis d’experts et d’un débat public suivi du vote d’une loi, création d’instances d’évaluation et d’instances de conciliation et de régulation, refus d’augmenter la mise en concurrence des établissements par la publication de classements. Cela passerait en France par une démarche radicalement nouvelle : faire travailler ensemble l’Etat et les collectivités locales en amont de la loi pour définir les modalités d’application et d’évaluation. En attendant cette démarche d’objectivation, chaque établissement pourra toujours se trouver moins bien loti que son voisin...

Olivier Masson, secteur Education, Ligue de l’enseignement

Répondre à cet article